Épisode 7

Mercure se faisait porter par l'Irbird, silencieuse. Rossy et elle-même volaient depuis déjà plus d'une heure, mais l'adolescente ne se plaignait ni du silence apocalyptique, ni de ses membres fatigués de leur immobilité. Elle observait le ciel tantôt bleu et dégagé, tantôt nuageux et enragé. Elles évitèrent de justesse la foudre, au Nord de San Francisco. Le voyage allait encore être long, jusqu'à Nantes.

-Cherchez partout ! s'écria Moly à Evaresson Blue. Il faut la retrouver rapidement !

Tandis que Zinc et Lawren fouillaient dans les repères fétiches de Mercure ; Brome, Chrome et Moly retournaient la forêt de fond en comble. Astate et Alumine avaient interpellé les quelques Irbirds qui passaient pour livrer les dernières lettres. Mais personne n'avait vu la jeune fille...

-Si personne ne sait où elle a pu se cacher, commença Alexis, un membre de la Colonie du Jour.

-On peut demander à Iru et Sacha, continua son frère jumeau, Ryan.

Ces deux petites filles étaient surnommées les "Messagères du Vent" grâce à leur capacité unique à contrôler la direction du vent, ainsi qu'à leur rapidité exceptionnelle. Cette vitesse serait un atout pour retrouver Mercure en un éclair.

Le soleil pointait le bout de son nez quand Rossy aperçut la Bretagne. Elle vola encore un moment avant d'atterrir avec maladresse dans la campagne éloignée de Nantes. Mercure regarda autour d'elle, puis détailla la ferme devant ses yeux. Un amoncellement de pierres collées les unes aux autres, un toit rouge qui méritait depuis des années une couche de peinture, et des vitres dont les carreaux brisés avaient été remplacés par de vieux cartons moisis. Cet endroit sentait bon. Il rappelait à Mercure combien elle avait été heureuse de vivre avant tout ça. A côté du bâtiment principal se trouvait une écurie, un poulailler et un enclos où croupissaient quelques cochons crasseux. Mercure s'approcha des trois chevaux de l'écurie. Les deux plus grands, un mâle et une femelle, s'appelaient Aristote et Rebecca. Ils appartenaient aux parents de Mercure. Aristote était couleur charbon, avec de beaux yeux assortis et une crinière parfaitement brossée. Quant à Rebecca, elle avait une belle robe blanche immaculée, des pupilles bleu ciel et des sabots clairs. Ils étaient tous les deux de magnifiques bêtes. Mercure regarda ensuite le plus jeune. Lorsqu'elle est partie, il n'était encore qu'un frêle poulain. Maintenant, il avait pris du muscle, sa robe autrefois châtaigne s'était légèrement assombrie et ses yeux étaient toujours vairons : l'un bleu pâle, l'autre noir. Mercure avait été la petite fille la plus heureuse du monde quand Rebecca avait donné naissance à ce bel animal qu'elle avait baptisé Harry. Rossy observait avec de grands yeux ronds les poules, plus précisément le coq Barnabé. Il avait toujours la tête haute, comme si il était fier de ce qu'il était. Mercure aurait aimé être comme lui. Les autres poules restaient très discrètes.

Les deux filles balayèrent encore une fois l'extérieur avant de rentrer timidement dans la ferme. Le salon, ainsi que toutes les autres pièces, semblaient plus délabré aux yeux de Mercure que la dernière fois qu'elle était venue ici, il y a un an. Dans la cuisine, la vaisselle s'accumulait, les murs se salissaient, la gamelle du chat était vide et la nappe verte préférée de sa mère s'encrassait. Les tableaux et les photos avaient disparus, laissant l'endroit neutre, triste, vidé de sa gaieté et de ses objets personnels. Mercure sentit les larmes lui monter aux yeux et ne protesta pas quand Rossy lui frotta le dos pour la consoler. Elles montèrent les escaliers grinçants en bois de hêtre et se dirigèrent vers une chambre. La petite adolescente dû produire un effort insupportable pour ne pas éclater en sanglots. Sa mère dormait calmement dans le grand lit aux draps bordeaux. Elle semblait vieille et épuisée, d'immenses cernes rouges et noires témoignaient ses larmes et son manque de sommeil. Sa peau était pâle et fragile, ses lèvres craquelées, et ses cheveux bruns autrefois enviés par un bon nombre de femmes étaient devenus filasses et ternes. Mais pour Mercure, elle était toujours la plus jolie des mamans.

Soudain, la porte grinça, et tandis que le père de Mercure s'avançait au chevet de sa femme, Rossy aperçut un tas de lettres sur la table de chevet, ainsi qu'une grosse enveloppe brune. Les lettres avaient été écrites et signées par Mercure, mais ses parents en avaient faits les fruits de leur imagination. Quant à l'enveloppe, elle renfermait une large liste de rendez-vous chez de nombreux psychologues et psychiatres. Rossy la cacha dans un tiroir pour ne pas plus écorcher le cœur déjà meurtri de la jeune fille, mais elle avait vite compris que le couple était devenu fou de chagrin suite à la disparition de leur fille. Mercure ne s'était jamais sentie aussi coupable. Si seulement elle n'était pas montée sur ce fichu toit ! Ou bien... Non. C'était de la faute de cet assassin qui l'a poussée au dernier moment ! Mais en fait... Si ce pervers ne l'avait jamais déshabillée, elle serait encore là ! Mais peut-être était-ce elle qui portait des vêtements trop provocants ? Un col roulé, est-ce réellement excitant ? Peu importe, c'était toujours de la faute de Mercure. Et maintenant, elle avait l'éternité pour s'en vouloir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top