Épisode 21
-Je... J'ai besoin d'être seule...
C'est ce qu'avait annoncé Mercure après son long monologue morbide doublé d'une crise de nerfs. Elle s'était ensuite réfugiée derrière la cascade et avait relu son livre en serrant Murphy contre elle. Puis Silice était arrivé.
-Moly m'a raconté ce qu'il s'est passé. T'as fait une sacrée impression au nouveau !
Elle lui lança un regard noir et lui demanda sur un ton hautain :
-Où étais-tu ? Ça fait des heures que je t'attends.
-Alexis n'est pas un voyageur, il n'a pas l'habitude des longs trajets. On a rencontré pas mal d'orages.
-Je t'ai demandé une feuille et un stylo, pas besoin d'aller au bout du monde pour ça, si ?
-J'ai préféré aller chez moi. Et tu ne sais pas où j'habitais, ma cocotte.
Il n'avait pas tort. Mercure n'avait aucune idée d'où il avait bien pu résider durant sa courte existence. Elle lui demanda juste après :
-Je vivais en Australie. A Sidney. Ma maison a pas vraiment changé, si on oublie qu'il y a des autels de moi partout.
Il esquissa un sourire. Mercure fit de même en imaginant un portrait de son camarade posé sur un meuble, entouré de fleurs, de bougies et d'encens.
-Tu as vu tes parents ?
-Oui, j'ai vu mon père. Ma mère et lui ont divorcé quand j'étais plus jeune, et je ne l'ai plus revue depuis.
-Mince, je suis désolée.
-Y a pas de quoi ma belle. Tiens, voilà ta commande.
Il déposa devant Mercure une grosse boîte pleine à craquer de feuilles de papier, blanches et à carreaux, ainsi qu'une trousse remplie de stylos et de crayons de toutes les couleurs.
-Je me suis dit que tu voudrais aussi dessiner. Et comme j'avais peur que l'encre s'épuise, j'ai préféré te prendre toute une réserve.
-C'est gentil. Merci, Silice.
Le garçon s'assit en face d'elle et attrapa "Dans la tête d'une étoile" pour le relire une seconde fois.
-Il te plaît tant que ça ?
-Carrément, il est génial.
Mercure sourit et prit un moment pour observer Silice dans les moindres détails. En tant qu'auteure, elle aimait les détails.
Silice était assez grand, il était un peu plus petit que Brome. Il avait seize ans mais entre les doyens et lui, il était le plus jeune et n'était pas considéré comme un aîné des aînés, parce qu'il était arrivé bien après Moly et Brome. Ses cheveux étaient blond vénitien, ce qui lui allait curieusement bien car la répartition du roux, du blond foncé et du châtain était parfaite et formait un dégradé charmant. La couleur noisette de ses yeux légèrement tirés en amande était si claire que de loin, ça ressemblait plus à du jaune foncé ou de l'orange, quand il faisait sombre. En général, c'était un adolescent assez bien bâti. Apparemment, il faisait du baseball avant. Sa peau n'était ni tout à fait claire ni tout à fait foncée, et Mercure n'avait aucune idée de si il s'agissait d'un teint classique en Australie, puisqu'elle n'y était jamais allée. Son nez était un tout petit peu retroussé, ce qu'elle trouvait mignon, et sa bouche étroite arborait habituellement un sourire à la fois flatteur et malicieux. Quelques tâches de rousseur disposées presque géométriquement venaient renforcer la beauté envoûtante de ce garçon. Elles ressemblaient à des constellations.
L'admiration de Mercure se stoppa quand Silice la regarda à son tour. Il lâcha un petit rire et dit avec amusement :
-Me regarde pas comme ça, je vais rougir !
La jeune fille rit à son tour et s'excusa maladroitement. L'ancien Australien changea tout de suite après de sujet, et ils parlèrent d'Alexis un petit moment.
-C'est cool que tu aimes quelqu'un, fit Mercure après une demi-heure de conversation. Je suppose que ton cœur s'est remis à battre.
-C'est le cas, acquiesça Silice en posant la main sur son torse. Et toi, alors ?
-Quoi moi ?
-Ton cœur.
-Dans tes rêves ; il ne bat pour personne.
-Dommage, Lawren aurait été ravi d'apprendre l'inverse.
Le visage de la brune s'empourpra immédiatement et elle cria à son ami :
-Hein ? De quoi tu parles ? Il n'y a rien entre Lawren et moi !
Silice éclata de rire. Il trouvait Mercure vraiment mignonne quand elle s'énervait.
-Tu sais très bien ce que je veux dire. Lawren était jaloux de moi, donc je suis allé lui parler de moi et d'Alexis. Il a tout de suite compris et il m'a expliqué ce qu'il ressentait pour toi. Vous avez passé un moment ensemble sur la Lune de Miel, pas vrai ?
-Ça ne te regarde pas !
-Mais je suis ton meilleur ami !
L'ancienne Française lui tira la langue et ils rigolèrent. Mercure adorait Silice. Il avait raison ; il est son meilleur ami. Après tout, il est la seule personne avec qui elle s'entende vraiment bien. Il était arrivé presque deux ans avec elle, et dès qu'elle avait atterri à Evaresson Blue, il avait directement remarqué qu'elle n'était pas comme les autres. Il savait qu'elle n'allait pas accepter ce monde de Bisounours aussi facilement, tout comme lui au début, il avait donc décidé de la "prendre sous son aile". On ne ressent pas la solitude au Paradis de l'Enfance. Mais voir une aussi jolie fille toute seule, avec pour seul compagnon un énorme casque audio violet et un lecteur MP3 comptant pas moins de 1500 chansons et musiques, ça faisait trop de peine à Silice. Il préférait les garçons, certes, mais il avait toujours aimé jouer les charmeurs. Mercure n'avait pas mordu à l'hameçon, elle lui avait même donné un coup de pied dans les côtes. Elle lui a plu. Elle lui a demandé de partir.
Et il est resté.
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