10
J'étais avachi sur ma table, ma tête reposait sur mon bras tendu tandis que mon autre main continuait de faire défiler les noms sur l'écran de mon ordinateur. J'essayais de voir qui serait assez bien pour être invité à la soirée de fin d'année, apparemment il fallait s'y prendre tôt ou bien les grandes stars ne pourraient pas venir puisqu'elles auraient dit oui avant pour une autre soirée. Problèmes de populaire. Je soupirais encore un fois jusqu'à que la porte de mon bureau ne claque soudainement, me faisant sursauter au passage. Jisung était tout essoufflé devant moi, les cheveux en bataille, les yeux écarquillés comme si il venait de croiser un démon. Je l'avais regardé avec peur quand il fermait notre porte en verre à clé pour venir s'approcher de moi. J'avais eu encore plus peur lorsqu'il s'était posé devant moi pour venir me regarder encore plus près dans les yeux. Puis, quand je m'apprêtais à hurler au secours, un énorme sourire s'était dessiné sur ses fines lèvres, en les regardant de plus près j'y voyais du brillant à lèvres partout autour de sa bouche.
- JE L'AI FAIT ! Hurla-t-il soudainement.
- H-Hein ? Je bégayais après un autre petit sursaut suite à ce cri tout droit sorti de ses entrailles.
- JE L'AI FAIT PUTAIN CHANGBIN JE L'AI FAIT !
- De quoi ? Tu as enfin pu baiser ? Je pouffais ironiquement avec tout de même une pointe d'espoir.
Jisung avait levé les yeux au ciel mais pourtant, son sourire ne s'effaçait pas, il était presque communicatif. Mon ami s'était même mis à rire, sûrement trop heureux, mais trop heureux de quoi ? Je n'en savais rien et j'espérais changer ça rapidement.
- Tu as fait quoi ?
- MINHO !
- Arrête d'hurler... Je gloussais. Vous l'avez fait ? Où ? Tu sais que dans les toilettes y'a des caméras.
- Abruti, je l'ai embrassé.
- Sérieux ?! C'était comment ? Il embrasse bien ? T'as mis la langue ?
Jisung avait hoché frénétiquement la tête tandis qu'il prenait place sur mon bureau pour mieux me raconter sa petite histoire forte intéressante. Il se racla la gorge ensuite, il me regarda dans les yeux.
- On était tous les deux en train de prendre un café, bon en vérité j'étais allé à son étage pour le voir puis je l'ai vu tout seul du coup j'en ai profité, tu vois ? J'hochais la tête sans rien dire pour l'inciter à continuer. Donc on a commencé à discuter, j'essayais de rester neutre mais tu le connais, il est méga attirant ce mec, vraiment, en tant qu'hétérosexuel, il m'attire de dingue.
- Pas si hétéro...
- Et au fur et à mesure que je parlais, je le sentais plus distrait mais pas parce qu'il y avait autour, il me regardait MOI ! Cria-t-il. Donc je lui demande ce que j'ai, est-ce que j'ai la moustache de la mousse à café, pourtant j'avais bien passé ma langue vite fait pour la retirer donc je comprenais pas. Il m'a dit "non non, continue", donc moi je continue, et tu sais pas quoi ?! Il a pris ma cravate et il m'a roulé la pelle de ma vie ! Comme ça, devant tout le monde ! C'est pas dingue ça ?!
Je poussais un cri de victoire puis je lui tapais dans la main pour le féliciter avant de retrouver un peu de sérieux pour la suite de son histoire. Mais après trente secondes à se regarder dans les yeux, il n'avait toujours rien dit, il avait encore son sourire idiot collé à son visage. J'avais soupiré très fort, perdant mon sourire au passage.
- Tu ne l'as pas invité à sortir, je me trompe ?
- Il est parti juste après m'avoir embrassé, et j'étais complètement chamboulé, je... Il avait dégluti lourdement en regardant un peu partout pour être sûr que personne ne nous entendait puis il s'était approché de moi pour me parler tout bas. Je bandais mec !
Je l'avais regardé dans les yeux avant d'exploser de rire.
- Pour un baiser ?
- Je te rappelle qu'on se rapproche des cinq mois d'abstinence et un mois sans branlette, ça commence à peser très lourd en bas, soupirait-il d'un air dramatique.
- Oh putain... Je grimaçais, sincèrement désolé pour lui.
Jisung était un homme comme un autre, un être humain et comme tout être humain, homme ou femme, il avait des besoins naturels qu'il fallait satisfaire pour être bien. Les besoins sexuels en faisaient partis, sûrement des restes de nos ancêtres animaux, mais c'était ainsi. Se retenir depuis tant de mois, ça relevait presque de la torture pour quelqu'un qui avait une vie sexuelle auparavant active. Désormais, la sienne était enterrée, et moi j'avais décidé de la ressusciter. Tout reposait sur les épaules de Minho, il devait être le sauveur tant attendu.
- On s'habitue... Tentait-il.
Je secouais la tête négativement sans perdre ma grimace de compassion.
- Non.
- Ouais non, soupirait-il. Mais Minho commence à vraiment bien me plaire, j'aimerai bien tirer mon coup avec lui mais quand ?! Je suis constamment en train de bosser, je n'ai même pas le temps de chercher un autre travail alors je suis obligé de continuer celui-là, je suis crevé.
- Qu'est-ce que tu as fait comme études ?
- J'ai fait des études scientifiques puis après je me suis rendu compte que ça ne m'intéressait pas du tout alors je me suis tourné vers le journalisme.
- Journalisme ? Pourquoi tu te retrouves à faire les fins de boulot des autres ?
- Parce que le patron m'a dit y a un an que j'occuperais cette place juste le temps de m'habituer dans l'entreprise.
Mes sourcils s'étaient froncés tandis que je plongeais dans mes souvenirs pour me rappeler qu'on m'avait dit la même chose à mon arrivée.
- Moi aussi il m'a sorti ça...
Jisung avait pouffé.
- On s'est fait avoir, j'avais rajouté.
- Ce n'est pas possible mec, on ne peut pas rester ici. On fait des horaires atroces, on se fait traiter comme de la merde par les autres, on est tout en bas de l'échelle et on pourra jamais grimper parce qu'ils nous ont donné un escabeau. Faut qu'on essaie de chercher ailleurs...
- Tu as raison, j'affirmais, soudainement déterminé.
- Marre de ce taf pourri !
- Ouais, j'en ai plein le cul !
On allait continuer notre petite révolution lorsque quelques coups sur la porte en verre nous avaient interrompu. Jisung s'était remis sur ses pieds pour aller ouvrir à une jeune femme, Amy, assez cool mais bien hypocrite, comme à peu près tout le monde ici à l'exception de mon ami. La jeune femme nous avait souri à tout les deux avant de donner un énorme dossier vert à Jisung dans ses mains en lui demandant de le finir pour demain soir car il était tard et qu'elle voulait rentrer chez elle. Nous aussi, on aimerait bien.
Lorsque mon alarme sonna à minuit, je m'étais saisi de mon téléphone pour appeler Felix et le prévenir que j'allais encore rentrer tard ce soir même si l'heure à laquelle je le prévenais désormais était déjà considérée comme un heure tardive, je l'admettais. En déverrouillant mon téléphone, mes sourcils s'étaient froncés quant aux messages que j'avais reçu. Tous étaient en caractères coréens, j'avais mis du temps à comprendre que mon meilleur ami Chan avait enfin découvert l'utilisation des textos. Incroyable, m'étais-je dit en retrouvant le sourire tandis que je me dépêchais d'aller lire les dernières nouvelles.
"Yo mec, comment ça va ? ᕕ( ᐛ )ᕗ Ça fait super longtemps qu'on ne s'est pas vu, beaucoup trop longtemps ;'༎ຶਊ ༎ຶ'; !!! J'ai des tonnes de truc à te dire, et oui je suis toujours avec Hyunjin (*^▽^)/!! Jaloux ou pas ? Tu me diras tout ça quand je viendrais te rejoindre avec lui, il a réussi à nous choper des billets pas trop chers pour le mois de décembre (ᗒᗊᗕ) !!!! T'es content ? Hein que t'es content ? Avoue ( ゚∀ ゚) !! Moi oui, trop content de retourner au pays, et te revoir aussi ! Tu verras, Hyunjin et moi on a même quelque chose à t'annoncer... ⁽(◍˃̵͈̑ᴗ˂̵͈̑) Bien évidemment on va squatter chez toi et ta star hehehe."
"Oh zut j'ai oublié de dire bisous lol ('ゝз・)─☆."
"PS : non, c'est pas un mariage lol."
"PPS : mais c'est tout aussi bien ( ͡ ͜ʖ ͡ )."
En lisant ces quelques lignes, mes doigts avaient pincé l'arête de mon nez tandis que je retenais un énorme fou rire sortir du fond de mes poumons. Chan n'avait pas changé depuis nos années 2013, c'était toujours le même, personne ne pouvait le nier. Malgré ce message hilarant, j'étais quand même très heureux de savoir que j'allais revoir mes deux amis, les deux seuls que je considérais comme tel avant de rencontrer cet imbécile de Jisung. J'étais vraiment heureux. Mais aussi mort de rire, sérieux, qui utilisait autant d'émoticone dans un si court message ?
***
Felix se tenait allongé à côté de moi, il portait une de mes chemises, comme si il n'avait pas assez d'argent pour s'en payer une, ce voleur. Il avait tellement d'argent à lui-seul, il dépassait les milliards avec son papa chéri alors j'aimerai qu'il s'achète ses propres chemises un jour.
Bon, je faisais preuve de mauvaise foi, il était trop mignon avec une chemise trop grande pour son corps mince mais voir les manches retroussées parce qu'elles n'allaient pas jusqu'aux poignets me vexait légèrement je devais l'avouer. Mais si il en portait une, en ce début de matinée, c'était parce que j'étais rentré à la maison il y a une heure environ et mon réveil venait de sonner. Il n'avait encore pas pu s'endormir avec moi, mon petit amour cherchait désespérément quelque chose pour lui rappeler que je n'étais pas loin.
- Bébé... Reste encore un peu, il est cinq heure trente... Soupirait mon petit ami après avoir reposé son téléphone pour regarder l'heure.
- Je dois y aller, Jisung m'a autorisé à rentrer alors que lui, il est toujours au boulot, je chuchotais avant de lui embrasser la joue délicatement.
- Hum... Grognait Felix. À quelle heure es-tu rentré ?
- Deux heures, je répondais dans l'espoir que ça le rassure un peu bien que c'était faux.
Mais non, il m'avait regardé dans les yeux. J'avais presque l'impression que ses prunelles lisaient en moi comme dans un livre ouvert. C'était très déstabilisant.
- Menteur. Je me suis réveillé à quatre heures pour boire et tu n'étais pas ici. Tu es rentré quand ?
- Chéri... Je déglutissais pendant qu'il se redressait pour mieux me faire face. J'essaierai de rentrer tôt ce soir, je te promets que j'essaierai.
- Tu me dis ça tous les soirs.
- Et je te promets que tous les soirs j'essaie de finir tôt. Mais malgré tous mes efforts, ça reste encore compliqué au bureau...
- Reste encore, tu n'as pas assez dormi, c'est mauvais pour toi... Me disait d'une voix basse mon petit copain alors qu'il posait sa main sur ma joue.
- Tu es fier de moi, non ?
- Oui, mais je ne veux pas que mon petit copain perde la santé à cause de son travail.
Je soupirais puis je jetais un coup d'oeil sur l'écran de mon téléphone. Je n'avais pas le temps de trop discuter, je m'étais donc levé, je m'étais habillé sous les yeux embués de fatigue de Felix puis après avoir croqué dans une barre énergisante à la cuisine, j'étais remonté embrasser tendrement mon petit ami qui boudait désormais. En claquant la porte derrière moi, je m'étais saisi de mon téléphone pour appeler un taxi qui devait arriver d'ici quatre minutes ce qui me laissait le temps de finir ma barre puis de souffler un peu pour reprendre mes esprits. J'avais eu droit à une petite pause au moins, j'espérais que Jisung avait pu en faire de même. Lorsque le taxi se gara devant moi, je m'étais mis derrière sur la banquette tout en lui donnant l'adresse et je préparais déjà l'argent de la course. Je lui avais demandé de s'arrêter devant le café de la célèbre marque Starbucks pour acheter deux grands cafés bien mousseux comme on aimait et le taxi avait repris sa course vers le bâtiment de l'entreprise. J'avais eu à peine le temps d'envoyer un "repose toi bien, désolé de t'avoir réveillé mon coeur, je t'aime" à Felix que j'étais déjà en train de tendre les billets au vieux monsieur qui me laissait sortir de son véhicule avec un sourire poli. Je ne savais pas pourquoi mais je ne sentais pas cette journée, peut-être parce que j'avais dormi moins d'une heure. J'allais peut-être devoir prendre l'habitude, les fêtes d'halloween, noël, le nouvel an et la fête national en janvier. Qui était chargé de tout gérer niveau invités ? Jisung et moi, en plus de tous leurs dossiers. Puis je savais déjà qu'on allait nous donner la charge de bien d'autres choses pour les jours avenirs, le travail allait encore plus s'intensifier. Je sentais que je n'allais pas prendre cette habitude très vite.
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