XVI
Pvd Katsuki :
Mes doigts tapaient contre le bord de la table, le cours finissaient dans quatre minutes. J'avais beau tout faire pour me concentrer je n'y arrivais pas, depuis des semaines, mon esprit n'était empli que d'une pensée. Ce jour tournait en boucle encore et encore dans mon crâne et c'était une torture. Quand je me couchais je sentais le moment où je tombais des draps. Le matin quand le soleil perçait les rideaux je revoyais nos ombres sur le tapis, et surtout la mienne à quatre pattes comme un chien.
Mes doigts cessèrent de maltraiter le rebord de mon bureau et mon stylo écrivit les derniers mots du professeur. La sonnerie hurla comme une bête de proie et les élèves se levèrent. Kyouka et Denki passèrent devant moi et me saluèrent d'un "bonjour" timide, je ne leur avais pas adressé un mot depuis la rentrée de janvier mais ils ne se décourageaient pas. J'aurais pu pourtant. Cela aurait été si simple : "Hey comment ça va ?" Ou "On mange ensemble ce midi ?". Seulement j'avais trop honte, et je ne pouvais même plus les regarder dans les yeux. Ils ralentirent un instant comme pour m'attendre avant de disparaître hors de la salle. Je les suivis du regard et tombai alors sur la personne que j'avais le moins envie de voir. Eijiro se tournai vers moi, les yeux pleins d'espoirs.
Quand je me couchais, je sentais les draps et ma chute. Quand je me levais, je voyais les ombres de nos corps partout. Et le reste de la journée je le croisais lui, j'entendais ses cris dégoûtants et les miens qui y répondaient, je revivais comme un déchirement notre erreur la plus terrible et la plus imprévue, la cause de tous mes malheurs. Mais pire encore que ce moment, les minutes qui l'avaient suivies me revenaient à l'esprit. Ses mots derrière la porte de la salle de bain où je m'étais enfermé quand tout fut terminé, ses suppliques auxquelles je n'avais jamais répondu par honte de ce qui était arrivé, par rage. Car comment ne pas avoir honte d'un bête dérèglement hormonal que j'aurais pu prévoir ? Que j'aurais dû prévoir ?
Après tout ça arrivait à certains omégas : une entrée en chaleurs due à l'émotion et la réaction de la première fois avec un alpha. Quelque chose de tellement, tellement connu, et moi je n'avais rien vu venir. J'étais vraiment le type le plus con de toute l'histoire.
Et regarder le jeune homme que j'avais entraîné dans cette immonde connerie me tuait. J'avais tout perdu en voulant aller trop vite, ma première fois, sa confiance, et le bonheur qu'on avait tout les deux. Aussi lorsqu'il se rapprocha de ma table pour me parler, je fis semblant d'être trop occupé à ranger.
- Katsuki ?
Je fis comme si je n'avais rien entendu, muré dans le silence comme depuis près d'un mois et ressassant encore et encore chaque moment de cette matinée horrible. Rien que d'y penser mes dents se serraient de colère contre moi-même, et même si c'était irrationnel, contre lui. J'aurais tant voulu qu'il se retienne, qu'il s'éloigne de moi, qu'il ne me fasse pas ce qu'il m'avait fait et qui m'avait déchiré les entrailles ce matin là.
- Kats ?
Je grognai pour toute réponse les yeux encore rivés sur mon bureau. Mon petit copain soupira.. Ou mon ancien petit copain ? Je ne savais même plus mais j'évitais de me dire que tout était fini, même si nous avions échangé trois mots en un mois.
- Ça te dirait de venir avec nous ce midi. Je... On aimerait tous que tu sois là.
Je levai enfin les yeux pour les plonger dans les siens. J'avais tellement envie d'accepter et tout ce que je pouvais lire dans ses yeux, la crainte, le remord et, je l'espérais, encore un peu d'amour, me disait qu'il s'en voulait peut-être autant que moi. Et puis, peut-être que cette erreur n'aurait pas de conséquences. J'avais pris une pilule du lendemain et je m'étais fait dépister et je n'avais aucune infections et apparemment lui non plus. Je pouvais peut-être me permettre de culpabiliser un peu moins. Je baissai cependant bien vite le regard avait d'oser le premier pas vers lui depuis un long moment.
- Ok, je te suis.
Le sourire qui illumina son visage me mit un peu de baume au coeur. S'il réagissait comme ça, alors nous pouvions peut-être recommencer, ramasser les lambeaux de cette relation que nous avions tant chéri.
Je le suivais sur la coursive puis dans l'escalier et enfin à l'entrée de la cantine, toute la petite bande nous y attendait déjà et sauta de joie à ma vue. Un léger sourire fendit mon visage, plus que quelques pas et je pourrais peut-être commencer à laisser cette horrible aventure de côté. Le regard du hérisson me servit de confirmation. Je m'avançai vers eux, vingt mètres et tout irait mieux. Vingt pauvres mètres.
Une nausée m'empêcha de faire un pas de plus et me ramena à la réalité brutalement. Une sensation bizarre et une irrépressible envie de vomir me prirent aux tripes. Une sensation dont j'avais déjà entendu parler.
- Kats ? Ça va !?
Les mains d'Eijiro se posèrent sur mes épaules. Je les retirai immédiatement.
- Oui ! Oui, oui. Je vous rejoins !
Je courus immédiatement aux toilettes où je vomis mes tripes. C'était trop bizarre, et ça me faisait vraiment, vraiment peur. Je me penchai sur la porcelaine du lavabo pour pour cracher le liquide acre qui restait dans ma gorge. Ce pourrait-il que ? Une peur panique s'empara de moi et je me précipitai hors du lycée, me ruai dans la première pharmacie en vue et achetai le test. Le pharmacien me regarda d'un œil accusateur l'air de dire "les jeunes ne se protègent plus de nos jours". J'aurais voulu lui coller mon poing dans la gueule mais j'avais trop mal au coeur. Je lâchai mon fric et fit le chemin inverse jusque dans les toilettes.
Mes mains tremblaient tellement que je mis un temps fou à fermer le loquet de la cabine. Avec une précaution plus due à la peur qu'autre chose je fis le test. Puis les secondes s'égrainèrent avec une lenteur infinie. Le néon au plafond clignota quelques temps. Le silence me perça les tympans pendant de longues minutes. Et enfin le petit mot s'afficha. Un mot terrible, un mot qui me tira des larmes de désespoir.
"Positif"
- Non.
"Positif"
- Non, non, non. Non.
Je donnai un coup de poing dans la porte, tellement fort qu'elle vibra contre mes phalanges.
"Positif"
- PUTAIN !
La poubelle vola lorsque je l'envoyai contre le fond de la cabine d'un coup de pied, je m'acharnai sur elle avec une rage plus puissante que tout ce que j'avais jamais ressenti. Mes larmes coulaient à flot et les fracas de la poubelle retentissaient dans toute la pièce. J'aurais voulu que tout autour s'écroule plutôt que ça, tout plutôt que ce que je venais d'apprendre et qui confirmait tout. Tout. La honte, l'erreur, ma culpabilité, cette énorme connerie que nous avions fait. Je me laissai tomber sur les toilettes en enserrant mon ventre.
- Non...
Mes ongles s'enfoncèrent dans ma peau, griffèrent l'épiderme comme si cela pouvait me débarrasser de l'intrus qui s'était invité en moi. Je voulais qu'il crève. Ça n'aurait jamais du arriver, jamais. Tout ce putain de mois aurait pu ressembler à autre chose si j'avais été moins stupide. Et cette foutue pilule de merde qui avait pourtant quatre-vingt-quinze pour cent de chance de fonctionner !! Je lâchai mon ventre strié de petites traces et enfoui ma tête dans mes mains.
- Cinq. Cinq putains de pour cent.
Le cadavre de la poubelle sur laquelle j'avais passé mes nerfs gisait à mes pieds, le néon clignotait encore, quelqu'un derrière la porte se lava les mains. Rien de bien affreux... Mais moi, j'étais au fond du gouffre. Je posai une nouvelle fois les doigts sur la peau de mon ventre, glissant sur le léger relief des griffures que je venais de m'infliger avec une douceur qui contredisait toute la rage que j'avais en moi. Avec un tremolo dans la voix je m'adressai au tout petit être qui avait élu domicile là-dessous.
- Toi, je sais pas qui t'es, mais t'es vraiment un salaud de t'être ramené maintenant.
Mais alors que je m'attendais à un silence recueilli, une voix m'interpella, elle prit d'abord la forme d'un léger rire qui me glaça le sang. Puis elle se mit à parler :
- Il me semblait bien avoir vu un petit oméga faiblard s'enfuir dans les toilettes.
Ses pas raisonnèrent contre le carrelage et s'arrêtèrent devant la porte de ma cabine. Je voyais son ombre.
- Oooh Kacchan ! Quelle merveilleuse nouvelle !
Je serrai les poings devant son petit ton sarcastique, la tête appuyée contre le battant de la cabine. Il toqua trois coups à la porte, je pouvais deviner son sourire exultant même en fermant les yeux de toutes mes forces.
- Bah alors ? Tu n'ouvres pas ? T'as trop honte peut-être.
J'aurais donné ma vie pour tomber sur quelqu'un d'autre que lui, n'importe qui mais pas le nerd. J'étais déjà six pieds sous terre, j'avais besoin de tout sauf de ça. Je tentai de prendre un air menaçant, mais ma voix me sembla d'une faiblesse infinie.
- Dégage le nerd.
Seul son rire me répondit, j'aurais aimé être sourd pour ne pas l'entendre.
- Dégager ? Pas avant de t'avoir félicité en personne, monsieur le futur papa. J'ai tant rêvé du jour où tu serais dans cet état ! À moins que...
L'ombre disparut et je devinai qu'il s'éloignait de la porte comme pour faire demi-tour.
- Tu veux peut-être que je prévienne ton adorable petit ami ? J'en serai ravi !
Non ! Si en plus Eijiro devait l'apprendre de sa bouche je n'y survivrais sûrement pas. Je me ruai hors de la cabine et le plaquai contre le mur, le lavabo lui rentra dans le bassin et son cri de douleur me fit un bien fou.
- Tais-toi ! Ferme ta putain de gueule je t'interdis de lui adresser la parole !
- Pourquoi ? Il serait certainement aux anges ! Quoique non en fait il est plus probable qu'il te plaque et te laisse te demmerder. Après tout t'avais qu'à te contrôler.
- Ferme-la ! Tu ne lui diras rien. Rien !
- Oh tu comptes garder ça secret ? Je te comprends, si j'étais toi je serais allé me pendre. Un oméga en cloque à ton âge c'est pas joli à voir...
Je tentai tant bien que mal de garder son col enserré entre mes poings, mais déjà je faiblissais. Mes mains tremblaient tellement de honte et de fureur que toute force me quittait sans que je puisse rien faire. Les muscles endoloris et avec une forte envie de pleurer je le laissai regagner le sol dont je l'avais arraché.
- Alors tu vas faire quoi ? Te clouer au foyer pour faire vivre ce môme seul ou avorter et avoir la phrase "a déjà interrompu volontairement une grossesse" inscrite en rouge sur ton CV ? Parce que c'est ce qui arrive aux petites putes comme toi qui ne font pas attention, ça la fout mal, hein, Kacchan ?
- Arrête...
Sa voix se fit plus dure et son regard jusque là narquois se remplit d'une haine profonde qu'il cachait d'habitude derrière de grands sourires et des remarques grivoises.
- Oh non Katsuki Bakugou, crois-moi je ne vais pas arrêter. Tu n'imagines pas comme je jubile là. T'as toujours cru que t'étais au dessus du monde. Maintenant tu sais enfin ce que ça fait que d'être le maillon faible de la génétique. Tu le sens maintenant ? Que tu n'es rien d'autre qu'un putain de ventre sur pattes ? Et devine quoi ? Tu ne seras jamais, jamais rien d'autre. Tu n'aurais pas du tenter d'être autre chose, la chute fait plus mal.
J'avais beau lutter de toutes mes forces pour que ses mots ne m'atteignent pas, ils s'encraient dans mon esprit avec une violence qui me fit tomber à genoux. Et j'avais beau me répéter qu'il mentait, tout confirmait ses dires. Il avait raison, si je ne gardais pas cet enfant ce serait marqué sur tous mes papiers, comme pour tout oméga qui avorte. Et on ne savait que trop bien ce qui arrivait à ceux-là : ils se faisaient acheter par un alpha en manque d'amants ou croupissaient dans des maisons de passe parce qu'ils n'avaient plus d'autres offres d'emploi. Mon avenir que je m'étais tué à tracer volait en éclat sous mes yeux et Deku le foulait au pied pour le plaisir.
Au sol, je retins en vain mes larmes de couler. Les s'écrasèrent sur le carrelage prouvant que j'étais impuissant au point de perdre le peu de fierté qu'il me restait devant ce salaud. Il s'accroupit auprès de moi.
- Tu veux savoir le plus drôle Kacchan ? C'est que tu vas te sentir extrêmement seul. Eijiro va te lâcher comme une merde. Tu vas voir le dégoût de tes parents se peindre dans leur regard, eux qui avaient mis tant d'espoirs en toi. Tu vas te sentir sale, sale au point de vouloir en crever. Je le sais. C'est ce que tu m'as fait vivre.
Je ne trouvai même plus la force de répondre ou de l'insulter. Ça ne me ressemblait pourtant pas ! Je devais réagir ! Mais rien, je n'étais pas Katsuki Bakugou, le gars de Yuei qui envoyait chier le monde. Je n'étais personne. J'étais un oméga en cloque. Il se releva avec un sourire satisfait qui acheva de me briser le cœur.
- Ne t'en fais pas. Quand tu seras au fond du trou je viendrai te dépanner avec l'argent de mon job étudiant. Tu vas devoir devenir bien plus gentil avec moi si tu vois ce que je veux dire.
Je poussai un dernier cri de résistance à défaut d'avoir la force de le frapper pour les horreurs qu'il me balançait à la gueule. Et ce cri sembla être entendu car un jeune homme déboula dans la petite pièce et vint repousser avec force le garçon aux tâches de rousseur.
- NE L'APPROCHE PAS !
Immédiatement Eijiro fut à mes côtés pendant que Deku se remettait sur ses pieds non sans un gémissement. Son bras s'enroula autour de mes épaules et me dire que dans quelques minutes il serait dégoûté de moi me donna envie de le repousser d'entrée de jeu.
- Kats ça va ? Je t'ai cherché partout ! Tu ne revenais pas et je m'inquiétais. Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
- Oh moi je lui ai rien fait, par contre je pense que vous avez plein de choses à vous dire !
- DÉGAGE !
- D'accord, d'accord ! C'est pas contre moi que tu devrais t'énerver.
Je ne prêtai plus attention à la scène. Même lorsque Deku partit au terme d'un énième hurlement du jeune homme à mes côtés. J'avais de nouveau envie de vomir.
- T'es pâle comme la mort. Kats dis quelque chose je t'en supplie.
- Le test de grossesse est positif. Et ça fait presque un mois comme tu peux t'en douter.
Ses yeux s'écarquillèrent et je m'attendis à une colère qui ne vint pas. À la place, ses bras m'étreignirent avec force et ses larmes roulèrent dans mon cou.
- Oh putain Katsuki pardon. C'est de ma faute j'aurais dû faire mieux. Ou t'en parler après mais j'ai pas osé. Je suis trop lâche ! Je m'en veux tellement, tellement...
Je me dégageai d'un geste calme, avec une fragilité qui me fit mal au coeur. Je n'avais jamais été faible, mais là... un rien pourrait m'achever.
- Non c'est moi, j'aurais du penser à ce foutu dérèglement hormonal de merde. Je savais que ça pouvait arriver. Tu n'as pas à t'en vouloir. Je vais gérer.
- Non.
Il posa ses mains sur mes joues pour forcer mon regard fuyant à se figer dans le sien.
- Tu ne vas rien gérer du tout. Pas tout seul. On va en discuter, réfléchir à des solutions ensemble. Je ne t'abandonne pas, compris ? Ça me ferait trop de mal.
Il soupira et effleura tendrement mon nez du sien. Je pouvais sentir son souffle sur mes lèvres, cela faisait si longtemps. Cette pensée me fit plisser les yeux à nouveau pour retenir ce qu'il me restait de larmes.
- Et tu n'es pas responsable. On est pas responsables. On a pas eu de chance, d'accord ? Ya rien de plus à dire là-dessus.
Je savais qu'il n'y croyait pas lui-même, l'un comme l'autre nous culpabilisions, et j'étais à peu près sûr qu'il avait la même boule que moi dans le ventre, à défaut d'avoir un petit locataire en plus.
- Dis-moi un truc, dis-moi que tu veux bien de mon aide.
- Je..
Ma voix se brisa.
- Il y a des endroits où les omégas peuvent se faire avorter en secret. C'est illégal mais...
Son regard s'emplit de terreur, en quelques secondes il devint aussi blanc que je devais l'être.
- Non... Non ! C'est hyper dangereux, des gens sont morts dans ce genre d'endroits ! On va trouver autre chose mais pas ça !
- T'as une autre solution peut-être ?
Moi aussi j'étais mort de trouille mais entre risquer ma vie et la gâcher à coup sûr, le choix était vite fait.
- Pas pour l'instant. Mais on va y réfléchir, et je reste avec toi jusqu'au bout. Je ne te laisse pas seul.
Ses mots, en écho à ce que Deku avait prédit, me firent entrevoir un fin ray de lumière dans cette tempête. Je tapai son épaule sans la moindre force, quelques faibles coups pour éviter de pleurer.
- T'es con. T'es con, t'es con, t'es con. Même à deux on ne va jamais y arriver.
Il me laissa le malmener avant de caler ma tête dans son cou. Son nez s'enfouit dans mes cheveux, une de ses mains vint caresser ma nuque et même avec ma fierté en miette et ma honte, je passai mes bras autour de sa taille. Nous n'allions jamais nous en sortir, nous allions nous pourrir la vie mutuellement. Et alors qu'il pouvait s'éviter ce bordel, il refusait de quitter le navire. Je n'arrivais pas à savoir s'il était vraiment courageux ou juste stupide.
- On est foutus si tu restes avec moi.
- Tant mieux, je préfère qu'on soit foutus à deux. À trois peut-être.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top