41

Cela faisait plus de quatre mois que Jisung et Minho étaient repartis en Australie, plus heureux que jamais, et je devais l'avouer, ils me manquaient.

Chan et Hyunjin étaient venus passer une semaine il y a deux mois, ils me manquaient aussi.

Felix n'était jamais venu en Corée. Son absence m'étouffait toujours autant. Il me manquait à en crever.

Je me sentais seul, plus que jamais.

Ma sœur était partie à Busan reprendre ses études, mes parents travaillaient, j'enchaînais encore mes deux boulots pour essayer de me détendre et vider le cerveau, depuis un mois je sentais que ça commençait à marcher.

Avec honte, j'avais fini par accepter que désormais le plus dur, c'était l'abstinence.

Huit (très) longs mois sans sexe, c'était plus qu'insoutenable et si je continuais comme ça j'allais finir par avoir des cloques aux doigts. Ça c'était la maxi honte.

- Quatre burgers, quatre frites et quatre sodas, trente cinq mille wons s'il vous plaît.

Je l'avais laissé payé puis je lui avais donné son sac de nourriture. C'était vraiment chiant de répéter ça a longueur de journée.

Tout était chiant. La vie était chiante, je m'emmerdais à mourir, j'avais tellement hâte d'avoir assez d'économies pour me tirer d'ici.

J'avais déjà cherché quelques boulots sur la capitale mais rien d'assez intéressant pour lâcher les deux boulots. Mais je commençais tellement marre d'être ici que j'étais bientôt prêt à prendre le prochain boulot qui serait susceptible de m'accepter.

J'avais tapé un début de formule quand un client était apparu devant moi. Roh putain tu veux pas bouffer ailleurs toi pitié... j'avais marmonné en anglais entre mes dents avant de relever la tête.

- Pas très poli ça, avait soufflé, presque en chuchotant le jeune homme sous son masque et ses lunettes de soleil.

Il ne faisait plus aussi chaud et beau ces derniers temps, avec son bob noir sur la tête il faisait presque peur.

- Excusez-moi, c'est la fin de journée... Enfin bref. Vous désirez ?

- Te parler, avait-il dit d'une voix plus claire mais toujours assez basse pour être sûr que je sois le seul à entendre.

J'étais resté bouche bée, sourcils froncés.

Putain.

Putain putain putain putain putain putain putain de MERDE.

J'étais resté bien une longue minute sans bouger ou même prononcer quoi que ce soit a essayé de me rassurer en me répétant que ce n'était pas lui.

Pitié non. Ou j'allais me mettre à chialer devant tout le monde, c'était trop gênant.

- À quelle heure est ta pause ? avait-il continué en replaçant correctement ses grosses lunettes de soleil sur le nez.

- Je finis dans une demie heure... J'avais répondu mécaniquement.

Après un lourd ravalement de salive, il avait hoché la tête, tourné les talons puis il était allé m'attendre dehors, pas très loin de la plage. La nuit allait bientôt tomber, j'avais commencé à travailler depuis cinq heures du matin avec d'abord la salle de sport puis l'alimentaire. J'étais épuisé, c'était sûrement ça, je délirais. J'avais besoin de fumer.

Oui, délire, c'était du délire, je devenais barjo, le manque de sommeil, les nombreuses soirées alcoolisées, le cumul de travail, tout ça m'avait rendu dingue, au point d'entendre Felix parler quand c'était les autres.

J'avais attendu sagement une demie heure, enfin sagement, autant que j'avais pu. Mes mains tremblaient, mes yeux se mettaient parfois à mouiller avant de se sécher la seconde suivante.

Quand mon manager s'était pointé pour me dire de filer, je n'avais même pas pris le temps de me changer ou même de prendre mes affaires. J'avais foncé par la porte client, un poil trop rapide.

Il était toujours là, à m'attendre assis sur un bloc de pierre pas loin de la plage. En jetant un coup d'œil autour, j'avais vu trois hommes un peu plus loin qui guettaient le moindre mouvement. C'était lui.

Putain.

Putain putain putain putain putain putain putain de MERDE.

C'était lui !

- Qu'est-ce que tu fais à bosser là dedans ? avait-il commencé.

- C'est alimentaire...

Il avait hoché la tête avant de soupirer doucement. Un long silence gênant avait suivi, où lui comme moi en avions profité pour admirer la mer, le ciel qui s'assombrissait un peu plus au fil des secondes, les vagues se calmer, l'air frais s'installer. J'avais saisi mon paquet de cigarette pour en sortir une, allumée rapidement puis un long soupire traversa ma gorge. Bordel ça ne me détendait pas !

- Qu'est-ce que tu fous là bordel ?! j'avais explosé en me levant soudainement.

Mes mains s'étaient posées sur le haut de ma tête, mon sang pulsait à mille à l'heure dans chacune de mes veines, le coeur qui allait exploser par les émotions.

- Changbin, écoute moi-

- NON ! j'avais hurlé avant de souffler. Toi, écoute moi ! Tu m'as brisé le coeur, je n'ai eu aucune nouvelle depuis huit mois, tu as fait ta vie avec les stars, tu as vécu comme tu l'as toujours voulu, sans moi, et tu débarques à vingt-et-une heures comme si de rien n'était ?!

Il avait retiré ses lunettes ainsi que son bob pour que je puisse voir ses yeux.

Il avait de beaux cheveux violets, bouclés, qui bougeaient lentement, comme s'ils dansaient avec le vent.

Mais qu'est-ce que je racontais comme connerie.

- Changbin-

- Attends ! Bordel Felix ça fait des mois que je suis au bord du gouffre, je te vois vivre ta meilleure vie, ça m'a fait encore plus mal ! Pas une seule fois tu as essayé d'avoir de mes nouvelles ! Pas un seul appel, aucun texto, même une lettre j'aurai pris !

Il était resté silencieux, ses yeux magnifiques me fixaient et à ce moment là je m'étais mis à détester le soleil de disparaître pour m'empêcher de l'admirer un peu plus longtemps.

- Changbin, tenta-t-il avant de reprendre, voyant que je n'allais plus l'interrompre. J'ai parcouru des milliers de kilomètres, je me suis embrouillé comme jamais avec mon père quand j'ai su qu'il t'avait renvoyé, j'ai cherché ton ami partout dans la ville, au passage très long à trouver car apparemment il était ici, et quand il m'a enfin dit où tu étais, j'ai foncé à l'aéroport pour venir jusqu'à toi.

- Super, maintenant tu es là, profite du paysage, dommage que tu ne sois pas venu pendant la pleine saison, il n'y a plus rien ni personne ici.

- Changbin je t'aime.

...

Hein.

- Changbin je t'aime, avait-il répété avant de déglutir si bruyamment que probablement les dernières mouettes qui survolaient la mer l'avaient aussi entendu. J'ai fait le con et ça fait huit mois que je n'arrive plus à dormir à cause de mes erreurs. De ma plus grosse erreur, celle de t'avoir laissé partir en te laissant croire que je n'éprouvais plus rien pour toi.

- Arrête Felix... Je t'en supplie... j'avais quémandé en détournant le regard. Ne pas céder, ne pas céder, ne surtout pas céder. J'ai eu beaucoup trop mal par ta faute, je ne veux plus revivre ça parce que tu as des remords.

- Je ne m'attends pas à ce que tu me sautes dans les bras, mais ne compte pas sur moi pour te lâcher. Pas encore.

J'avais froncé les sourcils, je n'arrivais pas à comprendre où il voulait en venir là.

- Qu'est-ce que tu fous là... je râlais en revenant m'assoir à côté de lui. Tu ne devais pas rester au moins un an aux Etats-Unis dans ton entreprise ?

Il avait levé les épaules avant de pouffer.

- Si, je devais.

- Qu'est-ce que tu fiches là alors ?

- Tu me manques.

Toi aussi, bordeeeeeel tu me manques, tu me manques trop, je t'aime tellement.

Mais je n'avais aucune envie de le lui dire, je n'avais pas envie de lui donner ce plaisir, j'avais trop souffert par sa faute, ce n'était pas un désolé je t'aime tu me manques qui allait marcher. Quoi que.

- Au cas où tu ne l'avais pas compris, je vais te draguer, compléta-t-il.

- Me draguer ? Carrément ?

Il hocha la tête, j'avais même eu droit de l'entendre rire un peu.

Oh pitié embrasse-moi. Roule-moi la plus grosse pelle de ta vie, aime-moi, câline-moi, je t'en supplie.

- Si tu as du temps à perdre... j'avais soupiré.

Felix et moi étions restés encore un moment face à la mer, il avait meme essayé de poser sa tête sur mon épaule mais ce fut le moment où j'avais compris qu'il était temps que je parte rendre mon uniforme puis récupérer mes affaires pour rentrer chez moi.

J'avais laissé Felix seul avec ses gardes du corps près de la mer, même si au fond j'espérais le retrouver demain.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top