II

PDV Katsuki :

L'horloge sonna six heure du matin, le soleil perçait déjà les fins rideaux de la cuisine. Je m'assis à la table, un bol dans les mains. Aujourd'hui encore, je mangeais seul dans la clarté de l'aube, aujourd'hui encore, j'étais le premier réveillé. La cuillère tintait doucement contre la paroi. Je touillai mon chocolat chaud d'un air morne puis l'avalai finalement en quelques gorgées. Je remontai sans bruit les escaliers, je jouais à éviter les grincements comme quand j'étais enfant. J'étais passé maître à ce jeu.

Ainsi commença cette petite routine si simple, qui continua avec une douche, des vêtements, un sac, un baiser sur la joue de ma sœur mal réveillée, un au revoir.

Je me dirigai vers le lycée Yuei. Il représentait tous mes désirs réunis, mes rêves, mes vœux les plus fous. La grande porte de fer forgé s'ouvrit et me laissa entrevoir encore une fois tout mes espoirs. Ils étaient à portée de main, si près. Encore quelques années.

Je m'apprêtai à franchir le portail quand un grand cri me retint.

- KATSUKI !!

Une jeune fille rousse s'approcha de moi en courant. Elle étais très jolie avec ses cheveux toujours mal peignés. Je ne le aurai sûrement jamais dit, je n'étais pas porté sur la flatterie.

- RAAAAH... GUEULE PAS DÈS LE MATIN !!

Pas effrayée le moins du monde, la demoiselle se rapprocha le sourire aux lèvres.

- Katsuki ! Tu pourrais remercier Terumi et lui donner son chèque, s'il te plaît ? J'ai réussi mon exam grâce à elle !!

Ma sœur arrondissait ses fins de mois en donnant des cours particuliers de philo et de français. Cela lui permettait de se payer son université. Elle aurait pu avoir mille fois mieux que cette petite fac de droit, mais pour une bêta c'était toujours plus compliqué.

Je récupérai le chèque et grognai pour la forme.

- Et tu pouvais pas aller la voir ? J'ai pas que ça à faire...

Elle m'attrapa le bras quelques secondes, l'étreignant avec amitié.

- Merci t'es sympa ! A plus !

- C'est ça, c'est ça.

Je la regardai partir en sautillant, elle avait du profiter du fait de ne reprendre qu'en octobre. Si j'avais été elle, j'aurais saisi l'occasion pour dormir et charrier Terumi.

Je passai la main dans mes cheveux pour tenter vainement de les ordonner. Puis je franchis enfin le seuil du meilleur lycée du pays. Un lycée pour les alphas qui avaient les moyens de se le payer, un lycée pour ceux qui avaient gagné à la roulette russe dès la naissance.

Mais aussi un lycée pour les rares qui se battaient depuis le berceau. Qui ne se résolvaient pas à l'idée de perdre, même s'il n'avaient plus rien à miser au casino de la vie.

Un lycée fait pour moi. Pour que je devienne le meilleur de tous.

Je rentrai dans la classe, j'étais en avance. Je me posai à une table au hasard et enfonçait mes écouteurs dans mes oreilles. Et l'espace d'un instant, je pouvais rattraper ma nuit trop courte. Je grappillai une minute de calme, sachant que la journée allait être longue. Je fermai les yeux.

Je les rouvris sur un type aux cheveux rouges. Il avait une tête de hérisson qui ne ressemblait vraiment à rien. Si j'avais sa tête, j'irais peut-être me cacher dans une grotte par respect pour les autres.

C'était le nouveau, c'était un alpha.

Il me sourît en penchant la tête. On aurait dit un animal stupide. Il me faisait rire.

- Salut Katsuki.

- Wow.

Le son m'avait échappé, sa voix était assez chantante, presque cristalline. On pourrait imaginer un doux ruissellement en l'écoutant.

- Qu'est-ce que j'ai dit ?

- Tu veux pas me traiter de salope ou de sac à merde comme tout le monde ? Ou t'as besoin de te sentir original ?

Il émit un grand rire, qui éclata comme un jet d'eau qu'on allume puis éteint rapidement. Un fragment d'averse.

- T'as un prénom, non ? Alors pourquoi je t'appellerais autrement ?

- J'sais pas, ptet parce que t'es un alpha. Connard.

Il fronça les sourcil sans lâcher son sourire. La salle de classe se remplissait doucement mais je n'y prêtais aucune attention.

- C'est pas mon prénom ça par contre, moi c'est Eijiro. Et il me semble que t'as de vilains préjugés.

- C'est ça, fous-toi de ma gueule. J'te signale que...

Kyouka et Denki interpellèrent le hérisson avant que je ne finisse ma phrase. Ils me saluèrent chaleureusement en s'excusant pour hier. Je pouvais donc supposer que le trio infernal avait encore frappé hier soir. Ils s'installèrent au rang juste devant moi en bavardant.

« J'te signale que... »

Je n'avais même pas réfléchi à ce que j'aurais pu lui dire. Que les alphas étaient tous les mêmes ? Que c'était lui qui s'était attiré la sympathie de ce salopard de Deku ? Qu'il osait parler de préjugés à un oméga ? Qu'avec une gueule pareille il devrait se taire ?

Je n'en savais rien, finalement, je n'avais rien d'interessant à dire. Je me serais sûrement contenté de balancer une flopée de jurons comme à mon habitude.

Le prof arriva, le cour passa. C'était le deuxième jour et ma tête bouillonnait déjà de termes savants et d'infos que j'avais grappillé pendant mes vacances pour avancer sur le programme. Il était hors de question que je laisse ma place à un seul de ces cons prétentieux, ça leur ferait trop plaisir.

Je me surpris à jetter un coup d'œil à Eijiro. Il fallait dire que ses cheveux attiraient l'attention, quelle idée de les coiffer en pics en même temps.

Une sonnerie aux allures de valse se fit entendre au loin. Je me levai tranquillement direction la cafet'. Je n'étais pas un gros asocial comme pouvaient le penser certains. Je m'entendais bien avec quelques uns de mes camarades, et je trainais un peu avec Denki, Kyouka et Shoto, mais je devais avouer que j'évitais de m'attacher. Le dernier vrai ami que j'avais eu s'était lancé dans une guerre qui avait duré tout le collège et continuait aujourd'hui.

Désormais, Deku voulait vraiment ma mort...

- Hey Katsuki ?!

Denki me faisait de grands signes des mains. Eijiro, Kyouka et Shoto étaient à côté de lui. Le glaçon rangait ses affaires à deux à l'heure comme d'habitude.

- Tu grailles avec nous ?

Je haussai les épaules, pourquoi pas après tout.

- Je sais pas si je vais pouvoir vous supporter.

- Mais si tu vas voir ! On est gentils quand on veut.

Pour l'avoir côtoyé un an, je savais qu'il était gentil. Denki était sûrement le garçon le plus amusant et le plus cool de la classe. C'était un des seuls qui ne se sentait pas obligé de faire des blagues de cul ou sur les classes pour faire rire.

- Bah voyons, de toute façon j'ai pas mieux à faire.

Nous partîmes donc à cinq en direction de la cafétéria. Les discussions tournaient surtout autour des cours, des profs, des salles. Le hérisson semblait boire les paroles de Kyouka quand celle si expliquait des anecdotes sur l'établissement et son architecture. Elle était calée dans tous ces petits détails improbables.

D'autres de nos camarades mangeaient à la cafet'. À vrai dire, nous n'avions pas vraiment le temps de faire autrement aujourd'hui. Nous prîmes les commandes. Shoto se la joua diététique avec une salade tomate-mozzarella. Denki et moi optâmes pour les Croques-monsieur. Kyouka fit la grimace en croquant dans son hot-dog.

- J'ai horreur des Croques-monsieur.

- Pou'qwa ? 'est 'uper bon !

Ce fût sur cette magnifique phrase de Denki, notre incroyable diplomate, que le débat Croque-monsieur s'ouvrit.

- Bah... Quand j'étais petite je croyais qu'on mangeait vraiment du jambon d'humain.

Denki daigna finalement avaler sa bouchée avant de répondre.

- Mais t'es con !

- Oui mais écoute du coup je suis traumatisée et là j'ai l'impression que Katsuki et toi vous êtes des putains de cannibales !

- Mais t'es con.

- Quelle repartie.

- Je sais merci.

Je les laissai se chamailler et me tournai vers Eijiro et Shoto pour voir si la conversation était un peu plus intéressante. C'était ce que les groupes avaient de mieux, on pouvait passer d'un côté à l'autre sans gêne.

Ils étaient également en pleine réflexion mais sur l'influence de la nourriture sur notre organisme.

- Mais si je te jure ! Tu n'aurais pas les cheveux comme ça sinon !

- J'avais déjà les cheveux comme ça à la naissance ! Tu vas pas me faire croire que ma mère n'a fait que manger des tomates mozzarella toute sa grossesse ?

- Je sais pas moi ! J'énonce un fait c'est tout ! Regarde Katsuki, il mange un Croque-monsieur et quand il te regarde, t'as l'impression qu'il va t'arracher la tête tellement il a l'air vénère !!

J'éclatai de rire devant cette idée bidon. J'avais la certitude que cette profonde réflexion venait de détrôner la théorie des chokapiks de Kyouka.

- Mais qu'est ce que tu racontes ? Je vais manger personne.

- AHAH ! TU ADMETS QUE TU ES CANNIBALE ?

- C'EST PAS CE QUE J'AI DIT ESPÈCE DE MAL-ENTENDANTE !

Il était fort possible qu'à partir de cet instant, le gérant de la cafétéria eu très envie de nous virer. Eijiro sembla s'en rendre compte aussi car il calma le jeu.

- Personne ne va manger personne ! Nous sommes des gens civilisés.

- Parle pour toi. J'en connais un ou deux ici qui ne sont pas vraiment civilisés.

Double face... Pourquoi fallait-il qu'il s'en mêle ? Il ne pouvait pas rester silencieux et attirer les fangirls comme d'habitude ?
J'étais sûr que nos deux abrutis de première allaient en profiter.

- Oula les gens, Shoto s'en mêle ! Et il accuse !

- IL ACCUSE !

- Mais qui accuse-t-il ?

- OUI ! QUI ?

- Nous devons savoir !!

- NOUS LE DEVONS !!

- Katsuki ? Sûrement car on a vraiment l'impression qu'il va m'exploser la tronche là tout de suite !!

- M'EXPLOSER LA TRONCHE LÀ TOUT DE SUITE !!

- Ta gueule Denki.

- TA GUE... oh wait.

Eijiro et moi fûmes pris d'un fou rire qui nous valu d'être virés du petit établissement. Shoto contint mal son amusement devant l'air pantois du nouvel élève. Kyouka le rassura en lui disant que ce n'était pas grave. De toute façon les cours allaient reprendre.

Nous marchâmes d'un bloc dans les couloirs direction la nouvelle salle. Eijiro sembla excité comme un dingue à l'idée d'enfin faire physique-chimie. Comment lui expliquer que travailler avec Present Mic était la pire chose qu'il puisse arriver à ses oreilles ?

Sur le chemin, Mei, une jeune fille aux cheveux très roses et avec une forte poitrine s'approcha de nous.

- Katsukiiii ? On peut rentrer ensemble ce soir ? J'ai un truc à te montrer !

- Hors de question que je serve encore de cobaye pour tes inventions de l'enfer.

- Alleeeeeeez !! Me dit pas que t'as peur...

Je ne pouvais pas résister à son petit sourire de défi et cette lueur amusée dans son regard. C'aurait été perdre un petit bout de ma fierté si je n'acceptais pas, c'était dans ma nature, j'aimais beaucoup trop la provocation.

- Bien sûr que non ! Tiens au fait, j'te présente Connard !

- Mais appelle-moi Eijiro par pitié...

- Oooooh !! Laisse-moi voir !

Elle s'approcha du jeune homme pour en faire le tour. Elle « tâtait la marchandise » comme elle le disait si bien. La dite marchandise affublée d'une tête de Proc-Épic se contorsionna dans tous les sens pour suivre du regard la folle mécano qui continuait de l'inspecter.

- Hum... fort bien, fort bien... il sera paaaarfait !

- Pour faire quoi ?

- Tester mes petits bébés bien sûr ! Ban je vous laisse, j'ai cours ! Byye !

Et elle s'échappa encore, filant aussi vite qu'elle était arrivée.

- Elle s'appelle Mei Hatsume, elle est en filière Tecnologique et c'est un vrai prodige.

- Ah cool !

- Enfin... si on ôte le fait que les trois-quarts de ses machines nous explosent à la gueule.

- Moins cool...

Le temps de lui expliquer cette curieuse visite, nous fûmes arrivés. Comme à mon habitude je pris les devants et me posai sur une place aléatoire.

- Qui m'aime me suive comme on dit.

Kyouka vint s'assoir à côté de moi tandis que Denki et Eijiro se mirent un peu plus devant. Shoto s'éloigna pour rejoindre le trio infernal et commença à discuter avec Momo.

Il était amoureux mais c'était un sujet tabou dans le petit groupe. Un peu comme l'amitié de Hanta et Denki ou encore mon passé avec Deku. Le plus énervant avec ces trois-là était que, séparément, ils pouvaient être sympas, surtout Hanta. Mais dès qu'il se retrouvaient, l'effet de groupe, mêlé à d'affreux préjugés, opérait et ils devennaient exécrables.

Present Mic commença alors son cours pour le moins vitaminé et bruyant. Au bout de vingt minutes, je vis Eijiro tenter de se boucher discrètement les oreilles. Je me penchai vers l'avant pour couvrir la voix tonitruante de mon prof.

- Laisse tomber, tu l'entendras de toute façon.

- Je vais devenir sourd...

- Bienvenue dans la classe A, Eijiro.

Il esquissa un sourire.

- Tu vois quand tu veux tu peux m'appeler par mon prénom.

Je lui souris en réponse et m'apprêtai à le traiter de connard.

- JE SAIS QUE MON COUR VOUS DONNE LA PÊCHE MAIS RESTEZ CONCENTRÉS LES GARÇONS !! YEAH-YEAH YEAAAH !!

Nous retournâmes donc à notre « Écoute » le temps du cour. À la sortie, Mei était déjà là avec son sac plus gros qu'elle. On aurait dit une fourmi portant une montagne.

- Je peux t'aider ?

La camaraderie d'Eijiro me tira un sourire, il n'allait plus vouloir l'aider après tout ce qu'elle aillait lui faire subir.

- Non c'est bon ! Je suis costaude !!

Le trajet jusqu'à chez elle se déroula sans encombres, c'était vraiment une chic fille. Dommage qu'elle ramène tout aux robots. Je n'osais imaginer sa réaction quand elle allait savoir qui étaient les parents d'Eijiro.

Nous étions en plein essayage d'étranges objets de tout types quand elle apprit la nouvelle.

- T'ES LE FILS DES GRANDES MANITOUS D'HANKA ??

- Euh... Ouais !

- Espèce de petit veinard ! Si j'étais à ta place je...

Elle fut coupée par une vibration dans la poche arrière de son pantalon.

- Ah merde.

Elle sortit de la pièce le téléphone dans la main pour couper la sonnerie, nous laissant encombrés par les ustensiles qu'elle avait installé sur nous. Nous attendîmes en silence. Elle revint enfin, son regard anxieux se posa sur moi.

- Katsuki ? T'as des bloqueurs ou une pilule sur toi ?

Porc-épic tressailli, comme si d'un seul coup, Mei était devenue un être à ne surtout pas approcher.

- Ouais, vire cet engin de torture de mon bras que je t'en passe.

Elle s'exécuta et je lui tendis la petite plaquette de pilules, elle en pris une immédiatement et en mis deux dans une des innombrables poches de sa salopette.

- Merci c'est cool, j'étais pas sure d'avoir le temps de passer en acheter.

- Je comprends, t'inquiète.

- Ban ! Je vais vous laisser filer pour cette fois les gars ! On a bien bossé !

Nous nous départîmes de toutes ces horreurs. Aucune ne nous avait explosé au visage mais Eijiro avait passé trente minutes avec deux boîtes aux vibrations inquiétantes sur les jambes. Elle nous fit un dernier signe de la main lorsque nous quittâmes le palier pour rentrer chez nous.

Sur le chemin, le silence se fit quelques instants. Le porc-épic semblait en pleine réflexion tandis que moi, je m'accommodais de ce calme plutôt agréable après des heures à entendre les vibrations des machines et les exclamations de joie de la jeune mécano.

- C'est une oméga Mei ?

- Nan elle prend la pilule pour le goût abruti.

- Excuse-moi, ma question était bête.

Je ne le lui faisais pas dire.

- C'est juste que dans ce lycée, j'ai la mauvaise manie de penser que tout le monde est alpha. C'est con mais...

- Nan ça se comprend. Dans un sens je préfère ça plutôt qu'un type qui va absolument chercher à savoir de quelles classes sont les gens pour choisir ses amis.

- Certains font ça ?

- Évidemment.

Il y eût un nouveau blanc, un peu plus gênant cette fois-ci.

- Ça change quelque chose pour toi ? Que Mei et moi on soit les sous-merdes censées lécher tes pieds mille fois supérieurs ?

Il eut un grand rire. Je n'aimais pas la tête d'Eijiro, je la trouvais bizarre avec sa coiffure en gratte-ciel. Mais j'adorais sa voix chaude coulant sur moi comme une onde, emplissant les alentours et donnant une atmosphère joyeuse.

- A part que je pourrai vous demander quel goût ont les pilules ? Nan.

- T'es pas un méchant connard en fait.

Il me sourit de toutes ses dents en plissant les yeux, j'attendais déjà le retour de son timbre si particulier.

- Je prends ça comme un compliment ! Je tourne là, à demain !

Et il partit, son rire résonnant comme un écho lointain autour de moi. Je me surpris à tenter de graver dans ma mémoire chacune de ses intonations. Il avait une belle voix pour un connard.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top