C'était donc accompagnés des Borderline, de Virus et Morphine et de Coma que la petite troupe était rentrée à Evaresson Blue. Tout le monde les attendait impatiemment, mais les bonnes nouvelles n'étaient pas au rendez-vous : en l'espace de quelques heures, la grotte s'était effondrée et la cascade commençait à s'assécher. Les doyens firent de leur mieux pour ne pas faire naître la panique, mais c'était compliqué de rassurer tous les enfants, y compris Chrome. Le pauvre petit benjamin ne cessait de trembler et d'avoir peur sans arrêt, impossible de le calmer.
Silice était toujours évanoui dans la nature et Mercure n'avait pas non plus été revue. Ça faisait une belle jambe aux arrivants, qui se firent rapidement remarquer :

-C'est qui eux ? demanda Astate en les pointant du doigt.

-Eh ! Ne nous pointe pas comme ça, c'est malpoli ! s'indigna Virus en montrant les crocs, ce qui effraya la métisse. Nous sommes les jumeaux Virus et Morphine, et eux là, c'est les jumeaux Borderline ! Ils pourraient t'éclater la tête si ils le voulaient !

Astate poussa un petit cri et se cacha derrière Brome qui soupira. Line donna une claque sur la nuque de Virus en le grondant :

-Espèce d'idiot, tu vois pas que tu lui fais peur ? On est censés les aider alors essaie d'être un peu plus sympa avec ces gens !

Le garçon croisa les bras et prit son air boudeur, mais son regard rencontra celui d'Astate et il marmonna une excuse qui fit sourire la petite fille aux cheveux immaculés. Border se frotta les mains et demanda :

-Bon alors, où est notre cible ?

-Ce n'est pas une cible..., soupira Line. C'est... une adolescente en difficulté.

-Le problème, c'est qu'on ne sait absolument pas où elle a bien pu se cacher, informa Lawren. Elle a disparu l'autre jour.

-Et nous avons vraiment cherché partout ! ajouta Chrome.

Moly et Brome échangèrent un regard et ils soupirèrent.

-Bonté divine, elle est encore partie..., murmura la rousse.

Les Borderline se regardèrent en haussant les épaules, puis au bout de quelques minutes plongées dans un silence mortel, Moly annonça :

-Je n'ai pas le choix. Attendez-moi ici, je sais qui peut nous aider.

Chacun l'observait partir, sans comprendre où elle allait. Seul Brome la rattrapa et se mit à marcher à ses côtés en lui demandant :

-Ne me dis pas que tu vas aller le voir ? On est censés lui demander conseil uniquement en cas d'urgence !

-Ne crois-tu pas qu'il s'agit là d'une urgence ? J'en ai assez de courir partout après Mercure et de ne jamais savoir où elle se trouve. Je veux simplement que tout le monde soit heureux et se sente bien ici ! Et qu'elle le veuille ou non, elle devra accepter qu'elle est morte ! Tout comme nous !

Le volume de sa voix était monté d'un cran, et elle s'en voulait à présent d'avoir été aussi agressive.

-Pardon, je suis à bout depuis quelques temps.

-Je comprends, la rassura Brome qui avait été surpris par sa franchise. Crois-tu qu'il acceptera de nous aider ?

-Brome..., commença-t-elle. Il n'est peut-être même pas vivant, ou conscient. Il va, comme toujours, parler en énigmes et nous n'aurons qu'à nous débrouiller pour comprendre où est Mercure.

Ils marchèrent encore, jusqu'à la colline qui marquait le centre d'Evaresson Blue. Une fois arrivés au sommet, Brome dégagea l'épaisse couche d'herbe qui recouvrait une trappe de fer. Moly l'ouvrit puis descendit l'échelle la première, et son camarade la suivit. C'était là un grand secret dont eux seuls connaissaient l'existence. Ils avaient préféré ne jamais en parler aux autres, craignant que cela mette en péril l'équilibre du Paradis ou quelque chose du genre. Ce secret qu'ils gardaient renfermait le sens même de la vie et de la mort, le hasard et l'existence en personne. Rien que pour eux deux, c'était un mystère bien compliqué à comprendre et à garder pour soi. C'était un endroit à la fois effrayant et fascinant, mystique et enchanteur. Tout comme son gardien. Un personnage plus mystérieux que le mystère lui-même. Libre à chacun de le trouver attachant ou insupportable, triste ou joyeux, vivant ou inexistant. Il avait la peau plus blanche que la neige, les yeux plus vides que les abysses et le corps plus dénudé que la muse d'un peintre. Depuis leur première rencontre, Moly et Brome s'étaient posés des centaines, non, des milliers de questions à son sujet, auxquelles ils n'avaient jamais reçus de réponses.

Était-il vivant ? Était-il humain ? Fille ou garçon ? Était-il conscient ? Savait-il ce qu'il faisait là et pourquoi ? Que pouvait-il bien faire, seul, assis et immobile durant des heures, sans jamais que ses paupières ne bougent ou que son torse se soulève pour respirer ? Avait-il seulement un cœur battant ? Mais au fait, depuis quand était-il là ?

Qui était, et qui est l'Enfant Gigogne ?