Comme prévue, je reste à la maison aujourd'hui. Mon état a empiré et papa a suggéré à maman d'appeler le médecin. Évidement elle a dit qu'elle le ferait si mon état ne s'améliore pas d'ici demain.

« Mamie devrait arriver d'ici trente minutes maximum, papa est déjà parti et moi je dois y aller. N'ouvre la porte à personne et ne répond pas au téléphone Anya ! » me lance ma mère depuis la cuisine et j'acquiesce.

Il est 8h30, je suis dans mon lit et je regarde les premiers rayons de soleil frapper sur le toit transparent. Mr Moustache est dans mes bras et la maison est d'un calme profond quand tout à coup, quelqu'un frappe à la porte.
« N'ouvre la porte à personne et ne répond pas au téléphone Anya. »
La voix de ma mère raisonne dans ma tête mais je lui désobéis et je me dirige en direction de la porte d'entrée. C'est sûrement mamie. Mais en arrivant devant la porte quelque chose me retiens. Et si ce n'était pas mamie ? J'y réfléchis à deux fois et puis je décide de prendre mon courage à deux mains et j'ouvre la porte.

- Bonjour bonjour ! S'écrie Georges.
- Georges ? Mais que faites-vous ici encore une fois et si tôt ?
- Je suis venu voir si tu vas mieux. Ta température est descendue ? Tu as pris des médicaments, dis moi ? s'exclame-t-il.
- Mais comment savez-vous que je suis malade ? Ce sont mes parents qui vous en ont informés ?
- Jeune fille, je te connais par cœur. Tu n'es pas sortie prendre le bus ce matin et tu es allée te coucher dès que tu es rentrée de l'école hier.
- Vous m'espionnez ? Vous me faites peur, je devrais appeler la police !
Je tends alors la main pour attraper le téléphone du bout des doigts mais Georges me retiens et dit :
- Je suis venu ici pour faire connaissance, pour que tu ne sois plus effrayée de ma présence. Tu n'as vraiment pas de raison d'avoir peur de moi, je viens justement te le prouver.
Pour je ne sais quelle raison, j'accepte, ce qui ne me ressemble pas du tout. On s'assoit dans le canapé.
Je commence à poser les questions :
- D'où venez vous ?
- De Saint-Dizier, comme toi.
Drôle de coïncidence.
- Et depuis quand me connaissez vous ?
- Depuis quelques temps, un an je dirais. Et s'il te plaît Anya, tutoie moi.
- Et comment m'avez vous connu ? Je ne vous connais pas moi. Pourquoi ?
- Parce que tu n'en avais pas besoin. Et je ne pense pas que tu sois prête à en connaître la raison.
- Alors dis moi Georges, pourquoi j'ai besoin de te connaître maintenant ?
- Parce que dorénavant je te serais utile.
- Je ne comprends pas, en quoi tu pourrais m'être utile ? Tu débarques comme ça à n'importe quel moment,  sans te soucier du reste du monde. Regarde, tu es là dans mon salon alors que dans moins de quinze minutes ma grand mère va arriver. Tu ne connais pas mes parents mais pour autant tu entres chez eux comme un voleur. Honnêtement je ne pense pas que mamie appréciera de me trouver assise à côté d'un vieil homme qu'elle ne connaît pas et qui de toute évidence n'a rien à faire là.
- Détends toi Anya ! Durant toute l'année, et même à Saint-Dizier j'étais là. Pourtant personne ne m'a vu, ai-je tord ? Même toi tu n'avais jamais remarqué ma présence. Pourtant j'étais bien là, je connais tous tes rituels, tes mimiques et tes défauts.
- D'accord, si vous le dites. Mais, ça ne change pas la situation. C'est malaisant ! Nous n'avons pas le même âge, vous aimez la couleur bois alors que moi je rêve d'une tour de princesse. Nous n'avons rien à faire ensemble et je ne comprends pas votre intérêt à mon égard. Je propose que l'on instaure des règles, sinon j'en parle à mes parents.
- Des règles ? Explique toi.
- J'aimerai que tu arrêtes de m'espionner, que tu ne viennes pas quand je suis en compagnie de ma famille et surtout que tu ne surgisses pas en plein milieu de la nuit dans ma chambre parce que ça, c'est vraiment flippant !
- D'accord Anya, d'accord.  Et il se met à rire quand la porte d'entrée s'ouvre : mamie.

Ma grand mère, d'une classe incroyable entre dans la pièce. Elle est vêtue de blanc, parfaitement maquillée et je sens déjà son parfum d'ici.

- Bonjour la petite puce d'amour à sa mamie. Viens dans mes bras ! S'exclame-t-elle.
Je me retourne, inquiète qu'elle remarque Georges mais évidement il a déjà disparu. Il faudra vraiment que je lui demande comment il fait pour disparaître si vite alors qu'il a une canne et qu'il ne peut pas courir.

- Bonjour mamie.
Je m'avance vers elle pour lui faire un câlin.
- Tu vas mieux ma chérie ? Tu as encore de la fièvre ? Tu as les joues rouges !
- Non je ne vais pas mieux et oui j'ai toujours de la fièvre. Mais pourquoi tu me poses les mêmes questions que Georges ? Tu veux savoir si j'ai pris mes médicaments aussi ?
- Georges ? Qui est ce Georges ma petite puce ?
- Euh... C'est... Non rien oublie.
- Non Anya, tu vas m'expliquer ça de suite sinon j'en ferais part à ta mère.
- Bon d'accord, mais je t'en supplie, ne dit rien a maman ! C'est un homme, un vieil homme qui vient aussi de Saint-Dizier et qui veut être mon ami, pour résumer.
- Un vieil homme qui veut être ton ami ? Tu en as parlé à tes parents au moins ?
- Non, la première fois que je l'ai vu il était dans ma chambre et il a disparu. Aujourd'hui il était avec moi dans le fauteuil lorsque tu as ouvert la porte il a disparu.
- Mais ma chérie, c'est la fièvre qui te fait délirer ! Il n'y avait personne avec toi dans le fauteuil ma puce. J'arrangeais les fleurs des jardinières sur le rebord de la fenêtre, et je t'ai observée de longues minutes. Il n'y avait personne d'autre que Mr Moustache chérie. C'est à lui que tu parlais.
- Tu m'as observée ? Il n'y avait personne ? Tu es sûre mamie ?
- Oui chérie. Tu sais ma pupuce, c'est normal d'avoir des amis imaginaires à ton âge. Moi aussi j'avais un ami imaginaire, c'était Michel. Sauf qu'il avait mon âge. Pourquoi t'imagines-tu une amitié avec un vieil homme ? Il s'agit du fruit de ton imagination. Tu peux imaginer tout ce que tu veux d'autre qu'un vieil homme du nom de Georges ma bichette.

Il faut toujours qu'elle débite tous ces mots si vite.

- Mais Mamie, ce n'est pas un ami imaginaire. Puisque je te dis qu'il était là !
- Oh ma chérie, ne t'en fais pas, ça passera. Tu vas prendre tes médicaments et aller te reposer, tu en as besoin. On verra à ton réveil ce qu'on peut faire pour ce Joël.
- Georges mamie.
- Oui, Georges, Joël, c'est du pareil au même.

Elle m'a fait avalé la tonne de médicaments que maman avait soigneusement préparé dans un petit sac sur la table et m'a envoyé au lit.  Pour me soulager le coeur, je me suis plaints à Mr Moustache.

- Pourquoi elle refuse de croire que Georges existe ? Est-ce qu'elle pense que je suis folle ? D'habitude, s'il y a bien quelqu'un qui me croit, c'est mamie. Je lui raconte mes secrets et elle ne remet jamais ma parole en doute. Mais aujourd'hui c'était différent. Elle était persuadée qu'il n'était pas là. Mais tu étais avec moi Moustache, tu as vu que j'ai ouvert la porte d'entrée, tu as vu qu'il était planté là avec un grand sourire sous sa moustache blanche. Je suis sûre qu'il était là, je ne parlais pas toute seule. 
Je me retourne pour prendre place dans mon lit afin de m'endormir. C'est alors que je vois un post-it jaune sur ma table de nuit où il est inscrit « Je viendrai vers 17h30. Je dois te présenter quelqu'un. -G »

- G ? C'est forcément Georges, je ne suis pas folle Moustache ! Il était là, et il est sorti par ma chambre avant que mamie ne le voit. Il avait bien insisté sur le fait qu'on ne nous verrait pas ensemble ! Au moins, avec ce post-it j'ai la preuve qu'il existe. Je le montrerai à mamie demain.
Je m'endors.

La journée se passe normalement, je reste avec mamie, elle prépare de la purée et du jambon pour le dîner, je fais la sieste en après-midi. Globalement je vais mieux qu'hier.

***

17h30, comme prévu, Georges arrive en passant par la fenêtre de ma chambre, accompagné d'une jeune fille qui reste de dos.

Georges engage la conversation :
- Je pense que le moment est venu de faire les présentations. Anya voici Mercy. Mercy, voici Anya.
La jeune fille se retourne et c'est à ce moment là que j'ai réalisé.

Cette Mercy, elle me ressemble énormément ! Même un peu trop en fait !