XXII
Pdv Eijiro :
Cela avait quelque chose de dantesque et de fascinant : deux paires d'yeux rouges brasiers qui se rencontrent.
Ils se fixaient depuis seulement quelques secondes mais le temps semblait s'écouler au ralenti. Et moi j'étais spectateur de cet instant, frappé par la ressemblance. J'avais vu Naraku grandir, et depuis quelques années j'avais l'impression de retrouver une partie de Katsuki en lui. Mais les voir ensemble me fit l'effet d'un électrochoc, il était impossible de douter de leur lien.
Naraku regarda son "père" en chien de faïence et n'en détourna les yeux que pour me fixer d'un air interdit lorsque je proposai au blond de rester. Cet homme qui avait toujours brillé par son absence avait souvent été l'objet de disputes entre nous. Surtout depuis que Naraku était entré au collège et avait trop grandi pour que je puisse encore l'appeler "mon petit bout d'chou". À quatorze ans il m'avait fait comprendre qu'il ne voulait plus jamais en entendre parler, qu'il n'aurait jamais qu'un père et qu'il préférait largement cette situation. À ce moment là j'avais abandonné et finit par lui donner raison, il valait mieux arrêter d'attendre.
Mais il y a une semaine, on m'avait mis sur un nouveau dossier, et on m'avait présenté mon premier et sûrement seul vrai amour comme un inconnu avec qui j'allais devoir faire connaissance et travailler. Une fois la surprise passée je m'étais rendu compte que non, je n'en avais pas fini avec Katsuki Bakugou. J'avais construit ma vie autour de lui, de ce qu'il me restait de lui surtout : notre fils, sa famille, mes souvenirs. Je lui avais laissé une place tellement grande qu'elle empiétait sur tout le reste. Alors puisque le sort jouait en ma faveur je refusais de laisser passer cette chance.
Et maintenant nous en étions là. Je savais qu'il accepterait de venir si je le poussais un peu. Je savais que Naraku mangeait à la maison et à quelle heure il viendrait. Ça sonnait un peu manipulateur dit comme ça mais je voulais le revoir, je voulais qu'ils se rencontrent et surtout j'avais besoin que le blond se préoccupe un peu plus de tout ce que j'avais pu ressentir. Aussi lorsqu'il accepta de rester, je soupirai de soulagement. Il voulait bien jouer le jeu.
Je me détournai non sans constater que mon enfant serrait les poings de colère. Connaissant le bonhomme, le tsunami déferlerait avant qu'on ait posé le plat sur la table. J'avais donc très peu de temps pour essayer d'engager une conversation qui permettrait aux deux autres de se parler sans que leurs cris ne fassent vibrer les murs. Autant dire que c'était mission impossible.
- Il y a quelque chose qui te tente Naraku ?
- Non.
Ok, j'avais beau adorer mon fils là il était casse-pieds. Et peut-être qu'il fallait revoir mes prédictions concernant sa déferlante...
- Bon bah steak haché-ratatouille alors. Katsuki, viens m'aider.
Le blond jusqu'alors resté immobile dans mon salon sembla sortir de sa torpeur, rendant déjà ce moment un peu moins bizarre et gênant. Lui demander de m'aider à préparer un repas qui ne prenait pas plus de quinze minutes à faire n'avait aucun sens. Je voulais juste éviter de le laisser bras ballants et puis ça permettait de donner un peu d'espace à mon garçon pour qu'il mouline. Mais évidemment il décida de ne pas aller dans mon sens.
- T'es sérieux là ? Tu vas le mettre aux fourneaux comme si c'était normal ? Comme si c'était pas le connard qui n'a pas eu les couilles de rester et qui s'est barré ? T'as pas l'impression qu'un truc cloche ?
L'orage avait de l'avance et les steaks allaient devoir attendre. Katsuki détourna à peine le regard quand il fut traité de salaud doublé d'un lâche. Je ne sus dire si c'était parce qu'il s'y attendait ou parce qu'il n'en avait rien à faire et cela me pinça le coeur. Mais ce n'était pas le plus important pour l'instant.
- Primo tu surveilles ton langage. Ensuite j'ai des choses à lui dire. Non en fait on a beaucoup, beaucoup de choses à mettre au clair tout les trois. Et je préfère commencer tout ça assis à table plutôt que debout planté au milieu de mon salon !
La réaction ne se fit pas attendre, la même depuis facilement un an dès que le sujet arrivait sur la table. Un regard énervé, les mains dans les poches et...
- Parle pour toi, moi j'ai rien à lui dire. Absolument rien. Maintenant soit "Monsieur" s'en va soit je mange dans ma chambre.
Katsuki secoua la tête pour toute réponse en soufflant et se détourna pour récupérer la veste qu'il avait laissé sur un fauteuil. La situation tournait au vinaigre et, dit simplement, je devais choisir entre laisser Naraku se morfondre dans sa chambre ou regarder l'homme que je m'étais tué à faire venir ici capituler en deux secondes et partir sans un mot. J'eus un soupir désespéré, je n'y arriverai jamais...
- Je ne vais pas m'en aller. Enfin, pas là maintenant tout de suite.
Je me figeai de stupeur. La veste que le blond venait de prendre se retrouva soigneusement posée à côté de sa mallette et de son manteau. Il ne fit que deux pas vers nous comme s'il avait peur qu'un phénomène étrange se produise s'il se rapprochait trop du jeune homme face à lui.
- Je viens de promettre à ton père que je ferai tout pour renouer contact avec vous. Et je tiendrai parole parce que je lui doit beaucoup, parce que j'en ai envie et que s'il pense que c'est ce qui est bon pour lui et toi, alors je le crois.
Il se rapprocha de moi toujours avec cette distance et cette pudeur qu'il laissait entre son fils et lui et vint s'appuyer contre le plan de travail de la cuisine. Naraku le suivit des yeux sans mot dire, et à nouveau je fus témoin d'une bataille vermeille entre quatre iris qu'on pourrait confondre.
- Et si ça implique de couper des légumes et d'endurer toute ta colère aussi longtemps qu'il le faudra, ça ne me pose aucun problème.
Je demeurai médusé à côté de lui. J'avais passé tout mon temps à le voir se dérober et fuir, alors l'entendre prendre mon parti et prêter serment me remua un peu. Suffisamment pour que lorsque mes yeux croisèrent ceux de mon enfant, il puisse y lire mon trouble et se calmer quelque peu. Malgré tout, cela ne l'empêcha de rester fermé comme une huître, buté comme il l'était.
- Tu te donnes juste bonne conscience. Ne compte pas sur moi pour t'y aider.
Il n'ajouta rien d'autre et disparut dans le couloir, ses pas raisonnèrent contre le parquet. Les épaules du blond à mes côtés s'affaissèrent, toute la tension qui s'était accumulée depuis ce matin retomba en flèche. J'avais les jambes en coton et je ne m'étais pas rendu compte d'avoir été aussi crispé. Même si ce n'était pas le meilleur des dénouements possibles pour cette conversation, j'étais plutôt soulagé.
- Bon je doutais un peu de ta bonne foi mais là j'avoue c'était pas mal...
Il souffla avant d'esquisser un minuscule sourire qui ressembla presque à une grimace.
- Merci. Par contre y a un truc sur lequel j'ai un peu menti...
Je me retournai brusquement vers lui et me préparait vraiment à lui mettre une gifle s'il m'annonçait qu'il avait affabulé pour calmer Naraku.
- Je suis nul pour couper les légumes... Donc le faire tous les jours pendant longtemps ça me tente pas trop.
J'eus un rire plus dû au soulagement qu'à sa tentative d'humour ratée. Respirer devint un peu plus simple, comme si une boule que j'avais dans la gorge était en train de s'effriter et laissait filtrer l'air.
- Tu ne cuisines pas ?
- Rarement, ça fait assez longtemps que j'ai quelqu'un pour s'en occuper à ma place.
- D'accord, Monsieur mène la belle vie avec ses domestiques maintenant.
- Pas exactement mais si ça te fais plaisir de le croire je veux bien l'affirmer.
J'eus un léger sourire, un peu timide. Le genre de tout petit rictus qui rappelle qu'il est encore trop tôt pour croire que nous pourrions de nouveau bien nous entendre. Mais c'était déjà ça.
- Tu peux t'occuper des steaks.
Je n'osai pas rajouter le "Mosieur l'Aristo" qui me vint en tête et me détournai vers le frigidaire pour en sortir le nécessaire pour un repas pour deux plus un dans sa chambre. J'avais appris à doubler les proportions de pas mal d'aliments parce que depuis son entrée au lycée Naraku faisait une poussée de croissance et mangeait comme quatre. Katsuki sembla s'étonner du nombre de steaks mais ne fit pas de commentaires. Il alluma les plaques et le silence se fit. Pendant un long moment je sentis le tout petit lien que nous venions de créer se tendre entre nous, puis s'affiner au point de laisser la gêne de tout à l'heure se réinstaller. Je me raclai la gorge pour empêcher cette frêle entente de se briser.
- Hum, et donc... d'où t'es venue l'idée de mentir sur ta classe ?
Il me jeta un coup d'oeil anxieux et je sentis ce petit fil entre nous craquer et lâcher prise. Je baissai la tête vers mes légumes, j'aurais essayé.
- J'ai raté ma première année de prépa, j'étais troisième de ma promo et ma classe a joué pour beaucoup. L'année suivante un professeur est venu vers moi dès la rentrée. Il s'appelait Mr. Stain et il m'a dit que malgré un dossier parfait je n'aurais jamais aucun espoir de mener la vie que je souhaitais. Mais c'était un homme qui exécrait ce système et... je sais pas, il a du voir un truc en moi car il m'a proposé de tricher. Il m'a mis en contact avec des médecins, des employés du ministère de l'éducation, il m'a fait faire de faux papiers, il a même forcé le directeur à fermer les yeux. En moins d'un mois j'étais un bêta pour tout le monde. En échange il m'a fait promettre d'être le meilleur à chaque trimestre, et en école aussi, ce que j'ai fait.
Assez égoïstement j'avais pensé qu'il avait changé de classe parce qu'il n'assumait pas tout ce que nous avions vécu ensemble, ou juste parce qu'il ne voulais plus lutter en temps qu'omega. Comprendre qu'encore une fois, il avait agis parce que c'était la seule solution me retira un poids. C'était injuste, mais pour moi c'était un soulagement, il n'avait jamais voulu effacer sa vie d'avant.
- T'es encore en contact avec lui ?
- Il a suivi tout mon parcours jusqu'à mon entrée dans le monde du travail et cette année je lui ai fait part de ma promotion. Je le soupçonne d'avoir aussi menti sur sa classe, parce qu'il savait trop bien tout ce que je devais faire. C'est lui qui m'a conseillé de quitter le pays ou de séparer le plus possible mon travail du reste par exemple. Mais il ne me l'a jamais avoué.
Il eut un petit ricanement qui me sembla plus amer qu'autre chose.
- Quand j'ai dit que j'étais de retour ici il a simplement envoyé un message avec marqué "l'étau se resserre". C'était un drôle de type quand j'y pense.
- Donc si t'en es là c'est grâce à lui ?
- Oui et même si je lui en serai éternellement reconnaissant, ça fait bizarre de ne plus être fier de moi ou de ma classe.
Il retourna la viande d'un mouvement rapide bien qu'un peu maladroit, me laissant pensif devant son récit. Je ne saurais dire si cette rencontre avec ce professeur avait été une chance pour lui. Il en parlait à la fois comme une opportunité et une chose qu'il avait en quelque sorte subit. Le silence s'installa et avec lui une distance qui me sembla immense, même si dans les faits nous n'étions pas séparés par plus d'un pauvre mètre.
- Et toi ? J'ai toujours pensé que tu rentrerais chez Hanka pour reprendre la boîte plus tard.
Ce fut à mon tour de laisser échapper un petit rire ironique.
- Quand j'ai arrêté mes études je n'étais pas vraiment en bons termes avec mes mères.
Comment oublier le nombre incalculable de fois où nous nous étions pris la tête. J'avais fini par vivre chez Terumi pour mes deux dernières années d'études parce que nous ne pouvions plus nous supporter. Enfin... plus précisément, elles n'avaient jamais accepté Naraku qui n'avait pourtant rien fait et avait désespérément souhaité l'affection de ses deux grands-mères. Comment expliquer à un enfant de quatre ans qu'il n'y était pour rien si des membres de sa famille le regardaient mal ?
- On connaissait déjà le refrain en terminale. "Tu ne devrais pas t'occuper de cet enfant", "Tu nous fais honte". Déjà on a eu de la chance que ce soit un alpha sinon j'ose même pas imaginer ce qu'elles en auraient pensé.
Je me détournai pour mettre la table non sans sentir le regard de Katsuki dans mon dos. Je me retournai mais ne lus sur son visage qu'une pointe de regrets et une forme de compassion. Cela me mit un peu de baume au cœur.
- Enfin je ne suis pas à plaindre non plus. Terumi et tes parents m'ont énormément aidé et Naraku était un ange. Et puis depuis quelques années mes mères essaient de recoller les morceaux. C'est maladroit mais c'est déjà ça.
J'indiquai au blond de s'assoir sans lui laisser le temps de répondre et préparai un plateau pour l'adolescent qui avait trouvé refuge dans sa tanière. En poussant la porte de sa chambre, je découvris mon fils penché sur sa table, équerre en main. Je ne prêtai pas attention aux vêtements qui trainaient au sol ni aux cours mal rangés, ce n'était pas le moment.
- Tu bosses ?
- Pas vraiment...
Il ne leva même pas les yeux et se contenta de tracer un trait de plus sur une feuille où une charpente se dessinait très clairement. Une pointe de fierté me comprima la poitrine. Il était mordu d'architecture depuis la cinquième et j'adorais ce qu'il faisait. Terumi me répétait souvent que je n'étais pas objectif mais elle aussi le trouvait impressionnant.
Je déposai le plateau un peu plus loin, il abandonna sa feuille et lorgna la viande avec un air avide qui me tira un sourire. Il piqua dans l'assiette et son air morose réapparu bien vite.
- Il reste longtemps ?
- Pour l'après-midi, on travaille ensemble donc on va s'installer ici. C'était juste pour aujourd'hui, la prochaine fois on restera dans les locaux.
Il me répondit par un grognement énervé qui me fit immédiatement ajouter :
- On en reparle ce soir ?
Il hésita un instant. Naraku n'était pas du genre ado en pleine rébellion et la plupart du temps il était plutôt facile à vivre. Mitsuki Bakugou le trouvait même "trop sage" ce qui me faisait toujours sourire en imaginant que Terumi et Katsuki avaient dû être des enfants terribles. Malgré tout il était impossible de nier qu'il avait du caractère et, têtu comme il l'était, je n'avais qu'une peur : celle qu'il décide de s'enfermer dans le silence. C'était une réaction que je ne connaissais que trop bien.
- D'accord...
Mon sourire s'élargit et je passai une main dans ses cheveux avant de quitter la pièce, soulagé.
- Merci c'est top, bon appétit !
- Bon ap' !
De retour dans la salle à manger j'avais le coeur plus léger. Cela n'empêcha pas le retour de l'ambiance un peu pesante de tout à l'heure, mais c'était déjà un peu plus supportable. Nous passâmes le début du repas à nous dévisager sans savoir qui devait poser ses questions en premier. C'était terrible d'avoir autant de choses à se dire et d'être dans l'incapacité de trouver un ordre, un ton, une manière de faire... C'est Katsuki qui réussit le premier à donner une forme au mélange d'interrogations qui nous embrumait l'esprit.
- Et du coup Naraku est à Yuei ?
J'eus un sourire consterné. Comment pouvait-il encore jurer par cet établissement qui nous avait fait voir toute la cruauté et la stupidité dont l'homme était capable ?
- Tu sais c'est pas le seul lycée de la ville.
- Oui mais il est très bon, et comme c'est un alpha...
- Un alpha né d'un oméga et élevé par un père célibataire, c'est pas très bien vu et ça faisait pas mal jaser... J'ai voulu lui éviter ce genre d'ennuis. Il est à Shiketsu, c'est un bon lycée public et il y est bien.
Il sembla s'en étonner, forcément pour un homme qui avait passé sa vie à viser le meilleur mon choix pouvait paraître étonnant. Un instant je me pris à imaginer à quoi aurait pu ressembler l'éducation de Naraku avec le blond à mes côtés. Peut-être qu'il l'aurait plus poussé que moi ? Je me tirai de mes pensées, ça ne servait à rien de divaguer là-dessus. Katsuki n'avait pas été là, c'était tout ce qu'il y avait à dire.
La suite du repas ainsi que l'après-midi furent entièrement tournés vers le travail. Lorsque Naraku sortit de sa chambre pour ranger son plateau et partir nous étions déjà en pleine négociation du budget de la première année. C'était déroutant de voir la vitesse à laquelle la conversation était devenue fluide. Dès qu'il s'agissait de calculs compliqués et de pièces de moteur, Katsuki devenait d'un coup plus facile à aborder. C'était à se demander s'il avait eu des amis aux États-Unis où s'il s'était contenté de parler aérodynamique avec ses collègues pendant des années. Malgré tout, je ne me plaignais pas de ce changement d'ambiance, discuter à travers le prisme du travail rendait tout plus simple et un bon rythme s'installa au point qu'il n'y eut plus grand chose à modifier sur ce dossier une fois dix-sept heure passée.
L'atmosphère joyeuse retomba d'un coup lorsque le blond reprit sa veste et son manteau. La parenthèse était fermée et de nouveau il y avait ce trop plein d'années entre nous qui sembla m'étouffer et me couper la parole. Katsuki passa une main derrière sa nuque et se racla la gorge.
- Bon eh bien... De toute manière on se reverra dans la semaine lorsque j'aurai les premiers plans.
- Oui mais... et pour tout ce qui n'est pas du travail ?
- Le bonhomme a l'air d'avoir un sacré caractère. Je ne l'en blâme pas au contraire, mais à moins que tu ne lui fasse changer d'avis entre temps ça va être compliqué.
- Je ne parlais pas seulement de Naraku, il y a moi aussi.
L'homme en face de moi me dévisagea un instant et je me rendis vite compte du double sens. C'était aussi un sujet qu'il faudrait aborder un jour. Le fait que Naraku était tout sauf notre seul lien, qu'il y ait des choses tout aussi fortes que nous ne pourrions jamais oublier. Ça m'avait sauté à la figure quand je l'avais revu, j'avais beau m'être préparé, je ne m'attendais pas à découvrir qu'il n'avait quasiment pas changé. Ses traits s'étaient un peu affirmés, ses yeux se faisaient encore plus durs qu'avant, mais c'était les mêmes pommettes, les mêmes cheveux éternellement en bataille, et cette bouche. C'était impossible d'enterrer tout ce que j'avais pu ressentir pour lui, et ça aussi il faudrait en parler. Mais pas maintenant. Aussi je me pressai d'ajouter :
- Et Terumi, et la bande, ta famille aussi ! Quand je parlais de renouer des liens je pensais à tout le monde. Si Naraku refuse d'entendre parler de toi pour l'instant, ce n'est pas le cas des autres.
Ses épaules se détendirent un peu et sa main quitta sa nuque.
- On a qu'à dire que je passerai une partie du week-end avec vous. Que ce soit toi, Terumi, mes parents ou les autres. Tous les samedis après-midi par exemple ?
J'esquissai un léger sourire pour dissiper ma gêne. Ce n'était pas une mauvaise idée.
- Ça me paraît pas mal. J'avais prévu de voir les deux compères ce week-end. Tu n'auras qu'à te joindre à nous !
- Et peut-être que Shoto pourra venir aussi ?
- Il faudra voir s'il est en ville, tu sais avec son job il est quasiment injoignable.
- On essaiera !
Le voir prêt à rassembler la fine équipe au grand complet me fit plaisir. Ça sonnait comme un nouveau départ qui me réchauffa le cœur. C'est sur cette note légère que se termina cette journée chaotique et Katsuki repartit vers les bureaux pour y récupérer sa voiture et déposer le dossier. Cependant il me restait encore une chose à faire avant de souffler.
J'attendis donc le soir et le moment où Naraku serait prêt. Il s'installa de lui-même en face de moi sur le canapé, assis en tailleurs, un coussin entre les jambes et les mains sur les chevilles. Il avait la mine grave mais il était là, ça me fit du bien de voir qu'il ne voulait pas éviter le sujet. Ce fut d'ailleurs lui qui parla le premier :
- Ça s'est bien passé ?
J'hochai la tête et me tournai vers lui en m'asseyant plus confortablement, un coude contre le dossier.
- Pas trop mal, je m'attendais à pire. Même si pour l'après-midi c'était surtout du travail.
- Il va revenir souvent ?
L'air méfiant de mon enfant me comprima la poitrine. J'aurais aimé qu'il ait moins de rancœur, mais comment lui en vouloir ?
- Oui on a décidé qu'il valait mieux tenter de reconstruire quelque chose. Mais tu n'es pas obligé d'être là quand il sera là, j'ai pas envie de te forcer à quoi que ce soit.
Ce fut à son tour d'hocher la tête d'un air pensif, il esquissa un léger sourire qui me fit comprendre que de toute façon il ne m'aurait pas laissé l'obliger à voir Katsuki.
- Mais bon dans l'absolu j'aimerais bien que tu y réfléchisses à deux fois et que tu acceptes de lui reparler au moins un peu.
Son sourire s'élargit et il leva les yeux au ciel. Ça, ça voulait dire : "Ben voyons ! N'y compte pas trop mon cher Papa". Je m'apprêtais à sourire aussi de ses mimiques quand son air devint plus grave.
- Tu te rends compte de tout ce qu'il y gagne ? Il va revenir et faire comme si de rien était, comme s'il n'avait abandonné personne et que tout allait bien. Alors qu'il a dû bien s'éclater aux U.S à en croire la marque de sa veste...
C'était un peu plus compliqué que ça... Je ne fis pas de commentaire sur comment et quand il avait pu s'attarder sur la marque ou le prix de la veste de costume de Katsuki.
- Moi j'y gagne quoi ?
Je réfléchis un instant, je n'avais jamais rien caché à Naraku. Il savait comment tout avait commencé, comment ça s'était fini, ce que j'avais ressenti et vécu. Et malgré tout il restait des parts d'ombres.
- Des réponses, il y a des choses qu'il pourra t'expliquer mieux que moi. Et puis tu y gagnes un choix : celui de connaître la personne qui t'a donné la vie ou non, de lui pardonner ou non. Tu pourras choisir en connaissance de cause, avec tous les éléments en main.
Il sembla y réfléchir un instant avant de se rembrunir. Le connaissant il n'y avait pas pensé et maintenant il oscillait entre son sévère esprit de contradiction et la valeur qu'il donnait à mon argument. Il finit par secouer vaguement la tête et ajouter :
- Et toi tu y gagnes quoi ? Tu le connais déjà, tu n'as rien à découvrir de lui.
Je ne répondis pas vraiment à cette question, me contentant d'un haussement d'épaules et d'un "plein de choses aussi" assez vague. Je peinais à me l'avouer, alors tout dire me paraissait inconcevable. La vérité c'était que je n'avais rien à découvrir et tout à retrouver. La vérité c'était que je ne m'étais jamais séparé de Katsuki Bakugou, et que tout ce que j'espérais c'était entendre à nouveau les "je t'aime" d'avant, et peut-être d'autres encore.
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