Léon
"The trick is to find hapiness in the briefs gaps between desasters."
Eragon, Brisingr, Christopher Paolini
Léon est un hérisson semblable à tous les autres. Des piquants qui renferment ce cœur doux et soyeux. Un monde intérieur si bien protégé.
Il est brun, avec de beaux yeux ténébreux (sa maman disait "des yeux de velours", et tout le monde s'extasiait), et des piquants, qui, quand on le connaît, ne sont pas si menaçants.
Il promène sa truffe sur le sol. Pas de ver de terre par ici. Un simple crapaud qui peine entre les feuilles mortes.
Il tourne à droite, longe un mur, évite une zone éclairée, contourne un peuplier, happe un scarabée qui se promenait par là, s'arrête.
Un bruit a traversé la nuit. Un feulement. Un ennemi.
Une chatte bondit. Léon est sur son territoire. Il y a une gamelle de croquettes sur le rebord de la fenêtre. Il lui est déjà arrivé de manger ici.
D'ailleurs, comme autrefois, il a faim et aimerait profiter à nouveau de cette nourriture facile. Les temps sont durs et l'été trop sec l'a amaigri.
Enfin, les temps sont durs pour tout le monde. La chatte a faim aussi. Elle défend son territoire et sa nourriture. C'est son droit. C'est la vie.
Léon ne bouge plus. Il a faim et ne veut pas se battre. Il voudrait partager, mais évidemment, chats et hérissons ne se comprennent pas.
Il a dû faire un faux mouvement, ou avoir une pensée étrange qui s'est lue dans ses yeux. En tout cas, la chatte s'est sentie agressée.
Elle bondit. Ses griffes éraflent le museau de Léon. La faim l'a privé de ses réflexes.
Il se roule en boule, mais c'est trop tard. Il saigne. Le coup a été violent, il est profondément ouvert.
Finalement, lassée de cette forteresse piquante et imprenable, la chatte abandonne la partie en crachant.
Léon s'enfuit. Ou plutôt : il essaie de s'enfuir. Une lumière s'est approchée, c'est elle qui a fait fuir la chatte. On l'attrape, on le capture, on l'emmène dans la lumière éblouissante.
Épuisé, malmené dans tous les sens, l'adrénaline l'oblige à garder les yeux ouverts, ses pauvres yeux de noctambule qui souffrent de cette blancheur trop vive.
On le pose quelque part. La surface est lisse, brillante, comme les flaques d'un printemps nouveau encore emmitouflé dans sa gangue de glace. Il glisse, dérape, s'arrête. C'est une torture. Le sol est trop dur pour y planter ses griffes. Il ne peut pas fuir. Il est prisonnier.
On approche quelque chose. C'est rond, c'est lisse, c'est brillant, c'est blanc, mais ça sent bon.
Léon boit goulûment ce lait qu'on lui offre. S'il avait su, il se serait battu beaucoup plus souvent avec la chatte, pour cette délicatesse qu'il n'a jamais connue depuis son enfance.
Sa maman lui manque. Ses frères, ses sœurs, même le voisin grincheux et les souris qui riaient comme des folles toute la journée et l'empêchaient de dormir, tout lui manque, et la nostalgie le tiraille.
Mais peut-être n'est-ce pas uniquement la nostalgie.
Peut-être ne souffre-t-il pas uniquement de ses souvenirs si beaux.
Il se tord sur la table.
Les souvenirs qui remontent le font pleurer.
Sacha, petite, qui lui mordille l'oreille. Ça fait mal, mais il ne pleure pas. Il est grand.
Constance, la grande Constance, et son air éberlué après s'être cognée à la racine qui avait poussé dans le toit, quand tout le monde dormait.
Théophile, endormi sur un tas de feuilles mortes.
Victoire, cette petite peste si attachante, même quand elle le réveillait en lui criant dans l'oreille.
Simon, balourd et empoté, le visage barbouillé de fraise.
Agathe, Agathe chérie, sa jumelle, son double.
Léon suffoque. C'est le lait. Le lait !
Les hérissons ne digèrent pas le lait de vache.
Ils pensaient le sauver.
Mais, même en pensant bien faire, ce sont Eux qui l'ont tué.
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