11 - Sang et os

1771 | France, Paris, hôtel particulier du marquis de Morangiès

Elle se réveilla la gorge sèche et les muscles endolories, comme si elle avait été broyée puis recrachée par des démons aux noms de monstres. L'odeur fut la première chose qui la transperça. Puis cette douceur qui s'emparait d'elle, ses muscles qui se mettaient en mouvement sans même qu'elle ne les contrôle. Se redressant brusquement, elle inspira l'air de l'hôtel, observant d'un œil paniqué les milliards de particules qui roulaient jusqu'à sa gorge. Elle ne trouvait aucun réconfort dans l'oxygène qui vient caresser sa gorge, sentant toujours cette brulure. Sa trachée n'était qu'un parchemin, aussi sèche que la peau qui recueillait les lettres de centaines d'inconnu. Elle vit du sang sur le mur et l'odeur de l'hémoglobine la terrassa. Ses jambes se mirent en marche avant qu'elle en puisse réfléchir, suivant les effluves d'un parfum qu'elle connaissait si bien mais sur lequel elle n'arrivait à mettre de mot. Elle ne croisa personne dans l'hôtel, suivant simplement cette odeur terriblement attirante qui la faisait saliver de plaisir. Elle gémit comme un chiot devant une récompense et couru, plus vite que jamais jusqu'à cette odeur qui l'attirait avec la puissance de la lumière. Apolline ne réfléchissait plus, l'instinct seul la guidait.

Elle traversa l'hôtel, se rapprochant un peu plus à chaque secondes de la tentation qui la faisait déjà saliver. Comme si le pécher s'était incarné dans cette odeur qui la faisait accélérer. La marquise sentit courir sur son échine une sensation qu'elle n'avait jamais éprouvée, la douceur de la lune qui glissait sur sa peau alors que les rideaux étaient fermés, caressant de leurs franges le sol. Mais elle n'eut aucune réaction,  l'odeur l'attirant bien trop pour que son esprit ne puisse capter ce changement étrange de sa perception du monde.

C'était un humain, plutôt beau garçon, assit sur le fauteuil de velours rouge de Jean-François. D'épais cheveux bruns, des prunelles sombres qui pouvaient capturer des âmes  qui s'illuminèrent lorsqu'il croisait celles de la jeune femme. Sur sa gorge, deux sillons laissaient couler le sang, lui offrant un chemin déjà tout tracé pour des crocs qu'elle sentait fleurir dans son bouche. Mais, capricieuse la jeune nouvelle née refusa de glisser sur les traces d'un autre et croqua dans la chair d'un poignet musclé. Ses canines déchirèrent la peau et s'enfoncèrent dans la première veine qui s'offrait. Le sang gicla, pas assez puissant. Abandonnant cette prise, elle entendit son prénom hurlé par la terreur de sa proie mais elle n'y prêta pas attention. Elle mordit dans la gorge tendre et le sang explosa contre ses papilles avec délectation. Sa victime passa de la vie au trépas, blanche comme un linge mais déjà la jeune femme passait à une autre proie, traquant dans les moindres recoins de l'hôtel les Hommes. Les cris se firent entendre mais les portes avaient été bloquées par une main de maitre. Le sang ne lui suffisait plus. Elle devait tuer, encore et encore.

Quand un ennemi se dressa devant elle, avec la force de l'immortalité, elle reconnue Jean François. Et sans le moindre contrôle, elle bondit sur ses lèvres. Le sang rougissait son corps, ses vêtements n'étaient plus depuis longtemps que des vestiges. Cette nuit fut la plus folle que les époux ne vécurent jamais, hurlant leur plaisir sur le sang dans lequel ils se délectaient. Comme les monstres dont ils avaient le nom, il laissait le plaisir se perdre dans l'hémoglobine de leurs victimes terrorisées. Les cadavres se faisaient nombreux mais Apolline n'en voyait aucun. Ils n'étaient que des proies, dont l'apparence et le nom lui importait peu. Seul le sang contenu dans leurs veines lui était important. Elle baissait les lèvres de son époux, sentant ses morsures, voyant le sang qui s'écoulaient de sa peau mais elle montra les dents à son tour et une douleur lui brula les gencives. Portant une main surprise à sa bouche, elle ouvrit de grands yeux mais le regard de Jean-François calma le mouvement frénétique de ce cœur déjà mort. Ses canines dépassaient de ses lèvres entrouvertes sur sa stupeur mais le marquis revient à la charge, mordant de toutes ses dents dans la peau fragile de sa gorge. Apolline gronda, féroce et elle lui rendit la pareille, le sang glissait sur ses lippes.

Le baiser avait été offert et elle se complaisait déjà dans l'hémoglobine. 

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