29 - Les secrets du roi

La pièce était bien plus petite que ce que croyait Evangeline. Elle s'attendait à l'immensité d'un service de renseignement tout entier, où sa Majesté pouvait entassé des dizaines d'espions. Elle imaginait même, dans un coin, un chevalet, goûtant encore de quelques perles de sang.

Personne ne parlait en ce lieu. Il n'y avait qu'un bureau et une immense bibliothèque remplie d'ouvrage aux dos de cuir peints d'argent et d'or. Contre les murs, des cartes. Plus anciennes les unes que les autres, elles dessinaient à la perfection les côtes de la France et celles, plus accidentée encore, de l'Angleterre. Des tâches de gras, invisibles pour les humains, décoraient certain tracés, mille fois arpentés par la main méticuleuse d'un explorateur.

— C'est ça que vous cherchiez ? ria la vampire.

Jutta ne l'écouta pas. Elle s'était déjà lancé à la recherche de l'inconnu, inspectant la surface du bureau. Il était loin d'être rangé. Un buste d'un quelconque empereur romain s'appuyait sur une énorme pile de parchemin. Un encrier, mal refermé, séchait, une plume encore glissée à son côté imbibant le bois.

La louve jura, dans un patois inconnu pour Evangeline et ouvrit les tiroirs. Toujours plus de papiers s'étalait. Elle restait pourtant méticuleuse, replaçant avec attention tout ce qu'elle déplaçait. Evangeline l'observait faire, avant d'attraper un papier vierge traînant sur le bureau. Si Jutt a était occupé à quelque chose d'illégale, elle ne verrait certainement aucun problème à ce que la vampire écrire cette lettre qui, depuis trois ans, faisait frissonner ses doigts.

Elle finir par demander, l'ironie perçant de son timbre.

— Si vous n'avez pas besoin d'aide, dites le tout de suite.

— Très drôle, je n'allais pas te déranger.

Le sourire entendue de Jutta ne fit pas même frémir la marquise. Elles n'échangèrent pas même un regard, alors qu'Evangeline séchait sa lettre d'un souffle.

— Aide moi avec l'étagère. Trouve un petit coffre avec un symbole de dragon. Ou une lettre, cacheté du même emblème.

— Qu'est-ce que tu cherches Jutta.

— La liberté.

La louve s'était tourné vers Evangeline en prononçant ses mots, interrompant pour un instant ses recherches. Ses yeux brillaient, plus que jamais. Elle ne souriait plus et, sur son front, une ride d'inquiétude vibrait.

— C'est si important ?

— Tu n'imagines même pas. Trouves moi ce papier et je jure sur le Tout Puissant Lui-même que je t'aiderai contre l'Assemblée.

— Pourquoi ?

— S'il te plait Apolline.

Il y avait tant dans le regard de Jutta qu'Evangeline ne posa pas plus de questions. Elle plia la lettre, la glissant dans son corset. Puis elle avança dans la pièce, après une dernière vérification de l'extérieur. Pas un seul bruit et toujours pas l'ombre d'un garde.

Ses doigts glissèrent sur le dos des ouvrages alors que ses yeux en dévoraient rapidement les titres. Entre certain, des outils décoraient la bibliothèque. Elle fut dans un premier temps surprise, avant de trouver l'ensemble bien plus harmonieux que les habituelles rangées de livres identiques.

Jutta ne lui laissa pas le temps de pousser plus loin ses recherches qu'elle offrit un cri de satisfaction au silence du lieu. Elle tenait entre ses doigts une lettre. La louve venait de briser le cachet de cire et en explorait les lignes. Elle tourna le visage, victorieuse, jusqu'à Evangeline. Un bref sourire couru sur les lèvres de la marquise. Avant de mourir aussi vite. Elles entendirent, en même temps, le battement de bottes contre le parquet de la pièce adjacente.

— Il faut qu'on sorte d'ici ! gronda Jutta.

Evangeline ne lui répondit pas, happée par son instinct, trop concentrée sur les bruits.

Quatre battements de coeur, accélérés par la course. Quatre hommes, dont les joues rendues rouges par l'effort firent saliver Evangeline. Ils fleuraient l'odeur du sang, amplifiée par celle de leur transpiration. L'un s'était blessé, certainement quelques heures avant en nettoyant son épée. La plaie s'était réouverte dans la course.

Jutta entendit le feulement de la vampire avant même qu'ils ne parviennent aux oreilles des hommes. Elles sortirent précipitamment de la pièce et la louve retient difficilement le poignet de la marquise avant qu'elle ne se jette dans la direction des gardes.

— Apolline... Non...

L'autre ne lui répondit que par une sifflement agacé. Jutta sera un peu plus fort le poignet d'Evangeline, arrachant à son os un grincement désagréable. La douleur fit papillonner la vampire des yeux, l'arrachant assez aux odeurs pour lui faire reprendre ses esprits.

— Suit moi ! Et ne les attaque pas ventre-dieu. Je ne sais pas où nous pourrions cacher un corps dans ce château.

Evangeline lui offrit un regard noir, se maudissant déjà d'avoir laissé la faim happer sa conscience. Elle avait pourtant apprit à se contrôler devant les proies de l'Assemblée. Sauter aux cous de ses victimes était proscrit entre les murs du manoir, encore plus en présence du Prince.

Elles réussirent à éviter les gardes, entendirent pourtant leurs jurons et les ordres criant de retrouver les malfrats comme si elles avaient été à côté des hommes. Elles prirent leurs jambes à leur cous, sursautant à chaque bruit de bottes. Ils étaient trop nombreux et elles n'avaient clairement rien à faire dans cette partie du château. L'alerte avait été donné.

— Il faut fuir par une fenêtre, souffla Apolline.

Les fugitives n'eurent le temps d'en trouver une accessible qu'elles manquèrent percuter une porte dérobée. Cette dernière s'ouvrit brusquement et une silhouette s'y profila, les enjoignant à la suivre.

Elles ne prirent pas le temps de réfléchir plus et s'engouffrèrent dans l'échappée. L'odeur de leur sauveur leur apparue très distinctement, enroulée dans un parfum de chèvrefeuille. Evangeline reconnu immédiatement le guerrier de l'Ordre, ouvrant des yeux immenses devant son apparition aussi inespérée qu'improbable. Les avait-il suivit, échappant avec brio aux sens de la vampire ?

Il ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question, leur ordonnant de s'enfoncer dans le faible interstice laissé entre les murs. Le couloir, reliant certainement deux pièces dans le plus grand secret, était si étroit qu'elles durent s'y glisser de profil.

— Continuez tout droit. Au bout, prenez à gauche et vous sortirez loin de l'agitation. Les courtisants écoutent sa Majesté, vous pourrez vous glisser entre eux sans qu'ils ne s'en rendent compte.

— Attendez, souffla Evangeline, entre deux mouvements incommodes. Donnez ça à mon frère, s'il vous plaît. Il en va de la suite de ma mission.

Elle lui tendit la lettre, difficilement extirpée de son corset. Il la prit sans un seul mot, les enjoignant d'un regard à se dépêcher d'atteindre la sortie.

Entre les murs, des souffles et des chuchotements leur parvenaient. Les secrets s'échangeaient dans les boudoirs, se croyant à l'abri des oreilles indiscrètes. Certain couples adultères s'offraient les annonces royales comme autant d'excuses pour se retrouver. Evangeline et Jutta ne s'attardèrent pourtant sur aucun murmures. Elles tentaient d'avancer le plus vite possible, comprenant néanmoins à quoi ce couloir pouvait servir. Les espions devaient s'y presser pour entre chaque complot ourdit dans les ombres. Beaucoup avaient dû y perdre leurs intimités.

Elles finirent enfin par s'échapper du passage.

Les bruissements de bavardages les rassurèrent et elles s'y glissèrent, ombres n'ayant, pour chacun, jamais vraiment quitter les lieux. Leurs regards ne mentaient pourtant pas. Elles en échangèrent un et Evangeline sut. Ce soir, elle avait trouvé la plus étrange alliée.  

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