𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟎

ANGELINE

Tout au long du trajet pour aller chercher notre fils à l'école, j'ai la boule au ventre. Et alors que nous arrivons devant le portail, main dans la main, nous observons la réaction émouvante d'Evan lorsqu'il aperçoit son père. Il s'arrête en plein milieu de la cour, son sourire s'étire sur ses lèvres et je craque... Des larmes coulent sur mes joues. Des larmes à la fois heureuses car il peut revoir son père, et tristes, car c'est sans doute l'une des dernières fois...

Il court vers nous en s'écriant « Papa » et quand il arrive à notre hauteur, Luke s'agenouille et ouvre grand ses bras pour l'accueillir. Evan est si heureux de retrouver son père qu'il lui saute dessus, faisant presque perdre l'équilibre à Luke, ce qui m'arrache un rictus amusé.

— Salut, fiston, comment vas-tu ?

— Tu étais où, papa ? demande-t-il très sérieusement.

Nous échangeons un regard avec Luke puis notre garçon reprend :

— Tu m'as manqué ! Je ne veux plus que tu partes.

Luke se contente de passer sa main dans les cheveux de son fils et de le serrer dans ses bras, un mince sourire sur les lèvres. Sur le chemin du retour, comme à son habitude, Evan ne fait que parler et il raconte tout ce qu'il a fait pendant l'absence de son père, qui est ravi de l'écouter.

Une fois arrivés à l'appartement, les deux hommes de ma vie jouent ensemble aux figurines de dinosaure. En les regardant, je me souviens de la conversation que Luke et moi avons eue dans l'après-midi. Je lui ai fait promettre de ne pas en faire trop, pour son souffle, et que s'il se sentait mal, il devait tout de suite remettre ses lunettes à oxygène ! Je sais qu'il n'a pas envie de les porter devant Evan - même si j'espère que ça n'arrivera pas -, mais s'il en a besoin, il doit les porter !

Après le repas, une atmosphère légère règne dans la pièce. Je jette un œil à Luke ; à mon regard, il comprend et hoche de la tête.

— Evan, approche, on a quelque chose à te dire.

Notre fils accourt vers son père puis après s'être installé sur ses genoux, il nous pose une question aussi mignonne que sa bouille :

— Vous vous aimez à nouveau ?

— On s'est toujours aimés, répond Luke.

— Mais ce n'est pas ça, mon cœur...

Luke reste silencieux quelques secondes, cherchant sûrement au fond de lui le courage nécessaire pour avouer une telle chose. Annoncer à son fils que l'on va mourir, que du jour au lendemain, on ne fera plus partie de sa vie, qu'on est obligé de le quitter pour toujours. Malheureusement, il n'existe qu'une seule façon de le dire...

— Evan, je ne serai bientôt plus ici, avec maman et toi...

— Pourquoi ? s'empresse-t-il de demander.

— Parce que je suis malade. J'ai un cancer...

— Un cancer ? Comme tata Sophia ?

— Oui, mon cœur, sauf que tata Sophia a pu guérir car les médecins l'ont vu à temps. Mais pour papa, c'est trop tard...

Il nous observe l'un après l'autre avec de grands yeux, sans vraiment laisser d'émotion apparaître sur son visage d'ange. C'est vrai qu'il y a presque trois ans, Sophia a eu un cancer du sein... Sa mère étant décédée avant elle de cette même maladie, mon amie a su réagir immédiatement après l'apparition de ses premiers symptômes, ce qui l'a sauvée de la mort. Luke, en revanche, affronte un ennemi qu'il ne peut pas battre.

En quelques secondes, les yeux d'Evan se remplissent de larmes prêtes à couler, et sa mâchoire se contracte. D'une petite voix étranglée par l'émotion, il se tourne vers son père et lui pose la question fatidique. Il a compris...

— Tu vas mourir ?

— J'en ai bien peur, fiston...

Evan entoure soudainement le cou de son père de ses bras et se colle à lui, laissant s'échapper les larmes qu'il essayait de retenir. La douleur est bien trop forte, trop puissante pour réprimer ses sanglots.

Son chagrin nous touche tous les deux, et nous aussi, nous laissons notre tristesse prendre le dessus et rouler sur nos joues.

— Je ne veux pas que tu meures.

— Je ne veux pas non plus, Evan, mais on ne peut rien y faire malheureusement...

— Tu vas mourir quand ? demande-t-il d'une voix innocente.

— Dans quelques semaines...

Nous avons pris la décision de tout lui avouer, de tout lui dire. Il est assez grand pour comprendre ce qui arrive à son père et pour gérer cette situation, même si ce sera très dur, les premiers temps. Les enfants devinent plus de choses qu'on ne le pense. Ils sont loin d'être bêtes et peuvent aussi nous surprendre... Et puis à quoi bon lui cacher la vérité... ?

— Tu as peur ?

Le regard de Luke croise le mien. Evan a le don de poser des questions plus curieuses les unes que les autres. Il est facile pour lui de nous arracher des réponses, avec ses yeux d'enfant et sa voix aux inflexions si inoffensives... Nous avons peur... enfin moi, j'ai peur, c'est une certitude ! Je n'ai jamais eu à endurer une telle épreuve et je ne pensais pas que ça arriverait si vite... J'ai peur, non pas de me retrouver toute seule avec mon fils, car je sais déjà ce que c'est, mais plutôt de ne pas savoir ce que ressent Evan aujourd'hui, puis quand le jour du drame viendra et pendant les mois qui suivront... La reconstruction de sa vie, de sa personnalité suite au décès de son père...

— Pas vraiment, je n'ai surtout pas envie de vous quitter, maman et toi ! Je veux profiter du temps qu'il me reste pour jouer avec toi, te raconter des histoires et nous créer de nouveaux souvenirs pour que tu ne m'oublies jamais, fiston !

— Je ne t'oublierai jamais, papa !

Evan serre une nouvelle fois son père dans ses bras avant que ce dernier ne se mette à le chatouiller pour apaiser l'atmosphère et faire revenir la joie dans l'appartement. Des éclats de rire fusent dans toute la pièce et en quelques secondes, nous oublions la maladie pour savourer le moment présent...

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Et voilà pour le chapitre 30 ! Comment l'avez-vous trouvé ?

Chapitre court, je sais mais je voulais juste écrire ce passage, sur eux trois qui je trouve quand même important car c'est un moment, une épreuve compliquée... ♥

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