XXIV
Pdv Eijiro :
- Attends, pose ton manteau ici plutôt.
Katsuki me tendit le vêtement que je déposai précautionneusement sur la patère, ses yeux croisèrent les miens un bref instant avant de faire le tour du mobilier d'un air curieux. C'était la deuxième fois qu'il venait ici mais la dernière fois il devait être trop occupé pour s'attarder sur la décoration.
- Naraku n'est pas là ?
J'hochai la tête tout en m'avançant dans le salon pour lui servir à boire.
- Il est à son cours de basket.
Il eut d'abord un silence timide, caractéristique de cette retenue qu'ont ceux qui n'osent pas parler. Je lui tendis un verre d'eau tout en l'encourageant à prendre la parole. C'était étonnant de le voir si peureux à l'idée de parler de son fils, comme s'il ne se sentait pas légitime d'en savoir plus sur lui.
- Il en fait depuis longtemps ?
- Plutôt oui, ça fait deux ans qu'il est dans l'équipe compétition de son club. L'année dernière ils n'ont pas réussi à s'élever jusqu'aux régionales mais ils espèrent y parvenir cette année.
Il prit une gorgée d'eau d'un air pensif.
- C'est toi qui lui a conseillé le basket ?
- Je lui ai juste dit que ça pourrait être bien d'essayer les sports collectifs, il a tenté le foot mais n'a pas accroché. Le basket par contre c'est une autre histoire, il a eu une période où il ne voulait pas lâcher son ballon, il l'emportait partout !
Le petit rire qui accompagna ma déclaration semblait contagieux car un large sourire s'étala sur les lèvres du blond.
- Comme un doudou ?
- Presque, heureusement il ne dormait pas avec ça aurait été vachement dangereux.
- J'imagine !
Il termina le verre d'une traite et me le montrai d'un air accusateur.
- On est pas un peu trop vieux pour boire simplement de l'eau en guise d'apéro ?
Un éclat joueur brillait dans ses yeux, un éclat que je ne connaissais que trop bien.
- Donc t'es devenu un poivrot aussi ?
- Tout de suite les grands mots, j'ai juste appris à aimer les bonnes choses !
- Ben voyons... C'est hyper malpoli comme façon de demander en plus.
- C'est toi le malpoli qui ne sert même pas de vin à ton invité.
Je levai les yeux au ciel et sortis la bouteille que j'avais en effet prévue pour aujourd'hui.
- Eh bien je vois que Monsieur l'Aristo a pris de mauvaises habitudes aux U.S ! En plus t'es pas vraiment un invité.
Son air moqueur ne disparut pas tout à fait mais sembla se ternir un peu.
- Je suis quoi alors ?
J'haussais les épaules, je n'en savais rien. "Autre chose". Katsuki était une catégorie à lui tout seul... Je m'attendais plutôt à ce qu'il réagisse à la remarque sur l'aristocrate et me charge de lui servir une coupe d'un air snob. C'était vraiment frustrant de marcher sur un fil de rasoir avec lui, dans un équilibre si tenu que chaque mot pouvait briser une conversation prometteuse, une entente naissante. Je me détournai, honteux de l'avoir poussé dans le vide en voulant rire.
- J'ai dit ça comme ça... Maintenant si Monseigneur Katsuki Bakugou veut bien poser son royal séant sur le canapé, on ouvrira la bouteille avec Terumi c'est plus sympa.
Deuxième erreur, ne pas l'avoir prévenu que Shoto ne pourrait pas venir et que j'avais convié Terumi parce que j'avais encore la trouille de discuter seul à seul avec lui, malgré mes centaines de questions. Le blond se tendit immédiatement comme s'il venait de se prendre une décharge.
- Terumi vient aussi ?
Je ne savais pas ce qui m'avait pris d'attendre le dernier moment, peut-être la rapidité du changement, son côté imprévu. Toujours était-il que l'homme en face de moi semblait d'un coup bien plus perdu.
- En fait la mère de Shoto a eu un problème dans la journée d'hier. Il était inquiet et il a préféré annuler pour rester près d'elle. Je me suis dit que Terumi pouvait venir... Elle ne va pas tarder.
Il se contenta d'un hochement de tête quasiment imperceptible comme s'il digérait l'information et s'assit.
- On peut commencer la bouteille tout de suite ? Ça la fera venir.
- Ah donc l'alcoolisme c'est de famille c'est ça ?
- Dis pas d'horreurs pareilles, je te signale que t'y es vachement lié, à cette famille !
Je levai les yeux vers lui, la phrase avait été prononcée sous le ton de la plaisanterie mais l'entrain et le regard n'y étaient pas. J'avais l'impression que chaque parole devenait à double-sens et ce jeu perpétuel entre nous était aussi fatiguant que nécessaire. Quand pourrions-nous parler sans ce genre d'arrières pensées ? Je me vis contraint de faire comme lui :
- J'admets que ce serait pas top de retrouver mon fils ivre-mort sous un pont.
- Ça ne risque pas.
Son visage se fendit d'un sourire qui cette fois me parût sincèrement tendre, quoiqu'un peu gêné peut-être...
- Je suis sûrement très mal placé pour dire ça mais... du peu que je saches, tu fais de lui quelqu'un de bien dans sa peau.
Il porta le verre à ses lèvres son regard passa de moi aux photos sur la commode.
- Alors il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Je lui rendis son sourire avec un hochement de tête. Je n'en étais pas sûr mais c'était peut-être dans le langage codé et ambigu de Katsuki ce qui se rapprochait le plus d'un "Merci". "Merci d'avoir élevé cet enfant" ou encore "Merci d'avoir fait pour lui tout ce que je ne me sentais pas capable de faire". Sentir à demi-mot que mon ancien amour reconnaissait tout cela me mit du baume au coeur.
Ses yeux se posèrent sur moi à nouveau et instinctivement je tentai de prolonger ce moment où nous ne faisions rien d'autre que nous regarder avec ce petit air serein, sans rancoeur, sans nostalgie. Mes yeux inspectèrent le tracé de ses épaules, remontèrent sur son cou, s'égarèrent le long de sa mâchoire... Lui aussi scruta mes traits avec la même intensité et je tentai de ne pas penser au nombre de fois où j'avais embrassé ses joues, son front, son cou, ses lèvres. C'était loin et il n'y avait rien de plus terrible et de plus douloureux en cet instant que d'en avoir oublié le goût.
Le tintement agaçant de la sonnette me tira un sursaut paniqué, complètement confus et déboussolé. Nous venions de revenir dans mon salon et Terumi était sans doute à la porte. Je me précipitai pour éviter tous les désagréments qu'entraîne un moment aussi fort : la peur, la honte et l'impression de faire les choses à l'envers, d'agir de la mauvaise façon.
- Hellooo !
Une tornade aux boucles blond-cuivrées s'invita dans mon entrée à une vitesse folle. Avec cette énergie titanesque qui lui était propre et la confiance qu'elle avait acquise à force de passer du temps ici elle se débarrassa de ses affaires.
- Hey Terumi ! C'est cool que tu aies pu venir ! Je ne t'ai pas facilité la vie en t'appelant à l'improviste.
- Toujours là pour te tenir compagnie et profiter de ton appart' ! Et puis...
Ses talons carrés tapèrent trois fois contre le parquet et avant de s'arrêter avec gravité à la frontière du salon.
- ...Toute occasion de voir mon frère est bonne à prendre.
De là où j'étais je ne pus voir son visage, en revanche je pouvais parfaitement constater du sérieux de Katsuki. Celui-ci s'était levé pour lui faire face, le mouvement de ses lèvres me sembla presque imperceptible lorsqu'il déclara :
- Asseyez-vous, ne me laissez pas finir cette bouteille tout seul.
Sa soeur s'exécuta et se plaça face à lui, accoudée au fauteuil en cuir dans une posture royale. Peut-être aurait-elle pu paraître hautaine au premier abord, mais c'était mal connaître sa personnalité solaire et son altruisme. Je lui devais beaucoup et ce n'était pas pour rien si son visage revenait sur les photos.
Faute d'autre choix je m'assis à l'autre bout du canapé, à côté d'un blond qui me parut d'un coup un peu plus tendu. Je ne sus dire si c'était ma présence ou celle de la nouvelle arrivante qui le braquait. Celle-ci n'y fit d'ailleurs pas vraiment attention.
- Ravie de voir que tu reprends peu à peu part à la vie de famille !
C'était étrange ça aussi, d'être vu par cette femme comme un membre de la famille à part entière, peut-être plus que son propre frère. Frère qui sembla plus gêné qu'enthousiasmé par la remarque.
- Il était temps non ?
Elle laissa échapper un rire de gorge, ce genre de rire qui ne peut être que contagieux. Mais le blond ne semblait plus d'humeur à la plaisanterie. Et moi je sentais que quelque chose ne tournait pas rond.
- Je ne te le fais pas dire ! Depuis le temps que je t'en parle, je commençais à désespérer. Ce serait sympa de faire une petite fête avec tout le monde... Papa, Maman, nous et évidemment Naraku. N'est-ce pas Eijiro ?
Elle posa ses yeux sur moi avec un léger sourire aux lèvres que je ne pus lui rendre, trop occupé par le seul bémol...
- Il faudra attendre un peu, le bout de chou n'est pas encore... comment dire, très à l'aise avec la situation. Je préfère attendre qu'il en ait envie.
Son sourire s'élargit et elle eut un petit battement des cils complice à la mention du surnom. C'était quasiment toujours moi qui l'utilisais mais elle l'avait entendu un bon nombre de fois. Maintenant il faisait honte à mon grand garçon qui m'empêchait de trop l'utiliser mais les habitudes avaient la vie dure.
- Mince c'est vrai... c'est sûr qu'il n'a pas trop apprécié de te voir débarquer comme une fleur frangin.
A cet instant précis tiquai quelque peu, choix des mots étaient un peu dur et le ton semblait un peu trop léger pour ce genre de phrase. Et elle était parfaitement au courant de la rancoeur de mon fils, l'avoir oubliée sous le coup de la joie me parût un peu gros. Mais ce ne fut qu'à la seconde d'après que je compris le vrai problème, lorsque je vis les phalanges blanchies et le poing tremblant de mon voisin. Et les yeux rouges rage.
- Lui au moins a le mérite d'être honnête...
Le murmure s'était échappé de ses dents serrées comme un souffle de colère, incontrôlable, impossible à contenir. Mon dieu mais qu'avais-je fait ? Terumi s'avança, les mains crispées sur les accoudoirs, penchée comme si elle n'avait rien entendu. Ce n'était pas les mêmes yeux, ses iris ne dégageaient pas la même intensité, la même fournaise, mais la colère s'y lisait tout aussi bien.
- Pardon ?!
J'eus un élan désespéré et empoignai la bouteille.
- Eh pas besoin de s'énerver, ça va s'apaiser ! En attendant on pourrait plutôt parler... je sais pas, boulot ?
Si je me fiais aux regards que me lancèrent mes deux invités mon élan s'était clairement cassé la figure.
- Tu oses dire que j'ai été malhonnête ? Après avoir été la seule passerelle entre toi et les parents ? Après t'avoir demandé tant de fois de revenir et promis que je te pardonnerais tout ?
- Arrête tes conneries. Tu ne voulais pas que je revienne. Et maintenant tu essaies de te placer en fille modèle et bien me faire comprendre que je ne pourrai jamais être aussi irréprochable que toi.
- Pitié tu es juste parano. C'est ta propre culpabilité qui te fait ressentir ça, ne me la balance pas à la gueule !
Le verre de Terumi claqua sur la table avec un grand fracas, quelques gouttes d'alcool s'étalèrent sur le bois y dessinant je ne savais quels motifs abstraits. Toujours debout je baissai les yeux sur la bouteille que j'avais encore sur les bras, j'avais l'air complètement con. L'abruti qui ne comprends jamais rien dans les mauvaises comédies familiales à la télé. Sauf que ça n'avait rien de drôle.
Katsuki se leva d'un bon, le ton était vite monté mais là il me faisait vraiment peur. Encore une fois le liquide de sa coupe manqua d'être renversé et j'eus vraiment peur qu'il n'explose comme ça lui était arrivé de rares fois au lycée. Il était taiseux, boudeur, peu communicatif en général mais quand il s'agissait de la colère... c'était une bombe à retardement.
- Katsuki attends tu...
Je n'osai continuer ma phrase, incapable de prédire ce qui allait se passer. Et il se produisit la chose à laquelle je m'étais le moins attendu. Il détourna le regard de sa soeur non sans qu'une vague de rage ne traverse ses épaules et se dirigea vers moi. Son corps semblait encore crispé de colère mais ses yeux exprimaient déjà la lassitude et une once de regrets.
- C'est complètement puéril et stupide. Tu ne mérites pas d'assister à ça...
Il me prit la bouteille des mains et la posa avec une sorte de précaution presque tremblante sur la table. Il posa la coupe juste à côté avec ce même soin empli de tension.
- Je suis vraiment désolé, je préfère ne pas gâcher ton aprèm', ma soeur et moi en reparlerons seuls.
Et il s'éloigna non sans presser mon épaule dans un ultime geste d'excuses. Je me précipitai à sa suite et laissai Terumi dans le salon la mine sombre.
- Attends je te demande pardon je ne pensais pas...
Son manteau déjà sur les épaules, la porte d'entrée entrebâillée, il me fit un sourire contrit, à mille lieux de ceux que j'avais vus en début d'après-midi.
- T'as pas à t'excuser, les deux cons dans l'histoire c'est nous. À lundi.
Et il s'engouffra dehors, le dos encore un peu voûté. Ses pas me semblèrent chancelants, encore plus lorsqu'il croisa un jeune homme brun en tenue de sport qui traversait justement la rue. Je regardai le blond faire un vague signe de tête à ce fils qui lui était étranger. Mon garçon quant à lui accéléra le pas et traversa le jardin à toute allure, l'air un peu chamboulé.
- Heu, Papa ? Ya un problème ?
J'hochai la tête négativement, encore un peu sous le choc. C'était passé très vite. Je n'avais aucune connaissance des disputes et problèmes de la fratrie Bakugou. Terumi ne m'en avait jamais parlé et je n'avais pas eu l'occasion d'aborder le sujet avec Katsuki. Aussi je ne dûs pas paraître très convaincant lorsque j'ajoutai :
- C'est rien, c'est juste-
- Juste un sale gosse de trente-deux ans...
Je me retournai pour faire face à Terumi, appuyée contre le mur et l'air attristé elle faisait d'un coup bien moins jeune et pétillante. Elle esquissa cependant un demi-sourire lorsque Naraku vint l'embrasser sur la joue.
- Salut mon grand, c'était bien ?
- C'était super, mais vous... Vous m'expliquez ?
Son air contrarié et un peu inquiet me fit soupirer, j'étais moi-même complètement dans le flou. Je me dirigeais donc à nouveau vers le salon, invitant mon fils et sa tante à me suivre. Tout en les laissant s'installer je rassemblai les verres et rangeais la bouteille, la blonde fit mine de se lever.
- Attends je vais t'aider !
- Non c'est bon. Dis-moi plutôt depuis quand tu es en froid avec ton frère, c'est récent ?
Que je saches si j'étais resté dans l'ignorance très longtemps. Terumi baissa les yeux et passa une main sur son bras.
- Ça a toujours été compliqué depuis la naissance de Naraku, je ne t'apprends rien. Quand il est revenu j'étais heureuse, je pensais qu'on allait ravoir une vie de famille saine, que la distance allait s'effacer.
Je vins m'assoir sur le canapé, à côté de mon fils affalé dans une position de pur bonheur, courir partout avec un ballon avait dû l'épuiser. Je me concentrais à nouveau sur Terumi et hochai la tête pour toute réponse, cette partie là je la connaissais, je savais qu'elle avait souffert de l'éloignement de son unique frère.
- Mais dès que je le voyais il ressemblait à une bête fauve. Il me souriait à peine, était difficilement joignable et quand on se réunissait avec Papa et Maman...
Elle me jeta un regard contrit.
- On ressentait tous que quelque chose avait changé, qu'il était à part. Et du coup ça finissait mal, il perdait patience, s'énervait, m'accusait de façon complètement déraisonnable... Je pense qu'il n'admet pas que c'est lui qui a créé ce froid et qu'il veut... je ne sais pas, nous faire porter une part de sa culpabilité ?
Naraku qui, même s'il faisait semblant de se reposer, avait pris le temps de tout écouter se redressa vivement.
- Tu veux dire qu'il veut faire croire que vous êtes aussi responsables que lui si vous ne vous entendez plus aussi bien ? Alors qu'il est parti pendant quinze ans ?
J'eus un mouvement de recul devant son ton acerbe, ce n'était pas avec ce genre de témoignage que Katsuki allait remonter dans l'estime de son enfant... Quant à moi, bien que navré par ces mots je ne pus m'empêcher de faire remarquer :
- Ça fait bizarre d'entendre ça, il est super franc, je le vois mal se voiler la face et te blâmer à tort juste pour éviter d'assumer.
Le regard que me porta la femme en face de moi parût emprunt d'une sorte de compassion qui me donna plus une impression de pitié. Je serrai la mâchoire, je détestai ce regard, mes mères avaient le même, Naraku aussi de temps en temps. Le regard qui dit "mon pauvre, tu es tellement idéaliste."
- Eijiro, des années ont passés, ce n'est plus le garçon que tu as connu. Ce n'est plus le frère que j'avais... L'homme que j'ai vu revenir est odieux avec moi, Katsuki ne m'aurait jamais traitée de menteuse ou d'hypocrite.
Je n'en étais qu'un peu moins convaincu, ça correspondait si peu à son envie de renouer avec moi et Naraku, à sa façon certes maladroite mais sincère de reconnaître ses torts ou encore à son comportement avec nos amis. Mais elle avait peut-être raison, peut-être que j'espérais trop.
- Et tes parents, ils en pensent quoi ?
Son visage se ferma d'un coup.
- Ils n'en pensent rien. C'est leur fils, ils l'aimeront toujours quoiqu'il fasse et quoiqu'il dise. Mais ils voudraient que ça s'arrange entre nous deux.
J'avais beau comprendre la frustration de mon amie, quelque chose me gênait vraiment.
- Alors pourquoi tu lui as proposé cette "réunion de famille" alors que vous étiez en froid et que je t'avais parlé de la situation avec Naraku ?
Celui-ci se redressa encore un peu, comme si la mention de son nom impliquait qu'il doive bien se tenir. Cela m'aurait fait rire dans d'autres circonstances. Terumi quand à elle chercha ses mots un moment.
- Mais parce que je suis comme toi, j'espère ! Je me suis dit que c'est peut-être le cadre qui est mauvais, qu'avec toi il sera moins désagréable. Mais non, comme tu l'as vu il m'a tout de suite traitée de tous les noms.
Son air désemparé me fit culpabiliser d'avoir autant poussé mes questions. Ce n'était pas un interrogatoire et je n'avais aucune raison de mettre sa parole en doute. Naraku s'approcha de moi et posa une main sur mon épaule.
- Elle voulait sûrement bien faire. J'étais pas là mais j'ai l'impression que Terumi s'en est surtout pris plein la figure.
Je tournai à nouveau les yeux vers elle, son air dépité me convainquît d'abandonner malgré la gêne que je ressentais. Les quelques fois où nous nous étions revus avec le blond, cette fameuse "distance" c'était évidemment faite ressentir et pourtant jamais il n'avait eu l'air de vouloir se dédouaner de toute responsabilité au contraire. Je secouai la tête. Ce n'était plus le moment.
Je laissai Naraku détendre l'atmosphère en dévoilant les anecdotes de son cours, une chute spectaculaire, un panier monumental ou encore les mimiques du professeur si bien racontés que sa tante riait aux éclats. Pendant ce temps je préparais quelques petites choses à grignoter pour aider à se remettre du sport et des émotions de l'après-midi. Lorsque je revins devant la table du salon, j'y posai un goûter gigantesque. Naraku se jeta dessus comme un mort de faim ce qui ne manqua pas de me faire pouffer. Terumi quand à elle avait retrouvé son grand sourire.
Et elle le garda tout le temps jusqu'à son départ. Il y a encore quelques années il lui arrivait souvent de dormir ici. J'avais habité dans son appart pendant un temps et elle m'avait aidé à me construire une vie stable, elle était ici chez elle. Mais aujourd'hui elle s'en retourna directement dans son foyer non sans me mettre en garde à nouveau.
- S'il te plaît ne lui fais pas confiance trop vite. Il a changé Eijiro, beaucoup changé.
Je détournai les yeux.
- J'ai du mal à y croire quand je le vois. Évidemment qu'il a du changer un peu, mais j'ai l'impression de retrouver tellement de choses en lui.
Son regard se fit triste à nouveau, elle posa une main sur mon bras comme pour me réconforter.
- Il cherche peut-être juste à se racheter une conscience, d'une autre manière qu'avec moi mais le résultat est le même ...
Je la laissai faire, pesant ses mots. Si c'était le cas... Si c'était ça il était possible que je ne m'en remette pas. J'avais déjà tellement essayé, je l'avais déjà tant attendu, mais...
- Ça me paraît impossible que ce soit ça.
Ses doigts serrèrent mon bras un peu plus fort et elle se rapprocha légèrement. Ses yeux exprimaient encore ce sentiment de pitié humiliant, cette façon de regarder un enfant qui ne comprend pas que la vie n'est pas si simple.
- S'il te plaît fais attention. Il t'a déjà fait du mal et tu lui as toujours trouvé un millier d'excuses. Je ne veux pas qu'il t'en fasse encore. Tu ne le mérites pas.
Un petit sourire vint timidement s'étaler sur ses lèvres et elle s'éloigna pour sortir non sans avoir pressé une dernière fois mon bras comme pour dire au revoir. Je regardai la porte se fermer d'un air sombre avant de me retourner pour tomber nez à nez avec mon fils. Il parût aussi surpris que moi.
- Tu écoutes aux portes toi maintenant ?
- Je cherchais mon portable.
Il brandit le petit bijou de technologie comme preuve ultime de sa bonne foi. Son air très sûr de lui me fit sourire.
- Bon si monsieur l'agent du QGB a fini de manger il peut ranger la table du salon !
Son long soupir me tira un rire.
- Et dans la joie et la bonne humeur jeune homme.
- T'as mangé aussi, tu veux pas m'aider ?
Son air suppliant eut raison de moi, je levai les yeux au ciel et rassemblai les paquets de gâteaux pour les amener à la cuisine. Ce monstre savait comment me faire céder... Malgré moi je ne pus m'empêcher de ressasser l'après-midi tout en vérifiant que tout était bien en ordre.
- Tu turbines, tu ne crois pas Terumi ?
Son ton me sembla plein de reproches, comme s'il trouvait honteux que je mette en doute les paroles de sa tante. Il l'adorait et évidemment, entre elle et son père, il devait être difficile pour lui de ne pas prendre parti.
- Disons que j'aimerais avoir le ressenti de Katsuki.
La mention de son nom le fit immédiatement se braquer, j'avais beau espérer qu'il finisse par laisser une chance au blond de se faire pardonner, je me faisais peut-être des illusions.
- Parce que le ressenti d'un presque-inconnu qui nous a laissé tomber vaut autant que celui d'une femme que tu as côtoyé quasi-quotidiennement pendant quinze ans ?
Je me tournai vers lui et plongeai mon regard dans le sien. J'en avais assez de me battre, cette lutte perpétuelle pour sortir de cette situation me lassait. Mais encore une fois je fis front.
- Il ne nous a pas laissé tomber. Je lui ai permis de faire un choix quand le reste du monde voulait le lui imposer. Et maintenant il est là pour tenir ses promesses et se faire pardonner.
Un peu tard certes mais mieux valait tard que jamais. Mon fils ne se laissa pas convaincre et ses yeux se firent encore plus durs.
- C'est des belles paroles.
Un sourire fatigué s'étira sur mon visage et je secouai la tête, j'avais beau essayer c'était peine perdue.
- Si tu veux... Et concernant Terumi, j'ai toujours estimé qu'il faut être deux pour se disputer. C'est pour ça que je n'accuserai Katsuki de rien avant d'avoir eu sa version des faits.
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