Épisode 20

A peine les cinq enfants étaient partis que la terre se mit à trembler sous leurs pieds.

-Qu'est ce que c'est ? s'écria Lawren, apeuré.

-La colère de Mercure, informa Moly qui commençait à blanchir. On doit se dépêcher !

Suivant la doyenne, ils se mirent tous à courir dans une direction qu'ils espéraient être la bonne. Moly maudissait le hasard. Pourquoi avait-il fallu qu'une telle chose se produise ? Et Mercure... Elle aurait dû lui parler, lui tendre la main ! Elle avait bien essayé lorsqu'elle est arrivée, mais impossible de nouer le moindre contact avec la jeune fille. Cette dernière la trouvait tellement dégoulinante de joie et de douceur qu'elle l'avait appelée "Ours en sucre". Brome trouvait ça mignon et Mercure avait levé les yeux au ciel comme l'ado en crise qu'elle était. Malgré son masque agressif et froid, la rousse avait décelé ses bons côtés. Elle pouvait être drôle, passionnée et elle savait beaucoup de choses. Elle aurait tant aimé que Mercure s'intègre un peu plus au groupe, mais au fond, elle la comprenait. C'est comme appuyer sur la touche effacer par accident et devoir tout recommencer, sauf que là, vous ne pouvez plus rien recommencer.

Des cris se firent entendre non loin du petit groupe. Ils se précipitèrent vers le toboggan délavé et lorsqu'ils aperçurent la violente scène - Mercure avait commencé à étrangler Cobalt - Brome s'empressa de passer ses bras sous ceux de la brune pour l'empêcher de bouger. Astate courut vers son petit frère en pleurs pour le consoler et Alumine s'occupa d'aider son nouvel aîné à se redresser. Celui ci était complètement sonné et il était couvert de blessures, même si ces dernières disparaissaient instantanément. L'adolescente hystérique se débattait de toutes ses forces en hurlant des atrocités à Cobalt qui se relevait avec l'aide de la petite blonde. Après quelques minutes de silence comblé par les cris de Mercure, cette dernière se calma enfin, épuisée, mais ses larmes ne cessèrent de couler. Ses yeux étaient entièrement rougis et ses poings couverts de sang séché. Elle respirait par la bouche, et ses jambes tremblotaient. Moly prit finalement la parole, très doucement :

-Je sais que c'est extrêmement difficile d'oublier sa souffrance, Mercure. Mais tu ne peux rien y faire, tu dois l'accepter. S'il te plaît, fais un effort et laissons de côté cette histoire. Ça ne fait que te déchirer encore plus...

La rousse fit signe à Brome de lâcher la brune et il obtempéra, libérant sa petite sœur qui ne bougea pas d'un orteil, le regard perdu dans le vague.

-Il y a des choix que nous ne pouvons pas faire, enchaîna la doyenne, qui nous rendent la vie compliquée. Mais on peut surmonter tout ça ensemble, Mercure.

Elle s'approcha de la jeune fille qui ne réagit pas, puis posa sa main sur sa joue.

-Laisse le temps faire le travail. Tu verras, bientôt tu pourras être heureuse. On peut t'aider, je te l'assure. Tu peux nous faire confiance.

Mercure ne dit rien pendant si longtemps que Moly pensa qu'elle ne comptait pas répondre. Pourtant, sa voix brisée s'éleva soudain dans l'air. Elle semblait rouillée et était à peine audible.

-Vous êtes vraiment plus ridicules les uns que les autres... Vous me dégoûtez tous à un point que personne d'autre ne peut imaginer... !

-Mercure...

-Vous savez à quoi vous me faites penser ? A une secte. Les gamins arrivent, vous faites tout pour les convaincre que tout est rose et ils finissent par se perdre dans un idéal de bonheur factice ! C'est monstrueux !

Mercure avait commencé à crier. Elle avait relevé la tête et tournait sur elle-même pour regarder chacun des enfants présents.

-Toi par exemple, Zinc ! dit-elle en pointant du doigt le petit brun encore sous le choc. Tu as tout oublié pas vrai ? Tu penses que c'est ça, ta nouvelle vie, mais ce n'est que la mort, rien de plus ! Tu es mort, Zinc ! Tué par la famine !

Elle se tourna ensuite vers Alumine qui était immobilisée à côté de lui.

-Et toi, Alumine ! Tu ne t'en souviens pas ? Eh bien sache que ce sont des délinquants qui ont fait de toi leur souffre-douleur, et ils ont fini par t'achever en te faisant avaler une trop forte dose de médicaments !

La blonde tomba sur les fesses, abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre. La mort ? Qu'est-ce que c'était ? Des médicaments ? Des délinquants ? Un souffre-douleur, elle ?

-Astate, pauvre petite Astate, tuée par des terroristes ! vociféra Mercure en regardant la métisse aux cheveux blancs. Sans oublier notre adorable Chrome. Ne vous êtes-vous jamais demandé d'où venait sa jambe bizarrement formée ? Un accident de voiture ! Il est mort de ses blessures à l'hôpital ! Brome, noyé par ses camarades avec qui il s'était disputé ! Et Moly, dont la vie a été détruite par les tumeurs dans ses poumons ! Vous êtes tous des idiots naïfs et pathétiques !

Les hurlements de Mercure raisonnaient dans l'immensité de la plaine. Personne, excepté Moly et Brome, ne comprenait son discours furieux. Avait-elle perdu la tête ? Son visage était entièrement rouge, elle prenait à peine le temps de respirer entre deux phrases. Après un instant sans rien dire, elle regarda Lawren, qui semblait tétanisé. Des gouttes de sueur coulaient sur son front et son teint avait l'air plus pâle que d'habitude. Il fut d'autant plus paralysé quand il croisa le regard à la fois éteint et flamboyant de sa bien-aimée. Il renfermait une tristesse si intense qu'il en eut les larmes aux yeux.

-Quant à toi, Lawren... Achevé par les coups de ton père... Tu as dû tant souffrir... ! Je suis... Je suis... Je suis... Tellement... Désolée...

Mercure entoura sa bouche de ses mains tandis qu'à nouveau, des perles apparaissent devant ses pupilles noires. Il ne fallut pas un mot de plus. Juste un regard. Lawren éclata en sanglots, et Mercure le prit dans ses bras.

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