Prologue

Quelle hypocrisie.

Adossé contre la pierre rêche d'un mur jaunis, les genoux repliés contre son buste, Aeryn n'eut pas besoin de tourner la tête pour sentir les regards qui l'analysaient : la lueur dans les yeux des passants lui était devenue coutumière.

Aucun mot ne décrivait avec exactitude l'expression de ses yeux-là : une troublante association de pitié, d'aversion non déguisée, teintée de tristesse, de gêne ou de colère.

Que savaient-ils, eux qui se baignaient dans le luxe de vivre une vie paisible, sans craindre de ne pas rouvrir les yeux une fois l'aube levée ? Ces hommes et ces femmes qui le toisaient d'un air dédaigneux en pressant leurs affaires contre leurs poitrines une fois qu'ils l'apercevaient accroupis dans sa ruelle étaient à ses yeux les pires, Le genre d'artificieux sarcastiques qui non content de leurs jugements, lui donnaient leurs conseils pour s'en sortir, faussaires de la bienveillance.

Ce monde-là, Aeryn l'excrétait.



Il fut un temps, à quelques années d'ici, où cette vie avait été la sienne : des journées paisibles tournées vers un lendemain qu'il savait sans tumulte.

Désormais, où étaient-ils, ces lendemains calmes promis ? La plénitude d'une jeunesse rêveuse et aspirante ?

Où était cette fameuse famille qui aurait dû le soutenir dans les moments difficiles ? Ces amis qui auraient tout donné pour l'aider ?

Ils n'étaient plus que des noms, des promesses en l'air, une utopie brisée.

Des souvenirs dont il se serait bien passé, qui lui laissait désormais un goût amer en bouche et une amertume généralisée qu'il mettait un point d'honneur à appliquer au quotidien.

Les bons sentiments s'évaporaient toujours en cas problème, chacun se retranchant sur soi-même.

- Encore un drogué... -marmonna soudain un passant en soupirant, ses bras chargés d'affaires à en faire pâlir d'envie les mendiants de la rue voisine.

Etait-ce l'apparence négligée d'Aeryn, son vieux T-shirt salie, son bas troué, ses cheveux sales et son visage émincé qui provoquait cet écœurement ?

A moins qu'il ne s'agisse de ce vieux sac-poubelle collé à sa jambe gauche, où trônait son unique seringue, usée par les utilisations et de ses yeux vides d'espoirs ?

Tout était possible, et ce constat agaçait le sans-abri qui rétorqua aussitôt d'un ton amer :

- Peut-être, M'sieur, Je suis sûrement un de ces autres clochards qui se pique, mais je serais le seul à vous dire d'aller vous faire foutre, vous et votre complaisance dégueulasse.

Surpris, l'homme le dévisagea d'un air ahuri avant de s'éloigner de la ruelle lorsqu'une flopée de jurons fleuris se mit à pleuvoir.









Une fois le silence redevenu maître, lorsque les ombres le recouvrirent à nouveau et qu'un kaléidoscope coloré se mit à danser à travers ses pupilles dilatées, le jeune homme se surprit à pleurer, courbé sur le sol, la tête pendante, perdu entre les illusions éphémères qui le faisaient planer et la cruelle réalité de chaque instant.

Aeryn était ainsi : détestable, détesté, le verbe acéré et les bras piqués.



Mais incroyablement seul et le cœur en miette.

















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Bienvenu à vous, qui, peut-être, sont venu ici après avoir lu "Comme un Homme".

J'espère que vous apprécierez l'histoire d'Aeryn et Litah et qu'elle vous touchera autant que celle de Wyatt et Tina : celle-ci sera différente, un peu plus sombre (mais qui, je l'espère, sera tout autant aimée).

Aeryn n'aura pas le charme doux de Wyatt mais les apparences seront peut-être trompeuses...?

A très bientôt pour la suite,

Shanonhope

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