Une fois arrivée derrière la cascade, Mercure constata que son coin était déjà occupé. Silice était allongé sur le dos, ses bras soutenant sa tête, et un sourire satisfait et heureux ornait son visage. Ses yeux fermés se rouvrirent en entendant les pas discrets de son amie, puis il se redressa.

-Tiens, mais qui voilà ! On dirait que tu as décidé d'écourter ta fugue.

La brune s'assit en tailleur à côté de lui, sans lâcher sa peluche ou son livre.

-Qu'est-ce que c'est ? demanda Silice en désignant les deux biens.

-Des... des souvenirs...

Elle n'avait pas parlé depuis si longtemps que sa voix était toute faible, elle dut se racler la gorge pour se faire entendre. Silice préféra lui laisser Murphy mais il tendit la main vers le livre.

-Je peux ?

Mercure hocha la tête et le lui donna. Silice lut le titre à voix haute.

-"Dans la tête d'une étoile" ? C'est joli comme titre.

Il retourna l'ouvrage pour lire le résumé sur la quatrième de couverture.

-Par Rosalyna ? Qui c'est ?

-C'est moi.

Le garçon regarda sa camarade avec un air surpris.

-Sérieux ? C'est toi qui l'a écrit ? Trop fort, j'aurais jamais pensé que t'avais publié un roman. Je peux te l'emprunter ? J'aimerais le lire.

Mercure hocha la tête. Elle s'en fichait que Silice le lise ou pas. Son histoire n'était pas terrible, de toute façon. Son seul compagnon commença immédiatement sa lecture, tandis qu'elle observait l'eau limpide couler. Elle ne s'était jamais sentie comme ça. Elle était triste, voire déprimée, mais elle n'avait pas envie de pleurer, ou de s'énerver sur quelqu'un, ni même de se faire du mal. Tout ce qu'elle voulait, c'était admirer la cascade, les fleurs, le ciel, les étoiles. Elle fit rouler entre ses doigts la petite boule accrochée au cordon noir autour de son cou, alors que son autre main tenait Murphy. Ce fidèle lapin lui avait été offert par ses deux parents, pour son troisième anniversaire. Au début, elle n'avait pas de nom, mais quand un jour, en classe à l'école primaire, son professeur cita la loi de Murphy, Mercure retint le prénom et lui donna. Elle le donna également au personnage principal d'une vieille bande dessinée se déroulant uniquement dans des souterrains humides et sombres. L'une des 591 histoires qu'elle avait inventées et l'une des 509 qu'elle n'avait jamais terminées.
Elle ne sut jamais combien de temps elle était restée plantée là, mais Silice venait de terminer de lire. Pourtant, à ses yeux, il ne s'était écoulé qu'un court instant.

-Que dire, que dire..., marmonna Silice en voulant parler du roman.

Mercure attendait patiemment son jugement, indifférente.

-Honnêtement, c'est génial ; et tu sais que je suis pas du genre à faire des compliments facilement. Le personnage principal est super, il est ni trop nunuche, ni trop fade. L'histoire est légère, intéressante et le rythme est juste parfait.

-Depuis quand tu es critique de littérature ? demanda l'adolescente, étonnée par son éloge.

-Dans mon ancien collège, j'allais souvent à la bibliothèque pour lire et j'avais l'habitude d'écrire mon avis sur un bout de papier et de le laisser entre deux pages. J'ai lu beaucoup plus de livres que tu ne peux le penser, Mercure.

Ils se regardèrent encore quelques secondes sans rien dire, avant que le silence ne s'incruste. La brune repensa au sourire presque niais qu'avait Silice au visage quand elle s'était approchée de lui.

-Et sinon, pourquoi avais-tu l'air aussi heureux quand je suis arrivée ?

-Je suis amoureux.

-Oh.