V
PDV Eijiro :
Le costume était beaucoup trop bizarre. C'était un genre de version remixée de la tenue du petit chaperon rouge, une longue cape couleur sang surmontée d'un capuchon, un pantalon de toile noir et un haut basique sur lequel reposaient une grande sacoche vide.
Elle était destinée au nombre incroyable de bonbons que moi et Katsuki allions nous ramasser. Enfin, du moins je l'espérais. Le blond avait été extrêmement vague concernant cette fameuse soirée Halloween, il avait parlé de sortir, de déguisement, de sucreries à la clé. Mais il y avait un problème, un doute qui persistait dans un coin de ma tête. Je décidai de le mettre de côté et de profiter du moment, aussi je saisis mon portable pour appeler le cendré.
J'avais envie d'entendre sa voix. J'avais besoin de ce son puissant et presque rauque émanant de ses cordes vocales. C'était devenu ma drogue, mon moyen de sourire et d'arrêter de penser.
Car quand je n'étais pas avec Katsuki, je pensais, et je pensais à lui. Je m'imaginais des façons de me rapprocher de lui, d'être plus important à ses yeux. Et en même temps je pensais à toutes les gaffes débiles que j'avais faites et qui auraient dû lui mettre la puce à l'oreille. Les rougissements permanents dès qu'il me fixait trop longtemps, le besoin parfois étrange de rechercher son contact. Je me rendais bien compte que mon comportement changeait progressivement, mais je n'arrivais pas à faire semblant. Faire semblant de ne pas le trouver magnifique, ignorer le désir qui grandissait en moi chaque fois qu'il souriait.
Bon dieu, je voudrais tellement accaparer ses lèvres qui me tournaient la tête au moindre mot, au moindre soupir.
Mais il ne se rendait compte de rien, il ne voyait rien du tout ou alors il se voilait totalement la face. Lorsque nous étions allés dans un parc d'attraction ensemble, il était tellement tremblant que je lui avais prêté mon pull, aurais-je fait cela avec un simple ami ? J'aimais aider et encore plus mes amis, mais je n'allais pas faire cela juste par camaraderie. Je l'avais fait pour le regarder porter mon pull comme dans les films débiles à l'eau de rose, je l'avais fait pour retrouver son odeur au moment où il me le rendrait. Je l'avais fait parce que j'espérais que ça lui ferait quelque chose de voir que je m'inquiétais pour lui. Mais non. Monsieur Katsuki Bakugou préférait me taxer des crêpes toute la semaine et oublier ma façon d'agir dans des fous rires.
Je savais que cela prenait du temps, et j'acceptais avec joie ce délai imposé dans la création d'une relation. Je pouvais ainsi mieux le connaître, le découvrir et le retrouver encore au son de sa voix magnifique. Mais cela me rongeait comme un manque trop grand.
Si j'étais porté par l'hyperbole, je dirais que j'étais salement amoureux. Mais la vérité était plus complexe, je me sentais porté par un désir, voire un besoin, de sentir proche et de l'entendre. J'en finissais par croire, telle une collégienne en manque d'amour, à l'idée des âmes-sœurs.
Je tentai de me tirer de ma rêverie en pianotant le nom du blond sur le clavier. Après quelques sonneries, mon ami décrocha.
- Eijiro ?
- Ouais je suis prêt t'es où ?
- Devant chez toi. Descend on y va direct.
- Mais où ça ??
Seul le bip indiquant la fin de la conversation me répondît. Je dévalai les marches des escaliers de la grande demeure pour mieux arriver à l'entrée où... Katsuki affublé d'oreilles de chien attendait avec une blonde déguisée en sorcière.
- Mais !? Putain Katsuki c'est quoi ça ?
- Bah c'est mon costume, t'as pas fait beaucoup d'efforts sur le tien par contre.
Je pris le temps de détailler le jeune homme de la tête aux pieds. Mis à part les oreilles, le blond était affublé d'une queue touffue traînant à ses pieds. Un manteau déchiré qui semblait avoir pris la pluie pendait à son bras nu. Il était seulement vêtu en haut d'un marcel blanc qui moulait... qui moulait... qui moulait tout. Tout parfaitement en plus. J'allais saigner du nez et ça allait être gênant. En plus des chaînes pendaient à son cou et à son poignet gauche, je n'avais pas l'esprit pervers mais je ne pus m'empêcher de l'imaginer attaché à un lit, suppliant un quelconque maître, moi de préférence, de venir s'occuper de lui.
- Tu sais que t'es habillé de façon rudement sexy pour ce qu'on va faire ?
La jeune fille à côté de lui émit un petit rire, elle était d'un blond un peu plus sombre et tout aussi belle. Elle portait une tenue de sorcière assez courte et un corset dont le noeud se trouvait à l'avant, laissant apparaître sans trop de discrétion sa généreuse poitrine. Tous deux rivalisaient de provocation. Katsuki croisa les bras sur son torse en souriant.
- Et tu penses qu'on va où ?
- Récolter des bonbons chez des ptits vieux ?
Ce coup-ci ils éclatèrent de rire. J'avais du manquer quelque chose d'important.
- On va pas sortir dehors par ce froid et sous la pluie pour des bombeks !
- Bah tu veux qu'on fasse quoi ?
Le blond se fit un magnifique facepalm sous le fou rire de la jeune femme qui était limite pilée en deux. Elle se calma puis essuya une petite larme au coin de son œil.
- Il est marrant ton pote, je l'aime bien !
- Ouais par contre il est trop innocent, c'est grave là...
- Ça, ça s'arrange frangin !
Donc c'était sa sœur, c'était bon à savoir. Je commençais à ressentir une pointe de jalousie par rapport à la proximité entre eux deux.
- On va en soirée Eijiro. Une soirée Halloween ! Avec des costumes sexys, des bonbons, de la danse, de l'alcool et tout le barda.
- Ah... j'avais pas compris.
- J'ai vu ouais. Ban ! Tu vas pas y aller comme ça parce que sinon tu vas me faire honte. Terumi ! Je te laisse ce cretin et j'attends ici !
- Okay !
La jeune fille me suivi, où plutôt me poussa sur mes indications, dans ma chambre où elle fouilla mon armoire sans ménagement. Elle alla même jusqu'au tiroir des sous-vêtements cette dingue !
- Eh mais tu vas rien trouver là !
- On ne sait jamais ! Et puis ne t'inquiète pas, j'ai un frangin je te rappelle !
- Humpf...
- Bon !
Elle me fis face et me détailla de la tête aux pieds.
- On va garder la cape, ça fait un petit style, mais pour le reste, tout est à refaire !
Elle sortît de mon armoire un jean slim noir tout bête mais dont j'étais assez fier parce qu'il m'allait bien. Elle se retourna pour me laisser l'enfiler et continua de chercher un haut adéquat.
- Au fait.
- Ouais ?
- T'es vraiment un type paradoxal. On dirait l'innocence même mais en même temps tu mâtes Katsuki comme un gros pervers.
Je sentis mon visage rougir jusqu'à la racine des cheveux. Pourquoi fallait-il que je sois aussi peu discret ? Même sa sœur arrivait à le remarquer...
- Ne t'inquiète pas il n'a rien vu.
Je poussai un soupir de soulagement.
- Enfin... il fait semblant de ne rien voir. Il ne faut pas lui en vouloir, les relations et lui ça fait dix mille. Et je crois que tu es trop proche de lui pour qu'il s'imagine te voir devenir autre chose... Enfin je dis pas que t'es dans la friendzone ni rien comme ça, mais t'es la seule personne de ce bahut de merde qu'il considère comme importante. AHAH !! J'ai trouvé !
Ses mots me firent d'effet d'un baume venant s'appliquer contre mon cœur un peu trop malmené. Cette Terumi était vraiment sympathique. J'étais donc très important pour Katsuki ? Avec cette certitude en tête, j'étais prêt à lui donner la vie entière pour se rendre compte de ce que je ressentais.
La blonde s'approcha de moi avec un genre de veston ouvert que j'avais dû ramener de voyage. Elle me le passa pour que je le porte. Ses couleurs rouges et noires et ses fausses pierreries étaient du meilleur effet, j'avais presque l'air d'un homme dragon. Il ne manquait que les ailes et les cornes. Elle fit plusieurs tours autour de moi comme pour constater du rendu. Dans le miroir, je me trouvais un poil trop dévêtu pour un mois de novembre mais assez bien.
- Katsuki a raison, t'as une tête bizarre. Mais qu'est ce que t'es bien foutu ! Tu vas en faire tomber plusieurs ce soir !
Je lui souris en la remerciant, évitant de rappeler que j'allais avoir du mal à faire tomber qui que ce soit avec la bombe atomique qui me servait d'ami. Nous redescendîmes dans l'entrée où le cendré nous attendait, allongé sur une banquette. Mon regard s'attarda sur ses pectoraux mais un toussotement de Terumi m'indiqua que j'étais cramé à mille kilomètres. C'était pratique d'avoir la sœur de son crush comme garde-fou.
Nous montâmes dans Bertrand II qui grinça car il n'aimait pas la pluie et prîmes la direction du centre ville. Katsuki me guida et me fis me garer pas loin d'un quartier un peu mal famé. Et dire que mes parents pensaient que je partais à la chasse aux bonbons... Dans la queue, un léger doute me prît.
- Kats ? C'est pas illégal ce qu'on fait ?
- Si.
- Eeet... eeeeuh t'es sûre qu'on peux du coup ?
Il me regarda avec un air excédé.
- Putain Eijiro, ça fait une semaine que tu risques ma peau dans ta voiture pouet pouet alors que t'as un faux permis. Donc fais moi confiance et laisse faire Terumi, elle connait le videur.
Et en effet quand ce fut notre tour la jeune femme fit une petite tape dans la main du videur pas si grand que ça mais extrêmement trapu.
- Hey ma grande, Passe une bonne soirée !
- Merci Jo ! Bonne soirée.
Ah oui pour qu'il l'appelle "ma grande" ça ne devait pas être sa première fois ici. J'avais eu ce petit stress à l'idée de ne pas rentrer mais il ne nous accorda qu'un petit regard tandis que nous passions. Videur dans la poche ou pas, je me dis qu'avec Katsuki et Terumi, il était impossible de se faire recaler. Le duo était tellement beau qu'ils allaient attirer tout le quartier dans la boîte.
Nous prîmes un petit couloir sombre éclairé par de fausses bougies dans des citrouilles, tout était fait pour donner l'ambiance. Nous entrâmes dans une pièce parcourue de néons orangées où la musique Thriller de Micheal Jackson me perça les oreilles. Monstres et Démons allant d'un fantôme comique à Satan en personne s'abattaient sur une piste de danse trop petite pour toute cette foule. Chacun rivalisait d'artifices et de tenues destinées à chauffer un futur partenaire de danse.
Je me sentis vaguement intimidé par l'atmosphère pesante qui régnait en ces lieux, les soirées n'étaient pas ce qui manquaient surtout à notre âge. Mais les déguisements et la musique psychédélique rendaient la scène irréelle. Katsuki rit à côté de moi, ses joues rosies et son petit sourire de tombeur m'indiquaient qu'il était d'hors et déjà grisé par l'ambiance de la boîte.
- Si tu voyais ta tête ! Allez le Hérisson, décoince toi !!
Il me tira par la main pour m'entraîner jusqu'au bar. Il cria quelque chose que je ne compris pas, il haussa les épaules et paya deux petits verres remplis d'un liquide transparent. Je trempai mes lèvres précautionneusement dedans tandis qu'il vidait son verre d'un trait. Tequila. Le goût envahit ma bouche puis une douce chaleur me brûla la gorge, je grimaçai le plus discrètement possible avant de me tourner vers le blond.
- Tu commences fort !
J'hurlai pour me faire entendre, il me fit un large sourire puis me pris la nuque pour rapprocher ses lèvres. M'intimant de l'écouter.
- Je tiens bien l'alcool !
Une phrase si anodine, presque banale, devenait la pire des provocations lorsque sa bouche si près de mon lobe soufflait ces mots. Lorsque sa respiration chaude se déposait contre mon visage comme la plus ardente des caresses. Lorsque je pouvais sentir son odeur par dessus celle omniprésente de la sueur. Lorsque sa main sur ma nuque se rappela à mon esprit et se pressa avant de disparaître comme si je n'avais fait qu'imaginer son contact.
C'était trop pour moi, je regardai le verre que j'avais à peine touché avant de me rappeler que c'était moi qui conduisais et qu'il m'était impossible de noyer mon désir dans l'alcool. Alors je me contentai de le pousser du doigt en regardant le blond se perdre sur la piste. Sa sœur me rejoignit, une grande brune assez ronde et déguisée en zombie collée à elle et une bouteille à la main.
- LÈVE TOI ET MARCHE !!
- Euh... Danse tu veux dire ?
- T'AS TRÈS BIEN COMPRIS !
Et une d'allumée, une. Je poussai un long soupir avant de quitter ma place et mon verre encore à moitié plein. Je passai à travers cette jungle de corps brûlants, je me déhanchai pour ne pas perdre le rythme et la sensation de fête, pour me sentir moins seul et moins décalé du reste de la pièce. Un jeune homme blond platine vint se coller à moi avec un sourire joueur. Je le pris machinalement par la taille et il s'amusa à passer ses bras autour de mon cou. Son regard emprunt d'envie était à moitié caché par son haut-de forme de chapelier fou. Il y avait dans sa mine moqueuse quelque chose que je voyais souvent chez le blond, ce fameux rictus de défi. Je lui souris et m'aventurai sous son T-shirt, laissant mes doigts effleurer sa silhouette fine, ses reins se cambrant à outrance pour mieux m'attirer à lui. Une fille canon déguisée en vampire passa à côté de moi en me reluquant sans gêne, elle commença à danser à quelques pas de moi, je pouvais tout voir de son déhanché et de ses fesses qu'elle agitait en cadence.
Le garçon comprit vite que je n'étais plus intéressé et s'éloigna. Je m'avançai vers cette fille, je voulais ignorer le cendré à quelques mètres qui plantait les fausses canines de son déguisement dans le cou d'un grand type aux cheveux noirs de jais. Je savais qu'il faisait ce qu'il voulait, que j'étais loin d'être son petit ami ou quoi que ce soit du genre.
Mais je savais aussi que j'avais mal.
Une rage soudaine me prit aux tripes et je me jetai éperdument sur la jeune vampire arborant les mêmes canines que Katsuki. Elle laissa mes mains zigzaguer sur ses cuisses tout en ondulant son corps de rêve contre le mien. Nous bougions en rythme sur Gasoline d'Halsey, l'air pesant ajoutait à la moiteur de l'espace. Je m'emparai de sa bouche en tentant d'ignorer qu'un autre faisait sûrement de même avec celui que j'aimais. Elle répondît à ce baiser violent, emprunt de rage et de jalousie, mais sans doute ne se doutait-elle de rien.
Je ne m'étais pas rendu compte qu'elle avait pris une de mes mains pour la faire glisser contre son ventre plat puis entre ses seins. Le contact me fît frissonner inconsciemment, et je me sentis sale. Je ne voulais pas faire cela, pas comme ça, pas avec elle, pas alors que la personne qui me brulait les tripes était à deux mètres de moi.
Malgré tout je laissai ma main encrée contre sa poitrine, incapable de bouger, me raccrochant au corps de cette déesse aux longues canines comme une bouée de sauvetage. J'avais envie qu'il s'en rende compte, j'avais envie qu'il soit jaloux de cette inconnue, qu'il en crève même, qu'il vienne la frapper ou l'insulter, qu'il me prenne par le bras et qu'il me tire de là. À la place, je le vis disparaître dans la masse humaine.
Je savais que j'allais faire une connerie. Mais je n'allais pas bien et j'étais bien assez sobre pour me rendre compte que la douleur dans ma poitrine n'était pas due à l'alcool. Alors je partis, je lâchai sans remords la jeune vampire pour courir après un genre de loup-garou beaucoup trop beau pour ce monde. Je le découvris dans un couloir censé mener au carré VIP. Et il se faisait sauvagement embrasser par un type immense, très brun et avec des coutures violettes sur tout le corps et sous les yeux. Il avait dû galérer à les faire. Je crûs d'abord que j'avais fait une erreur, que je devais partir, les laisser seuls. Mais lorsque je les vis se séparer et l'autre salaud fondre sur le cou de Katsuki, je remarquai qu'il n'était pas dans un état correct. Ses yeux rougis étaient perdus dans le vague, il se laissait faire mollement, comme s'il ne savait plus vraiment pourquoi il était là, qu'il n'avait même pas à réagir. Je compris que les shots que le blond avait enchainé depuis le début y étaient pour quelque chose.
Je m'avançai vers le type qui déposait un énième suçon contre la clavicule du cendré.
- Excuse-moi ? C'est mon pote que t'es entrain de bouffer. Et il a pas l'air très frais.
Il grogna en me regardant de travers, ses dents étaient toujours imprimées sur la peau claire de l'autre garçon. Je retins mon poing et répétai.
- Il est bourré, c'est pas bon pour lui ce qui se passe. Je suis censé le ramener chez lui.
- Va te faire foutre. Pour une fois que je tombe sur un oméga.
Au moins c'était clair... Katsuki lâcha un petit rire avant de dire bêtement.
- Sinon ! Plan à trois ! Yehaa !
Je soupirai et intimai encore une fois au brun, qui faisait dix bons centimètres de plus que moi, de lâcher le blond. Celui-ci n'en fit rien, au contraire il me fit un large sourire déformé par les coutures plus vraies que nature.
- Tu le veux ? Viens le chercher.
Et sur ses mots il enfoui sa langue dans la bouche de Katsuki sous mes yeux, celui-ci étouffa un gémissement qui m'arracha les entrailles. Mais d'un coup, le loup-garou repoussa le grand jeune homme.
- Stop...
Le soulagement se lisait sur mon visage, et le garçon aux coutures dut s'en rendre compte car au lieu d'obéir au blond, il resserra sa prise et le décolla du sol pour mieux s'emparer de son cou. Il avait glissé une main sous les fesses pour mieux le tenir.
Je vis rouge.
Dans un mouvement brusque, je dégageai Bakugou qui pendait à mon bras en pesant le poids d'un âne mort.
- Il t'a dit d'arrêter connard.
- T'aurais fait pareil à ma place.
- Nan. Katsuki, on rentre.
- Déjà ? Mais j'ai pas eut le temps de goûter les cocktails...
- Espèce d'alcoolique.
Nous partîmes ainsi, laissant le brun seul dans ce couloir. Dehors, Bakugou vomit ses tripes sans la moindre gêne ni retenue. Qu'est-ce que je lui trouvais déjà ?
Il réitéra devant Bertrand et faillit salir la carrosserie. Quand il se fut calmé, je le posai dans le siège à côté du conducteur.
- Jsuis pas bourré.
- C'est ce qu'ils disent tous.
Un message de Terumi m'indiqua qu'elle restait dormir chez quelqu'un et que je n'avais pas à l'attendre. Je pris donc la route de ma maison en prévenant les parents de Katsuki qu'il restait chez moi et que tout « allait bien ».
Mais tout n'allait pas bien. Je n'allais pas bien. Je me vouais une haine profonde de lui avoir peut-être gâché un moment de plaisir, mais je savais aussi que je n'avais jamais autant souffert de toute ma vie qu'en le voyant se faire toucher sans honte par un autre. Un inconnu en plus, un coup d'un soir, je ne pouvais même pas me réfugier dans le « temps qu'il est heureux ».
Nous arrivâmes devant la maison. Je mis Bertrand dans le garage et pris Katsuki dans mes bras, mes doigts me brûlaient là où ce type l'avait peloté devant moi. Mais je n'en fis rien.
Je le déposais sur mon lit et entrepris de lui retirer son manteau et ses chaussures. Il pleuvait toujours des cordes dehors. Il porta sa main devant ses yeux comme pour se protéger de la lumière. Seulement il faisait sombre et j'avais fermé les rideaux du lit à baldaquins.
- Pourquoi t'es venu me chercher ?
- Tu voulais vraiment que ça finisse comme ça ? Que Katsuki Bakugou fasse sa première fois dans les bras d'un inconnu en chien dans un vieux couloir de boîte ?
Il soupira, les rougeurs sur ses joues et son nez lui donnaient un air plus jeune, plus enfantin. Il se tourna vers le bord du lit où j'étais assis et replia ses jambes.
- J'en ai assez.
- Assez de quoi ?
- J'en ai assez d'attendre, de me retenir. De refuser tout contact.
Il eut un petit hoquet que je mis d'abord sur le compte de l'ivresse.
- J'en ai marre de me dire que sous prétexte de vouloir contrôler mon corps, je me prive d'un plaisir qui me tente souvent.
- ...
- J'en ai marre d'être cet omega chiant qui refuse de coucher. J'en ai marre de devoir attendre que la personne ait trois grammes d'alcool dans le sang pour bien vouloir de moi, en se moquant de ma classe.
Il eut un deuxième sursaut, ses larmes coulaient vraiment. Et je compris qu'une partie des révélations venaient de plus loin que du blabla d'un gamin torché. J'en fus à la fois inquiet et attendri.
- J'en ai marre d'être ce connard qui a peur de l'amour. Qui a peur d'avoir mal comme dans les histoires débiles où l'oméga s'en prend plein la gueule.
Il pleurait doucement sur mes draps. C'était donc ce qu'il ressentait vraiment ? Katsuki Bakugou ne cessait de m'étonner, il me semblait que je ne pourrais jamais le connaître tout à fait. Que je ne voyais de lui que la face visible, le côté râleur et sûr de lui. La réalité était toute autre, le blond était rongé par la peur d'être faible celle de souffrir sans rien pouvoir faire. Je le pris dans mes bras en m'installant au centre du lit. Il essaya de se dégager un instant, sûrement dans un sursaut de fierté, mais il finit par laisser reposer sa tête contre mon torse en m'entourant de ses bras.
- J'en ai marre de me sentir seul sauf quand je suis avec toi...
Mon cœur fit un bond sans que je ne puisse rien contrôler. Mes bras se resserrèrent autour de ses épaules. Comment pouvait-il dire cela comme si de rien était ?
- Mais j'en ai marre d'être faible quand je suis avec toi.
- T'as le droit d'être faible quand t'es avec moi.
- Mais je suis jamais sûr de ça... j'ai peur tu sais.
- Nan je sais pas. On ne sait pas quand tu as mal, quand tu as peur ou quand tu es triste Katsuki.
Je le serrai et le laissai reposer sa tête dans mon cou. Je profitai de cet instant volé, sachant qu'il ne se reproduirait peut-être jamais. Son cœur pulsait contre mon torse. Il devait donc sentir le mien qui battait la chamade. Et je voulais qu'il le sente. Je voulais qu'il se rende enfin compte que je le soutiendrais quoiqu'il puisse arriver. Je voulais qu'il vois qu'il pouvait se reposer sur moi en toutes circonstances.
J'aimais ses sourires, sa voix, ses colères, ses joies et ses craintes. J'aimais son odeur d'encre et ses mains fines. J'aimais ses blagues de rageux et ses confessions.
Tout ce qu'il montrait me plaisait. Et tout ce qu'il cachait éveillait mon désir. Je l'aimais en entier.
- Il faut que tu nous laisse t'aider...
- Mais si... si je devenais un de ces insupportables omégas faiblards et pleurnichards... si je devenais insipide.
- Tu es un garçon bien trop génial pour devenir comme ça Katsuki.
Je caressai ses cheveux distraitement, l'instant était aussi léger que la soirée avait été pesante. Et il était là, blotti comme un enfant perdu au creux de mes bras. L'odeur de tequila ne venait même plus gâcher cela. Il se tira de notre étreinte pour retirer son haut et m'enlever le mien. Je n'en fus même pas gêné. Il souleva les draps pour se glisser dedans et me prendre le poignet alors que j'allais le laisser seul.
- Eijiro... Si tu restes avec moi, on pourra éviter d'assumer et mettre ça sur le compte de l'ivresse ?
J'eus un petit rire même si j'étais un peu vexé. Puis je m'allongeai près de lui comme si cette place m'était réservée. Je le pris dans mes bras, il n'y avait plus d'alcool, plus de boîte de nuit, plus d'inconnu au sourire enjoleur. Il n'y avait plus que nous deux et le lit.
- C'est d'accord. Bonne nuit Katsuki, dors bien.
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