Chapitre 3
Je sortais de ma poche la clef du portail, et la rentrait dans la serrure. Je ne pus m'empêcher de sourire en remarquant que la serrure avait toujours un petit problème, bloquant légèrement lorsque l'on tournait la clef. Je dus forcer un peu, tout comme l'avait fait sa dernière propriétaire. Une joie intense sembla prendre place dans chacune de mes cellules, dans mon esprit, dès l'instant où je poussais la grille. Je la refermais délicatement, avant de suivre le petit chemin de gravier, qui menait à l'entrée de la maison. L'herbe et la végétation avait reprit le dessus à certains endroits, et certains de ses anciens buissons étaient morts, il allait falloir que je fasse un peu de ménage. Et vu l'état du jardin, j'avais peur pour l'intérieur. Je me revoyais, encore enfant, courant dans tous les sens, à la recherche de n'importe quoi de banal, mais qui sortait de mon ordinaire.
Je rejoignais tout de même facilement la porte, au pied de laquelle je laissais tomber mon sac. Je me mis à chercher ma clef, et après avoir fait toutes les poches, sentit une petite panique m'envahir. Puis je me revis avec soulagement la glisser volontairement dans la poche intérieure de mon sac. Je lâchais un soupir en m'accroupissant, afin d'attraper cette dernière. Puis je me redressais, quelques uns de mes os craquant au passage, me faisant croire pendant un instant que j'étais déjà vieille. Je fus légèrement soulagée de voir que la clef rentrait toujours dans la serrure, et parfaitement, contrairement au portail.
A l'instant où j'allais ouvrir la porte, j'eu l'impression que le vent se levait, un vent glacé, et que l'on me chuchotait quelque chose à l'oreille. Je sursautais en me retournant, pour remarquer que les couleurs semblaient avoir perdu leur teinte habituelle, devenant comme plus vieille, comme si elles s'étaient éclaircies avec le temps.
-Adria. Adria ! Adria Oria, regarde-moi ! Déclara une voix que je ne connaissais que trop bien.
Je me retournais, à la recherche de cette personne. Puis tombais en face de cette dernière, qui se tenait de l'autre côté du portail.
-Qu'est-ce que tu attends mon enfant ? Reprit-elle.
Je me montrais du doigt, me demandant si c'était réellement à moi qu'on s'adressait. Ma grand-mère redressa ses petites lunettes d'un doigt, montrant le début de son agacement.
-Oui c'est à toi que je parle. Qu'est-ce que tu fabriques encore là ? Dépêche-toi, nous allons être en retard au marché.
Attendez, quoi ? Qu'est-ce que je faisais là moi ? Qu'est-ce qu'il s'était passé exactement ? Je n'arrivais pas à mettre la main dessus, mais pourtant je l'avais sur le bout de la langue...
-Adria, si tu traines trop, nous risquons de croiser madame Simon. Et tu sais très bien que je ne souhaite pas croiser cette vieille peau.
Je me mis à marcher à pas rapides vers le grillage, derrière lequel m'attendait grand-mère. C'était bizarre, j'étais sûre que quelque chose clochait mais quoi ? Qu'est-ce que je faisais il y avait quelques minutes ? Aucune idée, comme si mes souvenirs avaient étés effacés...
L'évidence me frappa aux yeux, ou plutôt ressembla à une claque que je prenais de plein fouet. Je n'étais plus une enfant, et grand-mère était morte... L'odeur qui me monta jusqu'au nez confirma mon hypothèse.
Je m'arrêtais de marcher, m'agenouillant, faisant mine de refaire mes lacets.
-Qu'est-ce que tu trafiques encore ?
J'attrapais le petit couteau planqué contre ma cheville, et le lançais en sa direction. Elle le prit en plein visage, et le paysage clignota, passant de couleurs ternes à des couleurs vives. C'est bien ce qu'il m'avait semblé. On m'avait entourée d'un faux monde. Sauf que j'avais fait une petite bêtise. J'étais désormais coincée entre illusion et réalité. Du moins c'était ce que je pensais jusqu'à ce que, quelques secondes plus tard, entre les clignotements, j'aperçoive quelqu'un qui achevait le monstre. Car c'était bien l'œuvre d'un monstre. Trop faible au combat rapproché, il plongeait ses cibles dans les souvenirs les plus joyeux qu'il avait, puis le dévorait vivant. Certains trouvaient cela horrible, mais j'étais plus le genre de personnes à trouver cela poétique. La personne dévorée mourait sans douleur, ne s'en rendait pas compte, vivant désormais dans les meilleurs moments de sa vie. Si l'on prenait en compte le fait que la plupart des non-humains ou hybrides qui n'étaient pas très puissants avaient une fin horrible, cela ne me dérangerais pas plus que cela de mourir de cette façon. Même si j'aurai préféré pouvoir me reposer en paix, entre une agonie lente et douloureuse et cela...et bien il n'y avait aucune hésitation. La seule chose qui me perturbait, était le fait qu'il ne m'ait pas foncé dessus dès que je fus Submergée. Le terme « Submergée » était l'appellation mondiale pour ce genre d'attaques, qui plongeaient les proies dans une réalité déformée.
-Ah là là, je crois qu'il va falloir renforcer cette barrière à nouveau. Marmonna l'homme qui avait tué mon assaillant.
Il posa sa main sur le grilla pour l'ouvrir, mais de petits éclairs verts crépitèrent dès qu'il la toucha. Il retira immédiatement sa main.
-Excuse-moi, tu pourrais m'ouvrir la porte ? Je suis considéré comme un indésirable pour la barrière visiblement. Dit-il en regardant sa main meurtrie.
-Et pourquoi est-ce que j'ouvrirais à un vampire ? Demandais-je, tentant de cacher mon étonnement, ainsi que le fait qu'il me disait vaguement quelque chose.
Je n'avais jamais su que cette maison était protégée d'une barrière ! Je comprenais mieux pourquoi est-ce que le monstre ne m'avait pas attrapée.
-Ah, tu ne te souviens pas de moi ? Je comprends, je comprends. D'ailleurs, cela veut dire que tu as bien appris à contrôler tes dons pour savoir ma nature au premier regard. Toutes mes félicitations.
-Je ne me souviens pas d'un ami vampire...
-Tu n'as jamais su que j'étais un vampire ? Ah mais si, tu sais, la maison au toit violet foncé. Tu jouais souvent avec le fils d'un ami, Christian. Vous veniez prendre le thé.
Soudainement, ces après midi de printemps me revinrent, lorsque qu'effectivement l'on allait goûter et pour ma part, jouer chez un voisin. Jusqu'à présent j'avais totalement effacé ces souvenirs de ma mémoire. Il allait falloir que je me force à me souvenir. Je remarquais soudainement le bouquet dans ses bras, composé de roses bleues, et d'au centre, une rose noire et une blanche. Si je me souvenais bien, le bleu signifiait l'inaccessibilité, le blanc pouvait se rapporter à la raffinerie et l'élégance. Quant au noir, et bien c'était évident.
-J'allais justement lui rendre visite. Tu m'accompagnes ?
-J'arrive.
Je retournais ouvrir la porte, et je balançais mon sac à l'intérieur au hasard, sans même porter un regard à l'intérieur, puis je refermais, avant de le rejoindre. Après m'être assurée d'avoir refermé le grillage, l'on commença notre marche en direction du cimetière.
-Excusez-moi d'avoir été aussi agressive...Commençais-je en sentant déjà mes joues chauffer.
-Ne t'en fais pas. Je comprends que tu ais voulu tout oublier après...ça.
Ca y est, son nom me revenait : Monsieur Smith. Il tenait une vieille confiserie un peu plus loin, qui regroupait toutes sortes de sucreries. J'aimais aller chez lui, parce qu'à chaque fois je découvrais une nouvelle friandise. J'avais donc effacé inconsciemment tous ces souvenirs ? Tout en sachant qu'il était présent le jour de l'enterrement, c'était assez impoli de ma part de l'avoir simplement effacé. Et en y repensant, c'était égoïste.
-Ca peut paraître étrange, mais rien n'a changé ici. Mis a part le vide qu'elle a laissé derrière elle.
-Elle partie trop tôt.
-Hmm...Je ne suis pas de cet avis. On se connaissait depuis son enfance. J'étais déjà presque adulte à cette période. Et j'ai pu voir à quel point c'était une battante. Je crois bien que je n'avais jamais vu une personne aussi butée aussi. Lorsqu'elle décidait quelque chose, rien, pas même une divinité n'aurait pu la faire changer d'avis. Même quand il s'agissait de risquer sa vie pour sauver autrui. On aurait pu la prendre pour une folle, mais c'était ce petit grain de folie qui me plaisait. Elle méritait de se reposer, enfin.
-Est-ce que vous étiez amoureux d'elle ?
-Pendant un long moment, oui. Je pense même sans m'abuser que ce fut réciproque.
-Vraiment ?!
-Oui, mais je me suis éloigné d'elle pour qu'elle m'oublie, et trouve quelqu'un d'autre.
-Mais pourquoi ?
-J'étais déjà un vampire. Et regarde moi, je n'ai pas prit une ride. Cela aurait été trop cruel pour elle de vieillir, alors que son mari se tenait toujours aussi droit qu'à ses vingt ans.
Je gardais le silence quelques minutes. Je n'avais jamais envisagé les choses de cette manière.
-Mais passons ! Ce n'est pas le moment de parler de cela, dit moi plutôt comment a évoluée ta vie ?
-Et bien...ça allait plutôt bien jusqu'à hier.
-Pour être totalement honnête avec toi, je me doutais que tu finirais par revenir, et si d'ici une semaine tu ne serais pas encore là, je t'aurai sûrement contactée.
-Pourquoi ?
-Les nouvelles vont vite, surtout pour moi, qui aie de nombreux contacts.
-Alors vous savez déjà ce qu'il se passe ?
-Malheureusement. La crise qui s'annonce risque d'être très rude. Les Eveillés ont toujours veillé à tout. Et comme tu dois le savoir, vous êtes également, sans t'offusquer, des « mets » de choix. Votre sang est particulièrement savoureux et peut rendre n'importe quel vampire accro par exemple. En plus de cela, votre possibilité à sentir les non-humains est exceptionnelle, et peut vous permettre d'accéder à la haute société. En clair, vous êtes des proies de choix. Enfin, vous ne l'étiez pas jusqu'à présent, parce que même si c'est un don rare, vous étiez nombreux. Si vous disparaissez...non seulement ce sera un beau bazar, mais en plus, il risque d'y avoir du trafic humain.
-Mon Dieu, tout sauf ça...murmurais-je alors que nous commencions à longer le cimetière pour accéder à l'entrée.
Nous marchâmes en silence quelques secondes, puis arrivés devant l'entrée, l'on s'arrêta.
-Je suis heureux que tu sois ici. Au moins, si j'en ai la possibilité, je pourrais t'aider.
-Vous pensez qu'on essayera de me capturer ou je ne sais quoi ?
-Peut-être ou peut-être pas. Mais ça m'étonnerais. Le plus probable à l'heure qu'il est, serait que tous les Eveillés soient convoqués, et rassemblés au même endroit.
-Je ne vois pas l'intérêt de rassembler toutes les cibles au même endroit.
-Moi non plus. Mais cessons de parler de choses tristes, et allons-y.
L'on rentra dans le cimetière, dont certaines tombes étaient bien fleuries. L'on dut avancer jusqu'au milieu, puis s'enfoncer un peu en profondeur, afin d'atteindre le bon endroit. A ma grande surprise, la tombe était parfaitement entretenue, brillait presque, alors que les autres étaient recouvertes de sortes de plantes vertes.
-C'est vous qui avez nettoyé ?
-Je lui dois bien ça. Murmura-t-il en posant le bouquet.
Il attrapa une des roses bleues, et avec une rapidité digne d'un vampire, il enleva tous les pétales. Moi je ne le vis que passer sa main au dessus de la fleur, mais l'instant d'après, il les lâcha, et un vent puissant, qui passait par là, les fit s'envoler dans le ciel. Ces petits bouts colorés semblaient danser ensemble, tout en montant, jusqu'à devenir invisible.
Je m'agenouillais un instant, remerciant intérieurement ma grand-mère pour tout ce qu'elle avait fait pour moi.
-Lorsque tu auras terminé et que tu seras installée, n'hésite pas à passer prendre un thé.
-Avec plaisir.
Il fit un pas pour s'éloigner, puis finalement fit demi-tour alors que je me redressais. Puis il posa sa main sur mon épaule, et approcha son visage de mon oreille.
-Pensez bien à verrouiller partout. Evitez de sortir trop tard le soir. Et si vous le faites, restez là où se trouvent d'autres personnes. Un vampire meurtrier se balade dans les environs. La police spéciale ne l'a pas encore attrapé. Je viendrais bientôt vous aider à consolider la barrière qu'avait mit en place votre grand-mère.
Il termina sa phrase là-dessus, puis s'éloigna en me faisant un signe de la main. Le problème, c'était que je l'avais déjà croisé ce vampire. Et je n'avais pas très envie d'être sa prochaine victime. J'avais hâte que Gipsy arrive, afin que je ne sois plus seule...
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