30 - Cette femme que tu aîmas
— Comment comptes-tu t'y prendre ?
— Je leur ai laissé un message. J'aurais besoin de soutien. Et de sang.
— Tu penses vraiment qu'à deux ?
— Il faut seulement ouvrir les portes et se débarasser des guerriers. Alienor en première ligne. Elle ne se rangera pas. Il faudra la...
— J'en fais mon affaire. Je suppose que tu..
— Je veux ma vengeance, en effet. Jean-François et Octave seront pour moi.
— Tu ne parviendras jamais à les exterminer tous les deux Apolline.
— C'est pour cela qu'il me faut du sang. Suffisamment de sangs pour que je retrouve une force de nouveau né.
— Il y a trop de failles dans ton plan.
Le regard d'Evangeline se leva jusqu'à Jutta. Elle savait que ses yeux frémissaient, autant de la peur que des centaines d'écueils qu'elle imaginait. Elles ne pouvaient pas réussir aussi facilement. Un grain de sable, même minuscule, pouvait tout faire basculer. Si les portes ne s'ouvraient pas...
— Tu auras au moins l'appui de certain loups. Et tu auras du sang, mais pas celui que tu penses. Il faudra que tu me mordes. De toute manière, je ne compte pas sortir vivante de cet affrontement.
Devant l'expression effarée d'Evangeline, Jutta ne pu retenir un rire. Elle se tourna vers l'extérieur, sur le paysage qui lentement s'éveillait aux caresses du soleil. La vampire sombrerait rapidement. Ses paupières se fermaient déjà trop vite et son attention devenait de moins en moins appliquée.
— Comment crois-tu que Jean-François arrivait à se faire passer aussi facilement pour un mortel ? Notre sang ne vous rends pas seulement plus fort. Il vous rends insensible à la lumière. Et dans l'autre sens...
— Il vous permets de disparaître comme le faisait la Bête pas vrai ?
— Pas uniquement. De nous rendre moins sensibles aux balles et de guérir plus vite. Si les loups et les vampires agissent ensemble, ce n'est pas uniquement pour l'un seul des deux partis. Autrefois, nous avions un roi aux côtés d'Octave mais depuis sa mort... les clans se battent trop fort pour que nous parvenions à nous mettre d'accord.
Evangeline hocha la tête. Peut-être qu'ainsi, avec un sang qui n'était pas le leur, elles parviendraient à combattre ceux qui guerroyaient depuis bien trop longtemps. Car elle ne se laissait aller à aucune rêverie. Elle n'avait aucune chance face à Octave, encore moins s'il était en compagnie de Jean-François.
— Quand voulez-vous me le faire boire ?
— Dès ton réveil.
Elle acquiesça. Puis elle se leva, rejoignant son lit. Jutta, la suivit des yeux, avant de se plonger à nouveau dans le paysage. A la prochaine aube, elle l'espérait, il rougeoierait de sang.
****
Evangeline ouvrit les yeux difficilement. Elle n'eut pas le temps de se lever que Jutta lui jeta déjà en plein visage sa tenue d'entraînement et son épée, substituées elle seule savait comment. La marquise s'habilla en silence, rapidement. Le contact du cuir, sur ses doigts, appelait à ses côtés tout ce qu'elle avait pu apprendre aux côtés d'Alienor. Elle sera une dernière boucle, ajusta le fourreau de son arme et attacha ses cheveux.
Sa gorge se serra. Elle inspira, s'emplissant de toute la flagrance de sa chambre. L'odeur du bois et des plumes d'oies la rassurèrent et stabilisèrent ses mains tremblantes. Chacun de ses gestes devaient être précis et ne pas frémir. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Evangeline attendait ce moment depuis que ses crocs s'étaient refermés autour de la gorge de Simon, offrant cette première victime comme un martyr qu'elle ne pourrait jamais oublier. Ils l'avaient forcé à être ici. Tous méritait le châtiment promis, l'Apocalypse qu'ils ne croyaient déjà plus.
Jutta et elle serait les premières Cavalières.
Cette image seule l'empêcha de flancher et de tout abandonner.
La louve tendit son poignet, droite, sans l'ombre d'un sourire à la commissure de ses lèvres. Jamais Evangeline ne l'avait vu aussi sérieuse. Elle tendit sa main à son tour et, d'une même geste, elles burent aux Calices de la puissance.
Le sang était abject. Un haut le coeur la saisit, qu'elle réprima pour se forcer à continuer. Elle avait l'impression de goûter à un animal, loin du fumet si tentateur de l'humain. Evangeline déglutit, difficilement.
Étrangement, une fois avalé, le goût ne paraissait plus. Si l'hémoglobine laissait dans sa gorge une brûlure désagréable, elle n'eut plus envie de vomir dès qu'elle s'éloigna du poignet. Jutta semblait bien plus mal qu'elle. La louve tomba à genou, mordant son poing pour s'empêcher de hurler. La marquise se mit à genou devant elle, mais Jutta la repoussa.
— Va leur ouvrir ! grogna-t-elle.
Evangeline s'excecuta, sans même chercher à discuter. S'éloignant sur un regard inquiet de la louve, elle ouvrit la porte de sa chambre. Le manoir était silencieux, seuls quelques jeunes s'éveillant de leur torpeur habituelle. Etrangement, Evangeline ne souffrait nullement du soleil couchant. Il ne lui faisait pas plisé les yeux et elle sentait, en elle, une force nouvelle.
Elle se mit à courir, traversant les corridors à toute vitesse. Deux loups surveillaient la porte. Ils s'écartèrent dès qu'ils croisèrent son regard, avant de se placer derrière elle pour mieux protéger ses arrières. Les sens aux aguets, Evangeline surveillait les réveils, attentive au moindre changement des habitudes monotones des vampires.
Ils sortaient de leur torpeur dans le même ordre. Ils marchaient du même pas.
Elle jeta un oeil par la meurtrière à la droite de la porte. Les hommes attendaient là, dans le plus grand silence, sans aucune montures. Ils étaient nombreux, plus qu'elle ne l'aurait cru possible, arborant sur leurs armoiries la même lune poignardée. Elle échappa un souffle, le dernier. L'odeur de tous les hommes la saisie, l'enrobant dans une étreinte rassurante. Elle reconnue le parfum de lilas de son frère, perdu dans la masse grouillante. Ils étaient tous là.
Pour leur dernier combat.
La porte glissa sur ses gonds sans un bruit quand elle la fit pivoter. Un premier soldat se redressa, croisa son regard. Elle lui fit signer d'entrer et ils s'infiltrèrent dans le plus grand silence entre les murs du miroir.
Leurs discrétions étaient bien veines, mais Evangeline ne s'attarda pas pour leur dire. Leurs coeurs battaient en un tintamarre jurant dans l'éternel silence du manoir. Ils criaient si fort, plus encore que les loups au palpitant parfaitement contrôlé. Elle chercha l'ombre de son frère, lui arracha un dernier regard sans pour autant lui laisser le temps de la rejoindre.
Elle devait retrouver Octave et lui prendre cette victoire qu'il avait cru obtenir.
Les premiers cris raissonèrent alors qu'Evangeline s'était déjà mise à courir. L'alerte sonna, les cloches teintèrent. Les cris des loups se mêlèrent aux hurlements guerriers des hommes et aux feulements puissants des vampires. Surplombant le cohut, le crissement des os se déchirant pour offrir aux métamorphes leur forme la plus puissante retentissaient.
Elle ne s'arrêta pas, évitant chaque coups porté dans sa direction et frappant par instant de sa lame pour s'offrir un chemin plus rapide. Elle ne savait dans quelle chair elle frappait. Homme, loups ou vampire, tous saignaient de la même manière.
Une bête immense se dressa devant elle, arrêtée dans son attaque par une balle entre les deux yeux. Le loup tomba face contre seul, faisant trembler les murs dans sa chute. Evangeline fut mise en joue, ne laissa pas le temps au mortel de la toucher alors qu'elle se jetait dans un couloir sur la droite. Elle le remonta à toute vitesse, s'attendant à chaque seconde à tomber sur un ennemie trop puissant.
Ils étaient bien trop occupé à combattre. Devant la pièce qu'elle visait, Aliénor se battait, le jabot de sa chemise déjà tâché de sang. Elle était blessée, à plusieurs endroits. En face d'elle, une ombre fauve se profilait par instant, frappant avec une maîtrise calculée. La louve n'attendait pas qu'Alienor attaque pour bondir, se rétractant dès que l'épée de la vampire teintait dans l'air. Ses mâchoires énormes se refermaient sur le vide. Son poil, hérisé, était parcouru de taches sombres. Sang ou marques de naissance, Evangeline n'aurait su le dire.
Elle devait entrer dans la pièce. Plus rapide encore qu'Alienor, elle évita le combat. La vampire croisa son regard. Tant de déception brillait au font des immenses prunelles brunes. Bien vite remplacée par la douleur alors que la louve en profitant pour entailler ses flancs de ses griffes. Durant une seconde, Alienor s'arrêta. Stoppée entre le devoir et la survie.
Seconde qui suffit à Jutta pour bondir et planter ses dents dans le corps de l'immortelle, la faisant hurler.
Evangeline n'en regarda pas une seconde de plus, pénètrant dans la salle de l'Assemblée.
Elle y était attendue.
Octave, épée à la main.
Et, à côté de lui, Jean-François, le regard implorant mais la mine déterminée.
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