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Les bras croisés sur ma poitrine, je regardais avec autant d'admiration que de désespoir mon très cher collègue et ami essayer de mentir à son plan cul régulier. Si Minho n'avait pas pu comprendre que si Jisung ne passait plus le voir c'était qu'il croulait sous le travail et les dossiers en attente, il n'avait encore moins compris quand Jisung lui avait malencontreusement dit qu'ils n'étaient pas un couple et qu'il ne lui avait rien promis à part des nuits de folies. Et cette promesse, il l'avait tenu d'après ses dires.
D'un côté, je comprenais que Jisung ne voulait pas sortir avec Minho. On était dans un travail où plus la vie privée s'effondrait, mieux notre carrière se portait. De plus, il n'avait aucun moment à lui accorder, encore moins maintenant que le mois de novembre était arrivé depuis exactement trois jours. La soirée d'Halloween était enfin finie, j'y étais passé avec Jisung et Minho, j'avais pu apercevoir Felix, déguisé en vampire, s'amuser avec tous ses amis super-stars mais il était rentré assez tôt et j'avais même eu droit de me faire pomper la queue par Dracula. C'était plutôt sympa. Durant cette petite soirée intime avec ses 350 invités, mes deux amis avaient dansé ensemble le temps de trois chansons, c'était un spectacle tellement romantique que j'en avais presque pu être jaloux. Ils s'appréciaient, ils s'admiraient, peut-être même qu'ils s'aimaient.
Jisung aimait Minho et Minho aimait Jisung, aucun des deux ne me l'avait dit mais je le sentais. C'était plus qu'une nouvelle expérience ou plus qu'un crush, ces deux là qui s'étaient retrouvés par hasard à flirter étaient plus qu'une histoire de sexe. C'était bien mignon tout ça, malheureusement leur histoire aurait très bien pu marcher si on ne travaillait pas ici. Minho avait beau travailler bien moins que nous, ça restait dix heures consécutives fatigantes.
- Minho, non je ne te déteste pas... Soupirait pour la centième fois mon ami tout en se massant les tempes.
- Alors quoi ?! Tu ne ressens rien pour moi ? Pas même de l'ennui ? Je ne suis vraiment rien pour toi ?
Au fil de ses mots, sa voix se brisait lentement pour finir par s'éteindre tristement à la fin. J'aimais les dramas bordel, encore plus quand ils étaient gratuits, en direct et que je n'étais que spectateur.
- Bordel je n'ai pas dit ça ! Bien sûr que tu comptes pour moi, si ça n'était pas le cas on n'aurait pas fait tout ça à Halloween ! S'écriait désespérément mon pauvre Jisung.
Mais avec des airs de drama queen, Minho se contenta de lui jeter un regard déçu avant de s'enfuir de notre bureau, les larmes aux yeux et les lèvres recouvertes de sa main pour s'empêcher de sangloter trop fort. Jisung le regardait partir mais il n'avait même plus la force de courir ou même de se battre, il n'était rentré chez lui que pour deux heures. Jisung était crevé, qu'il ne soit pas en couple l'empêchait aussi une autre charge lourde sur les épaules qui pourrait finir par l'achever.
Mais de l'autre côté, je comprenais Minho. Bon, pas son comportement ridicule mais je comprenais qu'il puisse se sentir blessé ou utilisé, il pensait être en couple avec un garçon génial au final il se retrouve célibataire à cause d'un blaireau qui ne sait pas faire de choix en dehors de son travail.
Jisung s'était rassis brutalement sur sa chaise puis ses mains s'étaient faufilés dans sa chevelure blonde pour qu'il en tire les racines de rage. Je soupirais, c'était à mon tour d'entrer en scène. Je m'étais approché de lui et dès que mes fesses avaient rencontré son bureau pour que je puisse m'y asseoir, il avait brutalement relevé la tête vers moi. Contrairement à Minho, il ne pleurait pas, il n'avait même pas les yeux brillants comme dans les films. Ses yeux étaient vides, teintés de cernes.
- Qu'est-ce que tu fais ? On retourne bosser là, on a encore perdu du temps avec toutes ces bêtises, pouffait-il sans trop d'envie.
- Jisung... Je soufflais. C'est bon. On a encore bossé toute la nuit. Comment ça se fait qu'on ait encore autant de travail ? On passe en moyenne une centaine d'heures ici à charbonner mais c'est comme si y en avait toujours plus.
- C'est le cas, me confirmait Jisung. Mais c'est parce qu'on arrive en fin d'année, il y a toute les fêtes, les défilés, les expositions aussi et les shooting et...
Jisung n'avait pas fini sa phrase, il l'avait juste laissé en suspend, il semblait soudainement encore plus accablé par tout ce qui allait arriver.
- Ouais, mais toi dans tout ça ? Je tentais.
Il avait relevé son regard vers moi et il haussa les épaules, s'abandonnant à son triste sort.
- Ça sera pour plus tard.
C'était chaotique.
***
J'étais face à mon plateau qui n'était rempli que d'une assiette de salade sèche mais pourtant, les regards jugeurs des autres autours me donnaient envie de vomir. J'étais là, comme un con, au milieu de la cantine que je fréquentais peu à cause des autres. Être seul ne me dérangeait pas tellement d'ordinaire mais là je devais avouer que j'avais très envie de me transformer en petite souris pour m'échapper de ce piège à rat. J'entendais les autres se demander si je me mettais enfin à un régime, j'allais me lever lorsque Amanda c'était posé avec son plateau face à moi.
Oh non, pas elle, je me disais en forçant un sourire.
Elle avait une nouvelle manucure, un tailleur rouge et une jupe de la même couleur si serrée qu'on pouvait presque voir la forme de ses lèvres. Cette entreprise était le festival des parties intimes, d'abord moi avec mon pantalon craqué, ensuite Amanda avec sa jupe trop serrée. Amanda n'avait rien sur son plateau, à part une misérable pomme et un fond de soupe bio. C'était encore moins nourrissant que ma salade. Peut-être que ce refus total de nourriture expliquait sa taille de guêpe.
- Salut Changbin, c'est rare de te voir ici ! Gloussa-t-elle en s'asseyant.
- Ouais... Je suis épuisé, Jisung m'a forcé à prendre une pause donc j'en profite pour manger...
- Ah ouais cool, dis tu l'as acheté où ta boucle d'oreille ?
OK, cette grognasse ne faisait même pas semblant de m'écouter. Je soupirais lourdement, ne pas m'énerver. Je ne devais pas m'énerver, je ne devais pas l'insulter.
- Je ne sais pas, c'est mon copain qui me les a offertes...
- C'est ce que je me disais, elles sont trop chères pour toi, avait-il dit naturellement sans même me regarder.
Je clignais des yeux à nombreuses reprises.
Sale raclure.
- Je gagne bien ma vie tout seul aussi et c'était un cadeau, la valeur ne compte pas, je lui faisais remarquer en serrant mon poing sous la table.
- Oh c'est bon on est amis, tu peux me le dire à moi ! Tu fais quoi toute la journée ? Tu bois du café ? Tu boucles deux dossiers ? Ça ne doit pas payer des masses ça.
Je mordais furieusement ma lèvre inférieure, si jusque là je m'étais forcé à garder mon calme, ceci n'allait pas passer. Même par respect pour Felix et Jisung, je ne devais pas laisser passer.
- Je te ferais remarquer que Jisung et moi travaillons parfois jusqu'à trente cinq heures d'affilée sans poser un seul pied chez nous. On doit boucler tous vos dossiers parce que, feignasses que vous êtes, c'est trop dur, mais nous avons notre propre travail en plus. Alors si, on travaille cinq, voir dix fois plus que vous, pour le même salaire. Je le sais, c'est moi qui ait terminé le dossier des dernières fiches de paie annuels.
Amanda était restée bouche bée, ça faisait foutrement du bien de plus l'entendre jacter pour rien. Je m'étais levé, dégoûté, puis j'avais saisi mon plateau avant de me pencher vers elle pour la regarder dans les yeux.
- Et ce rouge ne te va pas du tout au teint en plus de te boudiner, on dirait une grosse tomate.
C'était débile comme remarque mais c'était ce qui marchait ici. Ses yeux s'étaient écarquillés mais elle n'avait encore rien dit. Ça, ça l'avait achevé. Je m'étais checker moi-même mentalement en sortant de cette cantine puis alors que je montais vers le bureau, j'avais aperçu au loin Amanda courir en dehors du bâtiment, sûrement pour s'acheter une nouvelle tenue. C'était hilarant et sacrément simple de manipuler ces imbéciles.
En rentrant dans notre bureau, j'avais immédiatement fermé la porte derrière moi puis je m'étais posé sur ma chaise en soupirant.
- Bien mangé ? Me demandait Jisung sans lever les yeux de son ordinateur.
- Non, mais c'était assez cool finalement.
- Ah ouais ? T'es pas tombé sur toutes les hyènes ?
J'haussais les épaules en rallumant mon ordinateur.
- Si.
Jisung fronçait ses sourcils en me jetant un regard puis il gloussait.
- Tu sais, je m'excuse, lançait-il soudainement.
- On ne s'excuse jamais soi-même, je soufflais en ouvrant Excel.
Ses yeux avaient grimpé jusqu'au ciel alors que je réfrénais un rire. Il s'était à nouveau raclé la gorge puis il avait repris.
- Excuse-moi.
- Je t'excuse. Mais de quoi en fait ?
- L'autre jour, je n'avais pas compris que tu étais sérieux quand tu me demandais si tu étais beau.
Je relevais mon regard pour l'encrer dans le sien. Je n'avais pas caché ma surprise, j'étais assez étonné qu'il m'en reparle de ça, aussi soudainement. Jisung déglutit puis il s'était levé pour venir poser son gros cul sur mon bureau.
- Bien sûr que tu es beau. Et tous ce que ces tarés de cette entreprise te disent, tu t'en fous. Déjà la plupart sont racistes sans même le savoir, ensuite y en a pas un pour rattraper l'autre. T'es mon pote, et je te trouve trop sex.
- T'aurais pu trouver autre chose pour la fin.
- T'aurais pu dire merci mon Jisung d'amour j'ai envie que tu me mettes enceinte.
On avait fini par rire tous les deux avant de se taper dans la main. Je lui souriais, un peu timide tout de même, ça faisait très gay cette ambiance, je commençais même à avoir peur qu'il me saute dessus à la minute suivante.
- Rassure-moi t'as pas envie de me pecho ? je demandais pour m'en assurer.
- Eurk, m'avait-il répondu toujours posé sur mon bureau. Non, je dis ça en tant qu'ami. Rassure-moi on est ami ?
- Bien sûr, je gloussais en tapant à nouveau dans sa main. Pour être franc, tu es le seul ici. Tu sais pas ce qu'elle m'a sorti Amanda ? "Ouais on est amis" alors que dès que je la croise je la fuis.
Jisung secouait sa tête.
- Elle est collante, le pire ça reste Mike.
- C'est qui lui ?
- Un gars, un américain, il est très populaire. Il se la pète parce qu'apparemment il s'est tapé la queen.
...
Pardon ?
Je clignais a des nombreuses reprises mes paupières puis quand je commençais à comprendre, mon sang n'avait fait qu'un tour.
Je fronçais les sourcils et je m'étais levé à mon tour pour me mettre face à mon ami, un air sévère plaqué sur mon visage.
- Qu'est ce que tu viens de dire ?
Jisung haussait les épaules, seulement ça ne me suffisait pas comme réponse. Pas du tout. Je sentais mon coeur battre à 500 à l'heure tellement l'angoisse s'emparait de moi. C'était impossible, impossible qu'il parle de la Queen, de Felix, MON Felix. J'avais dégluti bruyamment, ce silence m'agaçait. En plus de senteur la peur grimper, je sentais aussi la rage. C'était impossible bordel.
- Il travaille où ? Je demandais froidement en récupérant mon téléphone.
- Pourquoi ça t'énerve même ? En plus c'est qu'une rumeur, il a sorti ça y a trois semaines personne ne l'a cru. C'est qu'un sale mytho.
- Quel étage ? Je répétais.
- Ne te vexe pas mais tu es bien trop bizarre chaque fois que ça concerne Felix Lee, il te plaît ou quoi ?
- C'est mon mec alors dis moi où est ce putain de Mike de MES PUTAINS DE COUILLES ! J'hurlais en rapprochant mon visage du sien.
Jisung était resté bouche bée alors que ses yeux s'écarquillaient en même temps que l'information montait à son cerveau. J'avais posé mes mains sur ma bouche, j'avais encore trop parlé putain de merde, non non non ! Je posais rapidement mes mains sur les lèvres de Jisung cette fois ci en l'obligeant avec des gros yeux et un regard sévère à s'asseoir sur la chaise sans mot. J'avais attendu qu'il se taise encore deux petites minutes puis j'avais fini par le lâcher quand il s'était mis à lécher la paume de ma main.
- Spill the tea, il m'avait ordonné en posant ses pieds sur mon bureau pour être parfaitement à l'aise en m'écoutant raconter ma vie.
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