Chapitre 1


Tom Odell - Another Love ou SysML - Where's my love ? ou Patrick Watson - Je te laisserai des mots

Le Wembley Stadium était plein à craquer, c'était inédit.

Les lumières étaient braquées au centre de la scène.

L'émotion faisait vibrer les cordes du chanteur, et plongeait le Stade dans une transe presque totale. Bien qu'il soit au centre de l'attention du Wembley Stadium, entouré par des milliers de personnes, Alexandre se sentait si perdu. Il avait uniquement pris plaisir à chanter les seules paroles validées par son agence de la chanson qu'il avait écrite. Le reste servait uniquement de coup marketing et à faire battre le cœur de ses prétendantes pour qu'elles continuent d'acheter ses disques.

C'était une solitude maladive. L'amour que lui portait ses fans ne permettait pas de combler le trou au cœur béant qu'il portait lourdement et qui s'agrandissait au fil des jours. Le brun était vivement entouré et adoré par ses fans, mais ce n'était pas les personnes qui comptaient réellement pour lui.

Alexandre ne pouvait compter que sur la musique comme réconfort.

Sa vie avait pris un tout autre tournant lorsqu'une des plus grosses agences de disque du pays était tombée sur une de ses démo solo que son meilleur ami de l'époque, Jules, avait publié. Dans l'heure qui avait suivi, Alexandre avait reçu dans ses mails une proposition de contrat qui n'attendait qu'a être signée.

Il aurait du être fou de joie en apprenant cette nouvelle, et il l'a été, un court instant seulement, le temps de comprendre ce qu'elle engageait.

Margot était sa copine depuis quelques mois à ce moment, cependant dès le deuxième mois après leur rencontre elle avait emménagé dans l'appartement miteux parisien d'Alexandre, perdu dans le seizième arrondissement. Entre eux cela avait été rapide et pourtant ce fut comme une évidence.

Cependant à ce moment le père d'Alexandre était dans une mauvaise passe professionnelle, sans femme et aux portes du chômage, cette proposition tombait juste à pic. Seulement, il fallait aller à Londres, le tremplin musical pour les jeunes artistes qui rêvaient de succès et à l'époque, Alexandre était l'un d'eux. Il n'avait pas vraiment eu le choix, alors il a saisi l'occasion dès qu'elle était apparue. Pour son père, pour sa mère qui le regardait depuis le ciel et qui l'encourageait à poursuivre son rêve d'enfance, pour l'enfant qui sommeillait en lui, et, pour le plus grand malheureux de son cœur et de celui de Margot.

Alexandre était un tombeur à l'époque. Il pensait qu'une petite amourette de quelques mois allait vite s'oublier, lui qui pourtant était parvenu à se remettre entièrement d'une relation de deux ans. Seulement, le cœur à ses raisons, que la raison ignore, il paraissait, ce qui n'a pas empêché celui d'Alexandre d'être déchiré en deux lorsqu'il a franchi le dernier pas de la porte de l'appartement commun.

Ce jour-là, lorsque la porte s'était refermée doucement, presque sans bruit, comme pour vouloir inconsciemment que ce moment ne soit pas arrivé, Margot s'était effondrée en pleurs en se laissant glisser contre le revers de la porte. Ses larmes et sa tristesse, elle s'était retenue de les montrer à Alexandre.

Comme à leurs habitudes, elle s'était levée plus tôt que lui et lui avait fait son petit-déjeuner, des œufs et sa pâtée quotidienne : une mixture à base de flocons d'avoines. Cette matinée ressemblait à celles qu'ils avaient l'habitude de passer ensemble, ce qui avait d'autant plus compressé leurs deux cœurs qui se sont pourtant entêtés à rester complètement silencieux jusqu'à la fin.

Alexandre et Margot étaient deux cœurs muets épris l'un de l'autre, deux cœurs faits l'un pour l'autre qui ne se le sont jamais avoué malgré la dernière danse qu'a fait leurs corps.

Si Alexandre avait murmuré les mots les plus doux existants dans le creux de l'oreille de Margot, aucun des deux n'a prononcé les sept lettres qui les terrifiaient presque autant qu'ils les fantasmaient. Margot aimait Alexandre. Approche un peu plus..., il lui avait indiqué en la plaquant gentiment, pour la dernière fois, contre son corps bouillonnant et encore frénétique. Alexandre aimait Margot, Oh seigneur  lui avait répondu en blasphémant délicieusement Margot.

L'amour qu'ils se portaient mutuellement était naissant mais inexplicable. Ça ne pouvait pas s'expliquer, c'était une réaction chimique beaucoup trop unique et complexe au sein de deux cerveaux qui ne pouvait pas être décrite par une simplicité vulgaire.

Si l'alchimie entre les deux ne fut pas un secret dès le premier regard, il n'était pas question d'amour purement. Ce ne fut que lorsque Margot s'était réfugiée dans les bras réconfortants d'Alexandre qui faisaient alors office de barrage, de protection absolue entre un Roméo et une Juliette des temps modernes avec la pression du père d'Alexandre, ainsi que celle des parents de Margot, que Margot l'avait compris dans un grand désespoir.

Ils avaient vingt et vingt-un ans, Alexandre était plus vieux que Margot lorsqu'ils se quittèrent.

Dès qu'Alexandre avait eu sa majorité, il avait quitté la maison familiale qui, depuis la mort de sa mère ne ressemblait plus au foyer chaleureux qu'il avait connu. Si après la mort de Nina, le père d'Alexandre n'est jamais parvenu à faire son deuil et a obstinément cherché à trouver du réconfort dans les bras de son travail plutôt que dans ceux de son jeune fils. Alexandre s'était donc retrouvé seul, n'ayant avec lui que sa voix et sa guitare pour conquérir le monde.

De leur coté, les parents de Margot n'ont pas spécialement accroché Alexandre au tout début à cause de son style vestimentaire un peu marginal. Cela a eut pour conséquence que Margot eut plusieurs fois du mentir à ses parents ou bien le cacher dans sa chambre le temps qu'ils s'en aillent. Ils finirent heureusement à l'apprécier après avoir observer la manière dont il traitait leur fille, mais les parents de Margot n'auraient cependant jamais accepté qu'elle laisse tomber ses études pour le suivre à l'étranger.

La musique était éphémère et le succès encore plus, autant Margot qu'Alexandre le savaient.

Elle n'avait pas le droit de l'empêcher de poursuivre son rêve, de tenter le coup, de faire le grand saut et d'aider financièrement son père qui souffrait déjà beaucoup.

Alexandre n'avait pas le droit de l'entraîner dans un futur incertain d'autant que cela bousculerait les études de Margot dans le journalisme alors qu'ils se connaissaient depuis moins d'un an.

Ils étaient jeunes. Alexandre pensait s'en remettre. Margot savait que ce serait difficile, et que ça le serait encore plus lorsque six mois plus tard, ses musiques, des extraits, et ses photo-shoots seraient diffusés partout.

Elle avait raison mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il fasse la une des journaux à cause de  scandales. Margot eut mal car en lisant la presse, elle avait l'impression d'avoir connu une toute autre personne. Pire encore, elle avait l'impression d'aimer un inconnu.

Elle se souvenait toujours de la dernière phrase qu'il lui avait dite avant de partir sans même oser la regarder : J'ai payé le loyer, Monsieur Jardin ne viendra pas t'embêter avant septembre.

Puis il était définitivement parti.

Margot ne l'avait pas remercié, car Alexandre n'avait pu payer ce loyer que grâce a son nouveau contrat. Grace à lui, elle savait qu'elle aurait pu finir l'année scolaire dans cet appartement, et qu'elle n'aurait pas eu besoin de retourner dans le cocon familiale. Cependant elle refusait de sentir tous les matins la place du lit à coté d'elle, vide et froide, tout en espérant qu'elle ne le soit pas. Margot se sentait minuscule dedans sans Alexandre. Il était son amant. Son rempart. Et avant tout, Alexandre était son meilleur ami. Elle n'en avait rien à faire de cet appartement.

Le jour ou il était parti en emportant le cœur ensanglanté de Margot et en lui laissant le sien, elle quitta elle aussi l'appartement, en maudissant Alexandre et l'aimant de toute son âme avec ses cours par dessous le bras et les yeux injectés de sang.

Margot avait longtemps espéré pour son retour. Six mois au moins, sans avoir aucune nouvelle. C'était mieux ainsi, car aucun n'allait être en pouvoir de changer la situation. Alors pourquoi se parler si c'est pour nourrir le mal interne que chacun abritait ? Chacun de leur coté, ils ressassaient les souvenirs d'eux ensemble jusqu'à ce que Margot, un an après leur séparation l'apprenait enchaîner des conquêtes très médiatisées. Sa deuxième trahison.

Elle s'était promis que ce serait la dernière. Elle l'avait attendue et de toute évidence, il était vite passé à autre chose.

Au grand désespoir des producteurs, le nouveau chanteur qui embrasait tout juste la toile avec son premier single, déprimait. Plus le temps passait et moins il était motivé. Seul l'argent promis le forçait à rester car son père était tombé malade : le cancer était en train de lui prendre son deuxième parent, après avoir emporté le premier.

Pour tenter de se maintenir hors de l'eau, Alexandre chercha du réconfort parmi ses nouveaux potes : d'autres jeunes artistes de FirstCoast, son agence, plus âgés que lui, mais bien moins cotés. Il chercha du "renouveau" dans plusieurs conquêtes, mais en réalité il cherchait inconsciemment Margot dans les courbes de ces femmes.

Paradoxalement, peu importe le nombre de fois ou il avait changé de femmes, Alexandre était resté lui-même, le même homme, un fan d'une unique montagne, et des uniques courbes qu'elle présentait, de la matière de roche et du temps qu'il y faisait.

C'était l'Effet Margot, il l'appelait ainsi.

Pour Margot ce fut la goutte de trop, alors que ce fut à ce moment qu'Alexandre comprit qu'elle l'avait ensorcelé. Il tenta de l'appeler un soir et elle répondit : Allô, c'est qui ? Alexandre avait du changer de numéro entre temps mais le fait qu'elle lui demande qui était à l'appareil, lui transperça le cœur.

La voix de Margot était aussi harmonieuse que dans ses souvenirs les plus lointains, Alexandre qui avait pris l'habitude de l'accent anglais, se délectait de l'accent parisien de Margot, et de sa manière de rouler les r. Pour lui rien n'avait changé. Il succomba une deuxième fois, encore plus fort pour elle, en seulement trois mots dépourvu d'intérêt.

Il aurait aimer tout lui déballer et s'enfuir la chercher, mais c'était impossible, et en le réalisant ses dents s'étaient enfoncées dans sa langue pour l'empêcher de se faire encore plus de mal. Il devait se résoudre à juste l'écouter tout en ignorant qui était l'interlocuteur. Alexandre était prisonnier dans sa tour d'ivoire, prisonnier d'un contrat sans fin.

S'il était resté le même homme, Margot avait du changer. Il la connaissait, elle ne s'était pas laissée abattre, Margot était une lionne prête à se battre et prête à continuer d'avancer. Il savait qu'elle avait réussi son année sans trop de mal, ce qui ne l'a pas étonné. Margot était une guerrière, assoiffée de réussite et elle le lui avait prouvé jusqu'au dernier instant.

Elle avait du changer, tout comme le numéro de téléphone d'Alexandre. Il était maintenant comme un inconnu pour elle. Peut-être avait-elle effacé son numéro ? Après tout ils ne s'étaient rien promis.

Margot avait aimé Alexandre et Alexandre avait aimé Margot.

Lorsqu'Alexandre entendit une voix masculine l'appeler : C'est qui ? en arrière-plan, c'est comme-ci on lui tranchait le cœur pour la deuxième fois. Peut-être qu'elle était passée à autre chose ? et Alexandre ne pouvait pas le lui en vouloir, même s'il était malade de la situation. Il n'avait pas le droit de revenir et, de encore une fois, la rendre triste. Ce qu'ignorait Margot, c'est qu'en quittant l'appartement, Alexandre avait hésité suffisamment longtemps sur son seuil pour entendre les cris de détresse du cœur de Margot. Ses peurs et ses sanglots, qu'il n'avait jamais pu oublier.

Ce jour-là, Margot avait demandé une deuxième fois qui était à l'appareil, mais personne n'avait répondu.

Ce soir-là sur scène, le chanteur Alexandre Lambert, après un concert exceptionnel au Wembley Stadium, après avoir été applaudi par la foule et, après avoir été vivement félicité par son manager, s'écroula en pleurs contre la porte de sa loge. Et ça, personne n'aurait pu l'imaginer.

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