Chapitre 10


Sylm - Where's my love ou Black Stone - Zero

L'ambiance était tendue pour Margot. Elle était mal à l'aise, mais les autres journalistes ne semblèrent pas le ressentir, c'était tant mieux d'une certaine façon. Elle cachait ses émotions, mais c'était quelque chose de dur à faire car elle avait pile en face d'elle le chanteur. Ses yeux se posèrent sur Alexandre, qui malgré la lumière des projecteurs, semblait plongé dans ses pensées. Il ne laissait rien paraître. Margot n'écouta pas le début de l'interview, elle se contenta de remuer la tête sans rien dire, elle s'efforça d'écrire quelques phrases qu'elle entendait sur son calepin, même si ce n'était pas nécessaire car l'interview était entièrement enregistrée par les équipes de caméras. Tous les journalistes le savaient, c'était plus compliqué que ça en avait l'air car l'équipe chargée de communication du groupe se chargerait par la suite de valider ou non les parties du films utilisables.

Les questions fusaient à propos de leur tournée mondiale principalement et de leurs parcours. C'étaient plutôt bien fait : chacun des cinq journalistes avait des petites pancartes et, chacun leur tour posait les questions qui y étaient inscrites. Margot ne releva quasiment jamais le visage : elle ne voulait pas perdre une miette de ce qui était dit et en plus, elle voulait à tout prix éviter le regard d'Alexandre.

C'était au tour d'Abigail de poser ses questions, Margot allait bientôt être la prochaine, et elle sentit une vague de chaleur se propager depuis le bas de son dos.

- Votre dernier titre, Eurydice, a connu un succès fulgurant. Comment en êtes-vous arrivés à réaliser ce morceau qui dénote avec le reste de l'album ?

- C'est surtout grâce à Alexandre et Hugo qu'on a ce morceau-là - Commença Amine, d'un ton plutôt chaleureux.

Alexandre ne savait pas si Margot savait, cette question le prit au dépourvu. Il ne savait pas ce qu'allait dire Amine, et ça le stressait. Il n'avait pas l'habitude de prendre beaucoup la parole en interview mais cette fois, il n'hésita pas à interrompre le batteur. Il fallait cacher à Margot, le coté récent de cette musique 

- J'avais écrit ces paroles il y a quelques années puis Hugo et moi, un soir on a eu l'idée de cette mélodie. Je trouvais que ça collait parfaitement avec la musique qu'on était en train de travailler et on a décidé de l'intégrer à l'album, il mentit impunément et il ne put s'empêcher de lancer un regard à la volée à Margot.

Elle ne lui lança même pas un coup d'œil. Alexandre aurait du être soulagé et pourtant ce n'était pas le cas. Une partie de lui voulait qu'elle sache quand il l'avait écrit et pourquoi.

- C'était une façon de montrer les différentes facettes de notre créativité, et montrer qu'au final rien ne nous obligeait à rester coincé dans un seul genre, termina Hugo.

- Pouvez-vous nous en dire plus sur l'inspiration derrière cette chanson ?  Demanda Abigail avec une voix qui paraissait posée mais qui trahissait son stress.

Cette question mena Margot à relever les yeux, son regard se perdit un instant dans celui d'Alexandre mais elle feignit que rien ne venait de se passer. Elle fixa par la suite Abigail, en la remerciant silencieusement. Elle aussi avait envie de savoir. Tous les regards sauf celui de Margot étaient braqués sur Alexandre. Il était pris au piège. Cette interview était la première depuis la sortie du single, et Marc l'avait prévenu que cette musique allait entraînait beaucoup de questions car le public était friant d'affaire de cœur. C'est aussi pour cette raison que Mélanie avait énormément grimpé en popularité subitement.

- Eurydice, c'est avant tout un personnage mythologique, n'est-ce pas ? Une femme condamnée à vivre aux enfers. J'ai toujours été fasciné par ces histoires d'amour impossible, dit Alexandre d'une voix plus douce que ce que toutes les personnes du plateau aurait pu l'imaginer.

Margot sentit le nœud dans sa gorge se resserrer encore plus. Elle sait qu'il parle d'eux, d'eux deux. Ça lui fait mal car aucun des d'eux n'avait voulu cette situation, d'autant qu'ils ne s'étaient séparés que car Alexandre devait partir à Londres. Cependant Alexandre continuait de rester large dans ces réponses mais qu'elles combleraient néanmoins leur curiosité à ce sujet. Il se faisait de fausses idées.

- On dit que cette chanson est très personnelle. Y a-t-il une histoire vraie derrière ces paroles ? Osa pousser Edward.

Autant Margot qu'Alexandre le détesta sur le moment. Bien qu'il ne fasse que son job de journaliste Alexandre avait espéré qu'on ne lui poserait pas plus question, mais il savait que c'était impossible et que tant qu'il ne répondait pas, personne ne le laisserait tranquille. Il réfléchit suffisamment de temps pour que Natasha osa en poser une autre sur le même ton.

- Et si je vous disais que je crois que cette chanson est une lettre d'amour ? Osa à son tour demander Natasha, c'était une ligue contre Alexandre.

Alexandre sursauta doucement. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Ses yeux, se perdirent dans ceux noirs comme la nuit de Margot. Lui et elle. Et non pas lui avec elle. Si près mais si loin. Son cœur pleurait. Pendant quelques secondes, le temps sembla s'arrêtait alors qu'en réalité ils ne se dévisagèrent que trois secondes. Il aimerait lui dire ce qu'il pensait. Margot et lui s'était un livre non terminé, dont on a envie de connaître l'épilogue.

- Peut-être. Ou peut-être que l'amour, c'est comme la musique : il peut s'inspirer de nombreuses sources, de nombreuses émotions, il dit simplement, sa réponse était encore un fois trop vague, pour satisfaire leur appétit vorace, mais Alexandre était trop à fleur de peau pour pouvoir en dire plus.

Elle savait qu'il mentait. Il voulait couper court à ces questions, seulement elle sentait que tous les journalistes avaient envie d'en savoir plus. De même pour Margot, mais pour des raison bien différentes, elle crevait d'envie d'avoir une réponse. Sa réponse. Elle le savait, elle voulait en avoir le cœur net.

- Et si je vous disais que je me reconnais dans cette chanson ? Qu'elle me parle directement ? Margot prit alors la parole sans qu'elle même s'en rende compte, sachant que les autres journalistes ne pouvaient pas ré-aborder le sujet.

Alexandre la fixa quelques instants, bouche bée presque. Margot eut un instant peur de se faire gronder en directe par le chanteur au vu de la réaction du staff qui était à tout moment prêts à intervenir. Mais pas du tout à la grande surprise de toutes les personnes présentes à cet instant. Alexandre n'arrivait pas à détacher ses yeux d'elle et Margot avait l'impression qu'il était occupé à sonder son âme mais elle non plus ne parvint pas non plus à détacher les siens. 

Elle comprit que pour elle rien n'était fini, elle avait encore tant de choses à lui dire. Y arriverait-elle seulement ? En aurait-elle la force ? Comment le prendrait-il ? Margot ne parvenait pas à comprendre son comportement. Voyant que la situation s'éternisait, Edward se racla audiblement la gorge ce qui permit aux deux anciens amants de se ressaisir. Par la suite Alexandre était incapable de soutenir son regard plus longtemps alors il lui murmura encore plus doucement, le regard perdu entre Margot et Georges :

- Peut-être que la musique a cette capacité-là : de nous réunir, même quand on est séparés.

Alexandre et Margot s'échangèrent un dernier regard remplis de douleur partagée. De non dit. De respect. Et d'affection. Cette réponse était à double sens, que seule Margot pouvait en comprendre pleinement le sens. Si les membres du groupe n'avaient pas remarqué l'étrange comportement du chanteur envers la jeune stagiaire, avec cette intervention et l'échange de regard enflammé et douloureux qu'ils s'échangeaient, ils étaient maintenant bien au courant. Les autres journalistes ne semblèrent pas particulièrement voir ce qu'il se passait sous leurs yeux car ils étaient occupés à rédiger ce qu'ils venaient d'entendre.

Margot s'en voulu juste après, son interruption pouvait être mal vu. Elle espérait ne pas avoir été trop spotted. Elle n'était de plus qu'une petite stagiaire. Néanmoins elle se serait voulu de ne pas avoir oser intervenir, cette interview allait sans doute être leur dernière rencontre, il lui fallait alors un dernier souvenir à chérir. Georges lui donna une petite tape, en souriant, elle comprit qu'il n'était pas fâché et ce la lui fit réaliser que c'était maintenant à elle de poser ses questions. Plusieurs d'elles évoquées le début de carrière de chacun de membres et notamment ceux de Amine et d'Étienne qui étaient un peu atypique. Sa dernière question quant à elle, était adressé au groupe entier.

- Ou vous imaginez individuellement dans sept ans ? Chevrote Margot, plus les minutes passaient et moins elle était à l'aise.

- Nous avons un contrat jusqu'à cinq et en toute sincérité je ne sais pas si le groupe sera encore sur pied. Pour ma part, j'aimerais continuer à composer plus globalement tout type de musique, pour des ballets contemporains par exemple ou pour des bandes musicales de film d'horreur aussi. Je pense que je m'envolerai pour les État Unis pour me rapprocher des grands producteurs de musiques, annonce Hugo d'un pensif.

Les journalistes les écoutaient avec attention tout en regardant les cameras se greffer sur le membre qui poursuivit. Margot peina à rester concentrer mais elle se força à s'intéresser à chacun de ses interlocuteurs.

- Dans sept ans, si le groupe n'existe plus, Amine répéta pour se laisser plus de temps pour réfléchir à sa réponse. Je me verrai bien dans une maison en banlieue voire même à la campagne, avec ma femme si j'en trouve une, des enfants aussi peut-être. Je pense que je laisserai la batterie au domaine du loisir pour me consacrer à autre chose, termine-t-il en souriant .

- En ce qui me concerne, j'aimerai continuer la musique, que ce soit en groupe ou même en solo et pourquoi pas aussi m'aventurer encore plus dans la composition. J'aimerai aussi m'ouvrir à d'autres horizons dans d'autres domaines, comme l'acting justement si l'occasion se présente et comme Hugo, j'irai sans doute tenter de vivre le rêve américain, annonce intelligemment le blond : les studios vont se l'arracher.

C'est avec toute l'appréhension du monde que Margot attendit la réponse d'Alexandre. Les journalistes attendaient ici une réponse impliquant Mélanie, ils attendaient avec impatience le scoop le plus gros du moment.

- Je ne sais pas vraiment à vrai dire, je pense que je continuerai à écrire mais que raccrocherai la basse au placard. J'aimerais prendre surtout le temps de me poser et de réfléchir à ce que je veux vraiment faire, et à ce qui compte pour moi. Je pense que je retournerai en France pour me rapprocher de ma famille, répondit simplement Alexandre.

- Et en ce qui concerne Madame Laurent ? Demanda Natasha comme si cette question n'avait demandé qu'a être posée.

- Mélanie et moi avons des projets différents. On verra bien si cela nous permettra d'être aussi proche mais je pense que quoiqu'il advienne nous resterons en contact, dit le chanteur en cherchant à ne pas montrer que chaque mot lui coûtait.

Marc lui avait bien précisé que Alexandre devait mettre en avant Mélanie. S'il se refusait à annoncer officiellement une quelconque relation, il devait au moins laisser planer le doute. Faire ceci devant Margot, lui transperçait le cœur. Margot ne voulait pas avoir l'air abattue mais elle ne pouvait s'empêcher de fixer le sol.
L'interview se poursuivit, c'était maintenant à Georges de poser ses questions mais Margot n'entendait plus rien. Son esprit était ailleurs, avec celui d'Alexandre perdu dans leur passé commun. 

Une dizaine de minutes plus tard, Marc clôtura l'interview en remerciant chacun des journal d'avoir bien pu venir. Alexandre peinait à chercher le regard de Margot mais s'en était trop pour elle.

- Aller, vas lui demander cette fois, la poussa Georges.

Il ne suffit pas plus à Margot et elle se dirigea férocement vers Claire Cowel. Ainsi elle pouvait se débarrasser des yeux d'Alexandre qu'elle sentait peser sur sa nuque. Elle se sentit timide lorsqu'elle arriva au niveau de Claire, mais elle décida de ne pas se laisser impressionner par sa timidité.

- Excusez moi, madame Cowel, j'adore Rowan Opsomer, est-ce que ce serait possible d'avoir un - Margot commença.

- Un autographe ? Elle dit en comprenant directement la requête de Margot. Bien sur, je pourrait le faire transmettre à Rowan, ce serait pour qui ? Elle lui demanda sympathiquement.

- J'ai écrit mon prénom et celui de mon père sur ce bout de papier, précisa Margot.

- Parfait, je vous ferai transmettre ça par Georges je suppose.

- Ce serait super, merci infiniment, ajouta Margot avant que Claire ne lui tourne le dos accompagné d'un sourire compatissant.

Margot disparut auprès de Georges. Alexandre aurait voulu la prendre par le bras et lui toucher deux mots, mais ils étaient entourés de journalistes et cela relèverait déjà du miracle s'ils n'avaient pas saisi que quelque chose était étrange. Il ne fallait pas pousser le bouchon plus que ça. Alexandre aurait voulu lui dire tellement de choses et pourtant Margot était déjà sortie de la salle. Mais pas de son cœur malheureusement.

La couleur annoncée avait bel et bien été le rouge, mais pas pour le sang versé à la guerre finalement. Seulement Alexandre et Margot étaient juste deux idiots entêtés pour réussir le comprendre.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top