𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟔
ANGELINE
Luke et moi nous dévisageons avec stupéfaction. Comment trouve-t-il le moyen d'être ici, à cet instant précis, alors que pas une seule fois il n'a essayé de revenir pour son fils ? Je sais pourtant qu'il l'aime du plus profond de son âme...
— Angel...
— Luke.
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je pourrais te poser la même question.
— Je...
— N'essaie pas de me mentir, Luke. J'en ai marre de vos mensonges à tous les deux !
— Angel..., lance Charles en s'approchant de moi, mais je recule de quelques pas.
Luke nous observe sans rien dire puis ferme la porte d'entrée derrière lui, tandis que la colère menace de me faire exploser. Ils me prennent pour une cruche, il n'y a pas d'autre explication plausible !
— Je veux savoir toute la vérité. Et que ça soit bien clair, sans omettre de détails, ordonné-je en regardant les deux hommes devant moi.
— On aura besoin d'un verre.
— Ou deux, rétorque Charles.
Alors que je m'installe sur le canapé, les garçons partent dans la cuisine et reviennent cinq minutes plus tard avec les verres, le whisky et des biscuits apéritif. Charles nous sert un verre à tous les trois. J'inspire profondément avant de parler :
— Je vous écoute, dites-moi tout.
Je les regarde tour à tour. C'est Luke qui se lance le premier :
— Je suis ici pour innocenter Charles, car ce n'est pas lui qui a tué Miller, mais moi.
J'accuse le coup. Luke, un meurtrier ? Le Luke que je connais n'aurait jamais pu commettre un tel acte. Je ne réagis pas, attendant qu'il poursuive ses explications lugubres, tandis que Charles boit en gardant le silence.
— Je tiens à dire que c'était de la légitime défense. Le pistolet n'était pas à moi, c'était celui de Miller. Quand je t'ai dit que j'allais aider Charles, c'était faux... Je voulais te protéger. Alors, oui, je t'ai menti... Quand je les ai rejoints, les garçons se battaient et Charles n'avait pas le dessus alors je suis intervenu. Mais Miller a sorti son arme. J'ai essayé de le désarmer dans une lutte acharnée...
Luke s'interrompt soudain pour prendre une gorgée de whisky, alors que je boue intérieurement ; j'ai besoin de tout savoir et je n'ai pas envie d'attendre !
— Et le coup est parti tout seul. Miller s'est retrouvé étendu au sol, il ne bougeait plus, on ne pouvait plus rien faire. C'était trop tard.
— Pourquoi n'avez-vous pas appelé la police ? C'était de la légitime défense, l'histoire serait finie depuis bien longtemps, mais vous avez tout compliqué en cachant le cadavre et l'arme.
— Angéline, on était paniqués ! intervient Charles.
— Charles, laisse-moi parler...
Il se ressert un verre pendant que j'essaie de comprendre pourquoi ils ont choisi de compliquer nos vies.
— Charles a raison, on a eu peur et c'est vrai que sur le coup je n'ai pas pensé à ça... Je nous voyais déjà en prison et l'idée de ne pas voir mon fils grandir m'angoissait encore plus.
— Ah ! Parce que tu trouves que ça a changé quelque chose pour Evan ? Il n'a aucun souvenir de toi, juste quelques photos que je lui ai données. Il ne te connaît pas Luke et il en a souffert. Je pensais que tu reviendrais pour nous, mais non...
— Je t'assure que je voulais revenir, mais je ne me sentais pas encore prêt. Je ne voulais pas gâcher nos retrouvailles.
— Bravo ! Tu as quand même réussi à le faire.
Je me lève, emportée par la rage et l'amertume. Je fais les cent pas dans l'appartement sous les yeux abattus des deux hommes.
— Je regrette d'avoir agi ainsi, mais c'est trop tard maintenant... Si je pouvais revenir en arrière, je ferais les choses autrement, Angel.
— Et toi, Charles, tu n'as rien à dire ?
Il me regarde d'un air ahuri, hoche négativement de la tête et je souffle. Évidemment qu'il n'a rien à dire, Luke l'a fait pour lui. Dois-je croire à leur histoire ? La seule autre personne qui aurait pu témoigner est morte.
— Vous êtes dans la merde... Si le juge est un vrai con, il vous tiendra responsable tous les deux et vous irez en prison ! C'est ce que vous voulez ?
— Bien sûr que non, Angel...
Charles se lève du canapé et vient prendre mes mains dans les siennes ; je sens le regard de Luke posé sur nous.
— Je vais mettre mon avocat sur l'affaire. Il nous sortira de là en moins de deux.
— J'espère pour vous, lancé-je en me dégageant de Charles. Je dois aller récupérer mon fils.
Je récupère mon sac à main sur le fauteuil ainsi que ma veste et sors de l'appartement. Alors que je vais pour monter dans un taxi, j'entends une voix retentir derrière moi. Je me retourne pour voir Luke arriver à ma hauteur en toussant :
— Angéline attends..., est... Est-ce que je peux voir Evan ? demande-t-il, le souffle court.
À cet instant, je ne peux m'empêcher de prendre une minute pour le contempler. Depuis tout ce temps, Luke n'a pas tant changé que ça... Les traits sur son visage, laissés par le passage du temps, donnent à son regard une douceur que je ne lui connaissais pas. Quelques rides sont apparues sous ses yeux bleus en amande qui me scrutent aussi avec intensité. Ses cheveux sont toujours en bataille ; ils sont comme je les adorais, quand nous étions ensemble. Je réprime un petit sourire en apercevant son léger double menton, qui lui va tout de même plutôt bien. Les hommes ont le don de se bonifier avec l'âge.
Je reprends mes esprits et lui réponds :
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, avec tout ce qui est sur le point d'arriver, le procès et le reste... Je n'ai pas envie que les enfants dans son école se retournent contre lui ou lui disent des méchancetés parce que son père a tué quelqu'un...
— S'il te plaît... Je le verrai selon tes conditions, mais je veux vraiment le voir.
— Pourquoi tu n'es pas venu plus tôt ?
— Je te l'ai dit, je ne le sentais pas. Je n'étais pas prêt, mais j'ai toujours pris des nouvelles de loin. J'ai toujours veillé sur vous, Angéline. Je ne vous ai jamais oubliés depuis toutes ces années... Laisse-moi une chance de connaître mon fils.
— Je... je verrai avec lui.
Nous échangeons un dernier regard avant que je monte dans le taxi. Avant de fermer la porte, il me tend un morceau de papier avec son numéro de téléphone, je le prends puis ferme la portière et donne au chauffeur l'adresse de Sofia.
Durant le trajet, je pense à la demande que m'a faite Luke. Je ne peux pas lui refuser de voir son fils, mais tout dépendra d'Evan. S'il le souhaite, j'organiserai un rendez-vous pour qu'il apprenne à connaître celui dont il a tellement rêvé.
Arrivée chez ma meilleure amie, c'est Naël, son mari, qui m'ouvre avec Emma dans les bras.
— Angéline ! Ça fait longtemps, comment vas-tu ?
— Oh ! Tu sais, les aléas de la vie... Je fais avec.
— Entre, Evan est en train de manger.
Je le remercie et rejoins la cuisine tandis que Naël va changer la couche de sa fille. J'embrasse le front de mon fils et lui souris tendrement.
— Ça va, mon chéri ?
Il hoche la tête en dévorant les nuggets qui se trouvent dans son assiette. Naël nous rejoint, Sofia lui demande de s'en occuper le temps qu'on aille parler. On sort sur le balcon pour qu'Evan n'entende pas et j'explique ce qu'il vient de se passer. Elle est tout aussi surprise que moi à propos de Luke. Se dire qu'il a fait quelque chose d'aussi grave détruit l'image de l'homme que nous connaissions et il a beau m'avoir assuré qu'il racontait la vérité, j'ai du mal à digérer l'information. Je n'y crois pas, tout simplement, et Sofia est du même avis... Je lui fais également part de la requête de Luke ; je suis contente d'entendre qu'elle est du même avis que moi : c'est à Evan de prendre la décision. Il est assez grand pour comprendre ce qu'il se passe !
Alors que nous sommes sur le point de partir de chez ma meilleure amie, je lui lance :
— Si un jour tu veux que je te garde Emma pour que tu puisses profiter un peu de ton mari, n'hésite pas.
— Promis !
Nous nous enlaçons, et puis Evan et moi rentrons à pied chez nous. Il me raconte sa soirée qui avait l'air très amusante. Une fois le bain pris, l'heure du coucher arrive. Alors que nous sommes assis tous les deux au bord de son lit, je prends mon courage à deux mains :
— Evan, j'ai une question à te poser. Tu prends le temps de réfléchir avant de répondre, d'accord ?
— Oui, maman.
Il me regarde droit dans les yeux avec sa bouille d'ange. Je lui explique que j'ai vu son papa ce soir et qu'il serait content de voir son fils. Le regard d'Evan s'illumine et un immense sourire se dessine sur ses lèvres. Je connais sa réponse rien qu'aux étoiles qui brillent dans ses yeux. Je savais qu'il allait vouloir le voir, qui ne voudrait pas connaître son père après tout... ?
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Que pensez-vous de ce chapitre ?
#TeamLuke ou #TeamCharles ?
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