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Je m'excuse pour la longueur, promis, les prochaines parties seront coupées.

Ce chapitre n'est qu'une sorte de mise en place on va dire. L'histoire commence au prochain chapitre, qui se déroulera quelques années plus tard (deux ans je pense).






Taehyung pénétra doucement dans le hangar, refermant la porte derrière lui d'un geste vif.

Quelques lumières s'allumèrent automatiquement, juste celles nécessaires pour effacer l'obscurité totale, bien que celle-ci ne soit pas un obstacle pour lui.

Passant devant le large miroir en fer forgé que Seokjin adorait plus que tout, il ne prêta pas la moindre attention à son reflet, se dirigeant droit vers la cuisine.

Toutes les pièces du hangar étaient ouvertes, l'immense espace utilisé et optimisé au maximum.

Seules les chambres, situées à l'étage, étaient fermées, pour que chacun puisse avoir son intimité.

Ouvrant le frigo, le jeune homme en sorti une assiette blanche, retirant le papier aluminium une fois installé au comptoir métallique, sur l'un des tabourets de bar.

Ne songeant même pas à effacer le sang encore présent sur ses mains, il saisit le poulet froid, mordant dedans sans hésiter.

Toujours sans la moindre émotion visible ou expression sur le visage, il poursuivit son repas, le regard fixé sur l'une des imposantes poutres à l'aspect rouillé.

-TAEHYUNG !!

L'interpellé ne tressaillit même pas malgré le cri de son ami, les pas pressés de ce dernier lui indiquant qu'il se rapprochait.

-Tae putain ! Lança à nouveau Jimin.

Posant son poulet, le châtain tourna son siège pour faire face au nouvel arrivant, ses yeux dorés toujours autant dénués d'émotion.

Le roux serra les poings, tentant de se calmer.

Malgré tout le temps passé et le nombre de fois où ce genre de choses arrivait, il lui était impossible de s'y habituer !

Il ne pouvait pas !

-Tu ne penses pas que manger aurait pu attendre ?! Gronda-t-il, la mâchoire contractée douloureusement.
-La montre m'a dit que c'était le moment de manger.

Il n'y avait aucun « ton » dans la voix du châtain et ça aussi c'était quelque chose que Jimin peinait encore à complètement intégrer.

Toutes les phrases de son ami sonnaient exactement pareil.

Peu importe ce qu'il disait, peu importe la situation, il n'y avait jamais rien de plus que des mots dénué d'intention, d'émotion.

-Tu as une épée dans le dos ! Hurla le roux. Il y a même un bout qui dépasse non loin de ton cœur !

Taehyung baissa la tête, découvrant la pointe de lame noyée au milieu d'une énorme tâche pourpre.

-Tu n'es pas immortel ! Même si tu ne peux pas ressentir la douleur, tu vas quand même crever si tu te vides de ton sang !

Jimin sentait l'agacement et la frustration grandir en lui et il se mordit la lèvre, tirant sur ses cheveux orangés.

C'était pourtant Jung Kook qui ne contrôlait pas sa colère !

Taehyung passa la main dans son dos, retirant l'arme d'un coup et son ami sentit son souffle se couper quelques secondes, ses yeux écarquillés face au choc.

-Mais ça ne va pas ?!

Retirant rapidement son gilet gris, il le roula en boule pour le presser contre la plaie sur le torse, sa main faisant de même avec celle dans le dos.

-Est-ce que tu es en train de te soigner au moins ?! Siffla-t-il.

Le blessé ne répondit pas et Jimin n'eut pas le temps d'esquiver les ailes qui se déployèrent soudain, semblant sortir des omoplates de son ami.

Le coup fit valser le roux jusqu'à la porte d'entrée, la large barre en métal le frappant dans les côtes.

Malgré le choc, il fut presque immédiatement debout, passant une main dans ses cheveux pour les ramener vers l'arrière.

-Foutu Griffon ! Pesta-t-il, les mots semblant avoir été sifflés par un serpent.

Un petit rire attira son attention et il tourna la tête vers le bas des escaliers où se trouvait leur leader.

Namjoon sortait apparemment de la douche, son torse nu encore humide aimantant le regard du roux.

Pieds nus, le blond se décolla de la rambarde en métal, sans se départir de son sourire.

Jimin le suivit des yeux alors qu'il s'installait près de Taehyung qui avait repris son repas comme si de rien n'était.

Les plaies étaient presque entièrement refermées et le jeune homme semblait aller parfaitement bien.

-Ce n'est pas drôle ! Grogna le roux en rejoignant la cuisine. S'il était humain il serait déjà mort !
-Heureusement, aucun de nous n'est humain ! Sourit simplement le blond en attrapant une cuisse de poulet.

Jimin eut envie d'effacer ce sourire horripilant.

Un soupire lui échappa et il desserra les poings, se sentant soudain plus lassé et triste qu'en colère.

S'installant à son tour au comptoir, il détailla Taehyung qui finissait de manger.

Le roux se demandait souvent s'il existait une seule autre personne comme son ami.

Pas un griffon. Ça, il savait que c'était impossible.

Non, quelqu'un de....

Vide.

Pour le reste de la société, le châtain n'existait pas.

Il incarnait une sorte de légende urbaine, quelque chose inventé pour faire peur, pour rappeler aux gens leur chance d'avoir une marque, d'être normal.

Le monde était basé sur le système d'âme sœur, tout tournait autour de ça.

La vie, la justice, la médecine.

Tout.

Alors un être dans l'incapacité d'avoir une moitié ne pouvait pas exister.

Pour les autres, c'était la chose la plus terrifiante au monde, la fin de tout.

Le Mal absolu.

Avant, Jimin avait toujours associé l'absence d'émotion aux psychopathes qu'il voyait à la télévision, les tueurs en séries qui terrorisaient tout le monde jusqu'à se faire arrêter à la fin du film.

Mais Taehyung était différent.

Le châtain n'était pas un assassin poussé par des pulsions ou un sadique prenant plaisir à faire ou voir souffrir les autres.

Il n'avait rien de ces personnages que Jimin avait pu voir sur grand ou petit écran.

Taehyung était simplement vide.

Jamais aucune ou émotion.

Pas une seule.

Peu importe que ce soit positif ou négatif, il n'avait jamais rien ressenti.

Pas de haine, d'amour, de désir, de peine...

Son visage, son regard, son corps, sa voix, n'exprimaient rien.

Jamais.

Il ne ressentait pas non plus la faim, la fatigue ou encore la douleur physique.

Taehyung ne pouvait pas rire, pleurer, apprécier un quelconque aliment ou se rendre compte qu'il était à deux doigts de s'évanouir ou pire.

Il mangeait, dormait, se laver, selon un programme précis, jamais par envie et sans y prendre le moindre plaisir.

Jimin l'observait souvent, cherchant sans cesse le moindre petit signe, un simple haussement de sourcil prononcé ou un léger mouvement de lèvres, un micro rictus, un son semblable à un rire, l'expression d'un quelconque agacement ou le début d'une colère....

Mais rien.

Rien.

Même lors d'un combat, même lorsque sa part Griffon prenait un peu plus de place, il restait le même.

Vide.

Et pourtant, Taehyung était son meilleur ami.

Ca n'avait aucun sens et Jimin ne cherchait jamais à l'expliquer, incapable de réellement comprendre pourquoi lui-même.

Peut-être que c'était simplement l'Hydre en lui qui appréciait le Griffon.

Le roux ne se souciait pas réellement du pourquoi du comment, sachant simplement que la présence du châtain l'apaisait.

L'autre lui apportait du réconfort juste en étant là, en existant.

Namjoon se lécha les doigts avant de le sortir de ses pensées.

-Ne t'en fais pas pour Tae, il va bien et il a rempli sa mission. Déclara le blond. Tu devrais faire en sorte d'en faire de même.

Leurs regards se croisèrent et Jimin ne sut pas quelle envie primait.

Celle de le frapper ou celle de lui faire vraiment mal ?

Détournant, comme toujours, les yeux en premier, il saisit son téléphone, tournant le dos aux deux autres en collant l'appareil à son oreille.

-Oui ?

La voix de Jung Kook était basse et le ton seul suffit à faire comprendre ce qui se passait au roux.

-Kook putain, on a un job! Cracha-t-il excédé.

Pourquoi avait-il tous décidé de le pousser à bout ce soir?!

Il ne sentit pas le regard de Namjoon, ce dernier se demandant pourquoi leur créature au sang froid était à ce point sur les nerfs.

Rien ne sortait de l'ordinaire, tout était aussi fou que d'habitude.

Alors pourquoi Jimin semblait à ce point prêt à exploser ?

Fronçant les sourcils, il profita du fait que le jeune homme lui tourne le dos pour le détailler, cherchant un quelconque indice.

-Je sais, je serais prêt ! Insista Jung Kook à l'autre bout du fil, après un énième reproche de son interlocuteur.

Ses yeux glissèrent sur le corps à ses pieds, ses lèvres vermeilles s'étirant dans un rictus effrayant.

Le brun aimait penser que ce qu'il venait encore de faire, ne déterminait pas qui il était.

Il considérait qu'il y avait deux facettes en lui, plus qu'une simple personne.

Il y avait la partie qui pouvait être considérée comme humaine, bien qu'il ne le soit pas réellement, celle qui était joyeuse, compréhensive, qui aimait faire la fête, rencontrer du monde, protéger les gens et prendre soin des siens.

Et il y avait la partie sombre, celle guidée par l'instinct uniquement, celle poussée par sa nature noire de prédateur sans remord ni moral.

Le cadavre à ses pieds ne le définissait pas en tant que personne, il en était persuadé.

Ou du moins, c'est ce qu'il se répétait lorsque la culpabilité venait le ronger de l'intérieur, dévorant son moral autant que ses entrailles.

Lorsque tard la nuit, les images de toutes ses victimes venaient le hanter, l'empêchant de trouver le repos.

Il savait que lorsqu'il partait en chasse, la personne choisie avait de fortes chances de finir morte, qu'il se contenter rarement de sexe et de sang, ses instincts prenant quasiment toujours le dessus.

Et c'est pour ça qu'il choisissait toujours des gens dont la noirceur était aussi évidente qu'une boule de lumière vive dans l'obscurité.

Jung Kook était monstrueux selon la définition de beaucoup de monde mais, honnêtement, pour lui, les êtres humains l'étaient tout autant.

Peut-être même plus encore pour certains.

Tous les jours il voyait la corruption, la haine, le mal pur, briller au creux de leur être, en total désaccord avec l'image qu'ils renvoyaient.

Lui était poussé par sa nature, la créature en lui incapable d'aller contre son besoin vital de chasser, piéger, attirer, manipuler puis tuer.

Il était une sirène, c'était plus fort que lui.

Quelle était l'excuse de tous ces humains ?

Les violeurs, assassins, ceux qui battaient leurs moitiés, agressaient les autres pour le plaisir ou, comme sa dernière victime, ceux qui n'hésitaient pas à glisser de la drogue dans le verre de leur « meilleure amie » pour qu'elle finisse inconsciente dans le lit d'un inconnu.

Peut-être que ce n'était qu'une façon de calmer sa conscience et de mieux dormir le soir, mais Jung Kook restait malgré tout fier de réussir à ne jamais blesser ou tuer d'innocent lors de ses chasses.

Même si, personne n'était jamais réellement innocent.

Les bouteilles de détergeant tombèrent, leur bouchons finissant au sol alors que le liquide se répandait sur le carrelage abimé, glissant dessus pour atteindre le cadavre.

Doucement, le produit incolore s'éleva légèrement, prenant la forme d'une dizaine d'oiseaux, semblables à des mini vautours qui se jetèrent sur le corps pour le dévorer.

Le sang, les chairs, les os, muscles, tout disparaissait, effaçant complètement la moindre trace de la jeune femme au sol.

La porte de la réserve s'ouvrit brusquement et la quadragénaire se figea quelques secondes.

Jung Kook, un balai brosse en main, passant tranquillement la serpillère, se tourna vers elle, tout sourire.

Son expression était complètement différente.

Il avait l'air extrêmement jeune et inconscient, son sourire innocent en parfait accord avec ses yeux pétillants.

-Encore en train de bosser ?! S'exclama Jena, la propriétaire des lieux. Je pensais que tu étais en pause !

Le jeune homme se mordit la lèvre en se massant la nuque, semblant adorablement gêné.

-Shun voulait partir plus tôt alors je donne un coup de main... Souffla-t-il.

Le sourire de Jena disparut, la raison de sa présence ici lui revenant.

-Je doute qu'il puisse aller s'amuser. Déclara-t-elle sérieusement. Je venais justement vérifier que tout le monde était bien en salle.

Jung Kook haussa les sourcils en penchant un peu la tête.

-Les sentinelles sont là, contrôle de routine. Expliqua sa patronne. Et évidement, c'est le bordel.
-Oh...

La blonde soupira.

-Oui.... Souffla-t-elle. Viens te faire contrôler si tu ne veux pas finir comme Shun.

Le brun déposa son balai, la rejoignant sur le pas de la porte.

-Qu'a-t-il fait ? Questionna-t-il.
-Les clients qu'il a servi sont dans l'illégalité, code 245.
-Il n'a pas vérifié leurs marques et identités ?! S'exclama le jeune homme, surpris.
-D'après lui si....

Arrivé à l'étage, Jung Kook remarqua tout de suite l'agitation, certains criant leur innocence ou cherchant à s'expliquer.

C'était inutile.

Même si les sentinelles étaient censées être humains, leur cerveau était semblable à celui d'un robot, répétant simplement le règlement.

On ne pouvait pas discuter, négocier ou entamer un quelconque dialogue.

-Natasha Shanta Reid vous avez enfreint la règle 7. Sortir avec quelqu'un dans un bar, sans la présence de son âme sœur est un crime de classe A. Déclara l'une de ses machines humaines à une femme menottées. Vous êtes en état d'arrestation pour trahison et infidélité, sentence probable, la déportation.

La brune cria en se débattant, tout comme l'homme qui l'accompagnait.

-Elle ne m'a pas dit qu'elle était liée ! Regardez, sa marque est cachée par son bracelet ! Hurla ce dernier, tentant d'échapper à ses menottes.

La sentinelle chargée de son interpellation ignora complètement ses propos.

-Park Jun Young vous êtes accusé d'incitation à l'adultère et de complicité de trahison, sentence probable, la mort.

Jung Kook observa rapidement la petite salle du pub, remarquant que six personnes en tout étaient arrêtées, chacune tentant pourtant désespérément d'échapper à cette terrifiante aventure dont le dénouement serait forcement atroce.

Shun ne hurlait pas, il pleurait, le jeune homme à peine majeur, complètement dépassé par ce qui était en train de lui arriver.

-Shun Brandon Lee, acte d'accusation, 39. Déclara une sentinelle. Vérifier l'identité, les informations et la marque des clients est une obligation, tout manquement au règlement sera puni de six ans de mines minimum.

Lena secoua la tête.

-Qu'est ce qui lui est passé par la tête enfin ?! Pesta-t-elle.
-Il est jeune... Répondit distraitement le brun, observant l'agent qui se dirigeait vers eux.

Ou plutôt vers lui.

-Monsieur, votre identité n'a pas encore été vérifiée.
-C'est mon barman, il n'a pas encore d'âme sœur ou de marque ! S'exclama son employeur.

Jung Kook tendit les bras docilement, laissant le minuscule gadget semblable à un insecte voleter autour de lui avant de se planter dans sa nuque pour ponctionner du sang.

Pendant ce temps, la sentinelle scanna ses poignets et le dessus de ses mains, libre de toute marque.

C'était assez drôle qu'elle soit bien là mais qu'aucune des personnes autour ne puisse la voir.

Officiellement, elle était inexistante, même pour les machines infaillibles censées les détecter.

-Jeon Jung Kook, non lié, tatouage non apparu, citoyen Euphoria.

Lena sursauta, se tournant entièrement vers le jeune homme, le choc plus qu'évident.

Le brun soupira en l'ignorant.

-Monsieur a-t-il besoin d'être raccompagné ou d'un service de sécurité ? Demanda la sentinelle en rangeant ses gadgets. Dans deux heures ce quartier ne sera plus ouvert aux autres, souhaitez vous qu'un planeur vienne vous récupérer ?

Jung Kook enfonça ses mains dans les poches de son jeans noir, clairement irrité.

-Non, je n'ai besoin de rien. Rétorqua-t-il.

Le « faux » humain, comme il aimait les appeler, n'insista pas, le saluant avant de rejoindre ses semblables et leurs prisonniers, tous disparaissant rapidement par la sortie.

Sans les cris et suppliques des victimes, le silence pesa encore plus lourd, les autres clients ne réagissant pas tout de suite, la pièce comme figée par la terreur.

Puis soudain, comme si on avait appuyé sur le bouton lecture, chacun se remit à jouer son rôle et le son revint.

Bien que toujours effrayantes, ces scènes faisaient partie de leur quotidien et la vie reprenait toujours très vite son cours.

-Je sais ! Souffla Jung Kook face au regard de Lena.

Il n'était plus tendre et bienveillant mais rempli de mépris et de haine.

Elle se sentait trahie.

S'éloignant vers le bar, il passa derrière une seconde pour saisir son blouson avant de sortir à son tour, sans un regard en arrière.

Une fois dehors, il pianota rapidement sur son portable, prévenant Jimin de la situation avant de le mettre en silencieux et l'enfoncer dans la poche intérieure de sa veste en cuir.

Il n'avait aucun envie d'entendre de nouvelles jérémiades !

Sentant la colère glisser sur sa peau, formant une chair de poule désagréable et presque électrique alors que son sang bouillonnait, il expira bruyamment avant d'inspirer le plus profondément possible.

La chasse ou le sexe, qu'est ce qui allait éventuellement le calmer ?

En réalité, il savait parfaitement que les deux allaient ensemble.

La plupart du temps, voire tout le temps, ses partenaires finissaient morts, sans qu'il ne l'ait voulu.

C'était de sa faute mais pas complètement.

Les humains n'étaient pas faits pour supporter son pouvoir, son influence et les effets de sa voix.

Selon les tons, les intonations, ils pouvaient leur faire faire n'importe quoi mais lorsqu'ils y étaient confrontés trop longtemps ou trop intensément, ça leur faisait perdre la tête.

Et ils se retrouvaient soit à l'attaquer, le poussant à se défendre, soit à attaquer d'autres personnes, l'obligeant aussi à intervenir.

Ou alors, ils se tuaient eux même, se suicidant sans la moindre hésitation.

C'est pour ça que Jung Kook parlait peu, diluant ses mots, les semant au fil de la journée en faisant attention que personne ne soit exposé à sa voix trop longtemps sans pause ou échappatoire.

Mais pendant le sexe, il y avait toujours un moment où la sirène prenait plus de place, sa noirceur impossible à gérer pour de simples humains.

Voilà pourquoi le brun ne couchait qu'avec des gens qu'il pouvait tuer sans trop de regret.

Mais ce soir, l'idée de laisser quelqu'un qui l'écœurait le toucher....

Il grogna, fouillant ses poches pour sortir une cigarette.

Levant la tête, il tomba directement sur l'un des écrans publicitaires géant qui polluaient toute la ville.

« Vous êtes fatigué de chercher votre âme sœur ? Vous craignez de ne jamais la trouver malgré votre lien ou de devoir attendre bien trop longtemps ? Vous aimeriez être prêt, même avant que votre marque n'apparaisse ? Mirotic vous offre une réponse personnalisée afin de mettre toutes les chances de votre côté ! »

Un reniflement de mépris échappa au brun et il se mit en marche, s'éloignant du quartier déjà bien délabré pour s'enfoncer vers une zone où très peu de gens osaient s'aventurer, à moins d'y être forcés.

Jimin claqua la porte du hangar, courant presque en fulminant vers les escaliers, ignorant Taehyung et Namjoon installés dans le salon.

Le blond lui jeta un regard mi curieux mi inquiet mais l'autre disparut rapidement, ne s'arrêtant qu'une fois dans la salle de bain.

Allumant directement le robinet d'eau froide de la baignoire d'angle, il se déshabilla, pestant contre tout et n'importe quoi, en particulier Jung Kook.

En sous vêtement, il se laissa gracieusement glisser au sol, s'allongeant entièrement, appréciant la fraicheur.

Les yeux rivés au plafond, les bras et jambes écartés, il fit son possible pour garder sa rage sous contrôle, ne comprenant pas ce qui le mettait dans un tel état.

Il n'était pas du genre à s'énerver sans raison, pas le genre à simplement exploser sans prévenir.

Même si ses colères étaient terrifiantes, elles étaient froides, la raison gardant toujours le dessus sur la passion.

C'est justement parce que même hors de lui il avait toujours les idées claires qu'il était effrayant lorsqu'il s'emportait.

Il avait une raison de vous détruire et les moyens de le faire.

Mais ses colères étaient aussi rares et toujours provoquées par quelque chose dont il avait conscience.

Aujourd'hui ce n'était pas le cas.

Tout était comme d'habitude, même anormalement calme au vu de leur quotidien.

Tout allait bien.

Parfaitement bien.

Évidement, Jimin se sentait agacé parfois, sans forcement exploser ou vouloir tout détruire.

Comme tout le monde, il avait des nuances dans sa colère !

Mais ce qu'il ressentait aujourd'hui n'avait rien à voir avec une simple contrariété.

Il avait envie de chasser, blesser, torturer....

-Tuer....

Le son résonna dans toute la pièce comme un sifflement aigu.

Soupirant, il amena une main à son visage, se massant l'arête du nez en fermant les yeux.

Une sensation familière contre ses chevilles le fit sourire et il ramena ses cheveux vers l'arrière, libérant son regard.

Les serpents qui s'enroulaient autour de ses jambes étaient très fins, entièrement blancs avec une longue bande couleur or sur les côtés.

Lorsqu'ils atteignirent ses cuisses, d'autres arrivèrent, remontant de la même manière en partant de ses pieds.

Les deux premiers se rejoignirent sur son ventre, s'y installant après avoir fusionnés pour en former un plus grand.

Jimin fredonna, ses doigts se retrouvant instinctivement sur le serpent.

La morsure fut agréable, jouissive presque et le roux se détendit rapidement, laissant le poison qui ferait officie de drogue, effacer toute sa rage et embuer assez son esprit pour qu'il oublie tout.

-Maman, maman, est-ce que maintenant que je suis un grand garçon je vais avoir ma marque ?!

Hyerin regarda son fils avec tendresse, un petit rire lui échappant.

-Il va encore falloir attendre un peu mon cœur.

Jimin gonfla les joues en croisant les bras.

-Mais je veux trouver mon âme sœur ! Gémit-il. A la télé ils ont dit que c'était magique !

La brune lui caressa les cheveux.

-Ca l'est trésor, c'est la chose la plus merveilleuse au monde.
-Comme à la télé ?

Les yeux du petit garçon brillaient et sa mère s'accroupit à sa hauteur.

-C'est encore mieux que ça ! Sourit-elle. Lorsque tu seras plus grand, tu rencontreras ta moitié et plus rien d'autre au monde ne comptera !

Elle le prit dans ses bras en se relevant, le calant contre sa hanche.

-Personne ne sera plus parfait pour toi et vous serez enfin tous les deux complets
-Et heureux pour toujours ! S'exclama le petit garçon en tapant des mains.

Jimin rit, le son lugubre semblant durer, s'accrochant, pesant dans l'air.

Il resta au sol un long moment, flottant presque hors de son corps, son compagnon devenu énorme, enroulé autour de son corps.

Ce n'est que lorsque l'eau du bain déborda, le mouillant au passage, qu'il revint à lui.

Se relevant rapidement, il éteignit le robinet, appréciant le froid du liquide dans lequel il plongea rapidement sa main.

Le serpent toujours accroché à lui, Jimin retira son sous vêtement et se glissa dans l'eau, le surplus débordant à nouveau.

Le reptile sembla se dissoudre dans le liquide, comme une bombe pour le bain qui au lieu de produire de la mousse ou des bulles, se transforma en cristaux de glace.

Quelques secondes suffirent pour que l'eau soit entièrement gelée et Jimin se retrouva dans un bloc de glace qui lui arrivait jusqu'aux aisselles.

Soupirant de bien être comme d'autres auraient pu le faire dans un bain chaud, il sentit les restes de sa colère disparaitre, laissant place à une sorte de lassitude mêlée à de la mélancolie.

La marque sur le dessus de sa main droite attira son regard et il grimaça, une sensation de dégout lui enserrant les entrailles, l'envie de hurler grondant dans sa poitrine.

Caressant la surface gelée de son pouce gauche, il fit apparaitre un pic au bout extrêmement pointu, l'attrapant correctement avant d'attaquer sans hésitation le dessin sur sa peau.

Il savait que ça ne servait à rien mais ça ne faisait qu'alimenter sa détermination et il continua à lacérer sa chair, ignorant la douleur ou le sang qui giclait de partout.

Oui, tout était comme d'habitude.

Ils étaient tous toujours aussi perdus, rejetés et malheureux.

« Le principe d'âme sœur est en théorie basé sur quelque chose de simple et évidement l'âme est la fondation du phénomène.

Chaque individu naît avec un joyau à moitié plein.

Le joyau est le réceptacle de l'âme. Il n'est pas visible à l'œil nu, la notion restant presque plus spirituelle que physique bien que chacun peut sentir son âme, le vide présent et le moment où il se remplit. »

Namjoon fit une légère pause dans son enregistrement, fouillant dans ses tiroirs à la recherche de son paquet de cigarettes.

Soupirant lorsqu'il ne le trouva pas, il envisagea un instant de chercher dans le reste de la maison avant de finalement se reconcentrer sur son projet.

« Avec les garçons, nous pouvons voir l'âme et sommes tous d'accord sur le fait que celle des humains ressemble plus ou moins à une lumière située vers le plexus, dont la couleur et l'intensité varient selon les individus et la présence ou non de marque et lien.

Dans notre cas, le joyau prend un sens différent puisque chacun d'entre nous, hormis Tae, a un bijou qui offre une représentation visuelle de l'état de notre âme.

En discutant, nous avons appris qu'ils étaient apparus dans notre enfance, sous forme de marques de naissance semblables à des tatouages avant de se transformer en vrai bijou.

Chaque réceptacle a une moitié de pierre, celle-ci étant une sorte de représentation physique de l'âme du porteur. »

Namjoon souffla péniblement, se mordant la lèvre en tapotant son bureau des doigts avant de déglutir.

« Avait. Chaque réceptacle avait une moitié de pierre. »

Sentant du mouvement, il arrêta à nouveau, se tournant vers Hoseok qui venait apparemment de piquer une tête dans la piscine.

Il était en maillot de bain, dégoulinant d'eau, ignorant son corps pour sécher ses cheveux avec une petite serviette jaune.

-Continue, ne t'arrête pas pour moi ! S'exclama-t-il en se laissant tomber dans l'un des fauteuils en vieux cuir.

Calant ses jambes sur l'un des épais accoudoirs rembourrés et son dos dans l'autre, tourné vers le blond, il soupira, appréciant le confort.

Ses cheveux rouges vifs partaient dans tous les sens, certaines mèches encadrant son regard bleu clair qui n'avait pas quitté Namjoon.

-Tu as peur de parler de certains sujets devant moi ? Sourit-il. De devoir aborder ma « condition » ?

Il rit légèrement mais son leader ne dit rien, son regard glissant vers la marque barbouillée et difforme sur son avant bras.

La société appelait les gens comme Hoseok des avortés ou marques funestes.

Le roux n'avait pas connu et ne connaitrait jamais son âme sœur, celle-ci était morte avant que son tatouage ne puisse apparaitre.

Enfant ou peut-être même encore fœtus.

Dans ce genre de cas, l'autre moitié voyait apparaitre un symbole impossible à déchiffrer, quelque chose de hideux, qui donnait l'impression que la peau avait été distendue et gribouillée par un feutre indélébile.

Les avortés faisaient parti des rebus, de ceux qu'on voulait cacher.

Oublier.

Ils étaient dans le bas de l'échelle sociale et n'avaient que très peu de droits.

Ils étaient montrés du doigt, utilisés pour faire peur aux enfants lorsqu'ils n'étaient pas sages, interdits dans énormément de lieux publics et peinaient à accéder à des soins ou un emploi.

-Honnêtement, quand je vous vois tous, je me dis que je suis le plus chanceux ! S'exclama Hoseok, sortant le blond de ses pensées.

Il rit à nouveau, gardant pour lui que parfois, il en arrivait au point d'envier Taehyung.

Il savait que c'était un sentiment que tous expérimentaient lorsque les choses devenaient trop difficiles à supporter, comme il savait que jamais ils n'oseraient l'avouer clairement.

Ils avaient bien trop honte.

Lorsqu'ils débordaient de souffrances, l'idée de ne jamais plus rien ressentir leur apparaissait comme une solution fabuleuse, une bénédiction mais ils avaient tous conscience que c'était loin d'être le cas.

Voir leur ami « exister » à peine, leur faisait mal.

Et lorsqu'ils n'étaient pas aveuglés par la douleur, ils se sentaient privilégiés de pouvoir « vivre », n'étant pas prêt à n'être que des poupées vides, même en échange de la disparition de leurs souffrances.

Ils étaient tous d'accord sur le fait qu'en plus d'être celui qui risquait le plus s'il se faisait démasquer, Taehyung était le plus à plaindre.

Aucun d'eux ne pouvait ne serait-ce qu'imaginer l'idée de ne pas avoir de réceptacle, tous s'accrochant aussi fort que possible à leurs bijoux, qu'ils soient à deux doigts de disparaitre ou brisés en miles morceaux.

Tout dans ce monde tournait autour de ça, alors comment leur ami arrivait-il à vivre ?

Comment pouvait-il exister sans âme ?

Namjoon sortit Hoseok de ses pensés douloureuses sur leur griffon en ramenant machinalement sa main vers lui, serrant l'épais bracelet en cuir bleu foncé à son poignet gauche.

Immédiatement le roux s'en voulut, n'ayant pas souhaité faire du mal à son ami ou le plonger dans de mauvais souvenirs.

L'âme sœur du blond était magnifique.

Elle n'était pas très grande mais débordait de charisme, ses boucles rousses apportaient de la douceur à son visage, s'accordant parfaitement avec sa peau parsemée de tâches de rousseurs et son regard noisette.

Pas une seule fois le jeune homme n'avait douté de la magie du lien, se sentant exactement comme les affiches, la télévision, les journaux ou ses parents décrivaient la rencontre avec la moitié destinée à nous compléter.

Oui il avait été instinctivement poussé vers elle, par tout ce qu'elle était.

Le reste du monde s'était effacé en même temps que ses anciens désirs, rêves ou projets d'avenir.

Elle avait tout remplacée.

Namjoon s'était senti sur un petit nuage, ne songeant pas une seule seconde que sa bien aimée puisse ressentir autre chose que cette plénitude indescriptible.

Il avait eu tord.

Pour Tess, il n'était pas un miracle, une bénédiction ou une réponse à ses prières.

Il était une déception.

On lui avait toujours dit que le rejet était impossible, que votre âme sœur avait été créée pour vous et vous pour elle.

Pourtant, la jeune femme n'avait eu aucune hésitation, aucun problème à lui cracher sa honte, sa colère et désappointement.

Elle le trouvait laid, ennuyeux et sans avenir.

Mais ce n'était qu'un résumé rapide, Tess ayant toujours était très prolifique lorsqu'il s'agissait de le rabaisser.

Elle ne pouvait évidement pas le rejeter alors ils avaient vécu un an et demi ensemble et tous les jours, il avait dû l'entendre lui répéter tout ce qui faisait de lui un échec.

Ils n'avaient jamais rien partagé.

Pas d'amour, de bonheur, de magie ou d'étincelles.

Namjoon se souvenait encore de la pub qui passait à la télé lorsqu'il était plus jeune ; un spot du gouvernement pour rappeler à chacun la chance qu'ils avaient de vivre dans un tel monde.

Le blond avait grandi avec l'image de ce couple comme exemple, persuadé qu'un jour lui aussi pourrait se jeter dans les vagues et le sable chaud en riant à gorge déployée avec sa moitié.

Et même encore aujourd'hui, même s'il n'en était pas totalement conscient, une partie de lui considérait encore ce cliché ridicule et bon marché comme un idéal.

Quelque chose qu'il enviait.

Pas la plage, pas le soleil rayonnant ou même les rires, mais une présence.

Quelqu'un à ses côtés, capable de l'aimer pour ce qu'il est.

Tess n'avait fait que le tromper en détruisant sa confiance en lui et un jour, elle avait fini par se faire prendre.

Les gens qui rejetaient ou trompaient leur âme sœur étaient une aberration, une menace pour le monde parfait vendu par le gouvernement.

Ils étaient donc considérés comme malades.

Déviants.

On les enfermait dans des centres censés les « soigner » qui n'étaient qu'une des nombreuses formes de l'enfer présentes dans ce monde.

Namjoon avait fini dans un autre de ces cauchemars puisqu'il devait être puni d'avoir été trompé.

Il avait fait quatre ans de mines et maintenant, il était un défaillant, aussi appelé marque noire.

En gros, il faisait parti des cocus de la société.

Des clowns.

De ceux dont on se moquait ouvertement et qu'on prenait faussement en pitié.

Ceux qui avaient encouragé la déviance de leur partenaire car ils étaient eux-mêmes « cassés ».

On les utilisait pour rire, faisant d'eux les héros de la plupart des blagues mais on les évitait tout de même, personne n'ayant envie d'être contaminé.

Namjoon avait été rejeté, brisé et trompé par son âme sœur, celle censée rendre sa vie magique et pleine d'amour.

Puis il avait été torturé dans un enfer pour ça, la société le considérant comme coupable et non victime et à sa sortie il était devenu un paria.

Il avait toujours adoré enseigner mais maintenant on ne voulait plus de lui près d'enfants.

On ne voulait plus de lui nulle part en fait.

Exactement comme Hoseok.

Sortant de sa transe en sentant ses yeux se mouiller, il secoua la tête, fouillant à nouveau pour dénicher des cigarettes, cherchant parmi le désordre qui régnait sur le bureau.

Trouvant enfin un paquet, il grogna en remarquant qu'il était vide, écrasant l'emballage avant de l'envoyer à la poubelle.

Jetant ses lunettes sur le meuble, il sursauta presque lorsqu'une sucette apparut devant lui en même temps qu'une présence dans son dos.

Saisissant la friandise, il tourna la tête pour remercier Seokjin qui lui sourit.

L'ainé portait un débardeur col V noir, un jean de la même couleur qui moulait ses longues jambes et une veste de costume qui mettait en valeur ses larges épaules, dont les manches étaient ornées de fleurs du même rose pastel que ses cheveux.

Une fois de plus, il semblait sortir d'un conte de fée.

Un vrai prince charmant.

Et à une époque, c'est ce qu'il avait été.

De tous, Seokjin était celui qui avait le mieux incarné l'idéal vendu par la société.

Il avait rencontré son âme sœur assez tôt, la jeune femme étant aussi belle et élégante que lui.

Grande, un port de princesse, une silhouette de mannequin et un air légèrement arrogant qui lui allait à ravir.

Une chevelure blonde qui paraissait sans fin, une peau hâlée et de sublimes yeux clairs.

Contrairement à Namjoon, l'ainé n'avait subi aucun rejet, la magie présente des deux côtés.

Liés et heureux, le couple avait pu continuer son ascension sociale, les responsabilités n'étaient pas offertes aux gens seuls.

Seokjin et Irène incarnaient tout ce dont les autres avaient pu rêver plus jeunes.

Beaux, riches, puissants et enfin « complets ».

Ils étaient montrés en exemple, attiraient les regards et la jalousie.

Longtemps, l'ainé avait vécu dans son monde, ne se souciant pas des autres, parfaitement à sa place au dessus, dans les quartiers qui ne connaissaient rien à la réalité de l'utopie qu'on leur vendait tous les jours.

Seokjin faisait parti de ceux qui propageaient ces idées, de ceux qui lavaient le cerveau des gens avec des images, promesses et rêves de perfection.

Il travaillait pour le gouvernement, chargé de la propagande.

Mais c'est une fois sa réussite sociale en plein essor que sa parfaite Irène avait commencé à changer.

Ou peut-être simplement à se dévoiler.

Le jeune homme ne pouvait pas dire que ce n'était pas là dès le début, qu'il n'y avait pas eu des signes et des indices.

Mais il n'avait rien vu, gardant les œillères placées sur tous depuis la naissance.

Il ne se souvenait plus exactement à quel moment ça avait dégénéré, à quel instant c'était devenu hors de contrôle.

Quand est-ce que les petites remarques étaient devenues des mots empoisonnés ? Comment les gifles s'étaient transformées en coups ?

Seokjin savait que rien n'était arrivé du jour au lendemain mais c'est l'impression que ses souvenirs lui laissaient.

Sans doute se mentait-il encore à lui-même.

C'était difficile de se dire que le rêve qu'il avait cru vivre, qu'il avait vendu, imposé aux autres, s'était transformé en cauchemar.

Que son âme sœur était devenue son bourreau.

Que l'homme puissant, sûr de lui et déterminé avait fini en victime d'abus.

Deux ans à subir et mentir au monde entier.
Deux ans à jouer la comédie et continuer de propager des mensonges auxquels il ne croyait plus.

Votre moitié, l'être destiné à vous compléter et vous aimer pour toujours n'était pas censée vous blesser.

Elle ne n'était pas censée le vouloir et encore moins le pouvoir !

C'était contre nature et ça allait contre bon nombre des principes et règles rabâchés tous les jours à tous.

Blesser ou tuer l'autre était impossible !

Alors pourquoi avait-il si souvent fini plein de bleus ? Pourquoi ne devait-il qu'à sa nature et ses pouvoirs d'être encore en vie ?

Pourquoi Irène lui avait fait tant de mal et pourquoi avait-elle fini par mourir de ses mains ?!

-Merci ! Souffla Namjoon en glissant la sucette bleu vert entre ses lèvres.

L'ainé répondit à peine, le regard toujours perdu vers les notes sur le bureau et l'écran du blond.

Un jour tout avait basculé.

S'il n'en était pas une, Seokjin aurait sans doute visualisé les fées comme des êtres mignons et innocents.

Mais le jeune homme connaissait sa nature et savait que comme ses amis, il était habité par l'appel de la chasse et du sang.

Et comme eux, parfois, l'autre prenait le contrôle pour assouvir les pulsions nécessaires à sa survie et sa raison.

Il aimait Irène malgré tout ce qu'elle lui avait fait subir et la tuer n'avait rien eu de libérateur.

Ca l'avait détruit et il se détestait encore pour ça.

Seokjin avait tout eu puis plus rien du tout.

Il avait été l'élite pour finir par devenir le pire des êtres vivants.

Un être qui tue sa propre âme sœur ?

Une abomination.

Lui qui avait si longtemps promu et vécu l'idéal de la société, incarnait aujourd'hui la pire des menaces.

Risquant, comme le reste de son groupe, de détruire l'image du bonheur sans faille promis à tous ceux qui attendaient leurs âmes sœurs.

Les marques pourpres étaient écartelées, brulées et leurs cendres purifiées dans une cérémonie pompeuse et solennelle.

Seokjin était encore envie pour une seule et unique raison.

C'était un fugitif.

-Voilà Princesse ! S'exclama Taehyung.

Rendant la peluche tombée au sol à sa propriétaire, il se redressa en souriant, offrant un clin d'œil qui fit rosir la petite fille et sa mère.

Les gens trouvaient toujours qu'il était extrêmement sociable et chaleureux.

Aujourd'hui encore, Jung Kook riait en se souvenant de la fois où le châtain avait été désigné comme le plus « sensible ».

La capacité de Taehyung à faire semblant était impressionnante ; jamais personne n'avait pu découvrir sa vraie nature.

Pas même s'en douter.

C'était assez fascinant que quelqu'un qui n'avait jamais connu le moindre début d'émotion, soit capable de les imiter aussi bien.

Lorsqu'ils le voyaient à l'extérieur, même son groupe oubliait parfois, l'espace d'un instant, que ce n'était qu'une façade.

Un mensonge.

Le jeune homme avait appris à faire semblant très tôt, sa mère lui ayant expliqué que jamais personne, pas même son père, ne devait découvrir la vérité.

Elle-même avait eu beaucoup de mal à l'encaisser.

Observer les autres était un passe temps transformé en réflexe et ça lui avait très utile.

Mais c'est surtout la lecture qui lui avait permis de créer le personnage parfait.

Taehyung adorait lire.

Même s'il n'était pas capable de ressentir de l'empathie pour les personnages qu'il suivait, il avait le sentiment d'au moins saisir le concept de leurs émotions et réactions.

Il comprenait que même si pour lui ça n'avait aucun sens, pour eux, c'était important.

Lui-même ne saisissait pas réellement pourquoi ou comment, mais à force, il avait fini par décoder l'équation complexe des émotions humaines.

En théorie seulement, évidement.

Mais ça lui suffisait pour incarner n'importe quel rôle, dont celui du jeune homme chaleureux et sociable que tout le monde appréciait.

Taehyung ne savait pas ce qu'on ressentait lorsqu'on était triste, en colère ou heureux. Mais il savait quels comportements ou réactions physiques étaient liés à ces sentiments.

C'était assez drôle que l'être vide qu'il était soit le meilleur pour s'infiltrer, jouer un rôle et convaincre les autres.

Mais d'un autre côté, c'était peut-être parce qu'il ne ressentait rien, qu'il pouvait convaincre à chaque fois.

Son masque blanc et neutre, permettait de peindre n'importe quelle émotion, laissant assez de place pour remplir le moindre recoin, jusqu'à ce que l'illusion soit parfaite.

Faisant un signe de la main à la petite fille qui se tourna une dernière fois vers lui, il songea intérieurement qu'il avait hâte d'être rentré.

Il détestait toute cette mascarade.

Il détestait ce sourire qu'il avait travaillé depuis l'enfance devant le miroir, s'entrainant tous les jours pour ne rien perdre et ancrer le réflexe en lui.

Remarquant qu'il utilisait le mot « détester » alors qu'il n'avait, en réalité, aucun ressenti proche de cette sensation, il se dit que toutes ces années de pratiques portaient leur fruit.

Il en était presque à penser ressentir des choses.

Mais quel était le mot exact pour décrire quelque chose qui était là, en lui, mais qu'il n'éprouvait pas ?

Est-ce que ça avait seulement un sens ?

Taehyung pensait beaucoup trop.

A trop de choses.

Comme si son esprit cherchait à combler le vide de son être.

Récupérant les sacs tendus par le traiteur, il remercia ce dernier avec engouement, laissant derrière lui l'image d'un jeune homme plein de vie.

Il marchait au milieu des autres en faisait semblant de les comprendre, semblant d'être comme eux.

Et eux, l'observaient sans savoir qu'il n'était absolument pas celui qu'ils voyaient.

Il était encore jeune et l'absence de marque sur son corps n'avait rien d'inhabituel, personne n'y voyant quelque chose de suspect.

Personne ne pouvait imaginer la vérité.

De plus, il venait d'Euphoria, le quartier le plus important de la ville.

Parce que ses parents étaient des gens très importants, il pouvait se balader librement dans cette zone restreinte, venant profiter des commerces ou encore du traiteur préféré de ses amis qui attendaient leur diner avec impatience.

Seuls Jung Kook et lui venaient de ce quartier, de ce « monde », c'était donc eux qui étaient chargés des courses de « qualité ».

Les autres n'avaient pas le droit d'y accéder ; attirer inutilement l'attention serait dangereux.

Plaçant tous les sacs dans une main, il remonta sa capuche de l'autre, accélérant le pas.

Les gens étaient prêts à tout pour pouvoir vivre à Euphoria mais Taehyung quitta sans hésitation le quartier, sortant de ce que les autres considéraient comme un paradis.

Arrivés à un point de contrôle, son visage reprit une expression « humaine », son masque de jeune homme insouciant parfaitement en place.

Il retira docilement son blouson, montrant ses mains et avant bras, laissant les gardes armés vérifier qu'il ne cachait aucune marque, pendant que son sang était prélevé.

-Êtes-vous sûrs de vouloir quitter le dôme Monsieur ? Questionna la sentinelle. Avez-vous besoin d'un véhicule ou d'un cortège ?

« Vous êtes fatigué de chercher votre âme sœur ? Vous craignez de ne jamais la trouver malgré votre lien ou de devoir attendre bien trop longtemps ? Vous aimeriez être prêt, même avant que votre marque n'apparaisse ? Mirotic vous offre une réponse personnalisée afin de mettre toutes les chances de votre côté ! »

Jimin laissa échapper un sifflement méprisant avant d'éteindre la télé.

Ces propos lui donnaient envie de vomir !

Mensonges, mensonges, mensonges !

Toujours et encore plus de mensonges !

Le roux avait très longtemps cru au rêve que leur vendait la société depuis toujours.

Dès l'enfance, il s'était accroché à cette idée merveilleuse d'âme sœur.

Cette personne destinée à vous compléter qui permettait d'atteindre enfin un bonheur sans faille.

On lui avait dit et redit que c'était le seul but de chacun dans l'existence et que la vie ne commençait qu'une fois sa moitié trouvée.

C'est une fois lié et seulement à ce moment là, qu'on avait enfin une place dans le monde.

Enfin de la valeur.

Seul vous ne pouviez rien entreprendre, vous n'étiez rien.

C'était l'Amour qui transformait tout.

Un emploi stable, de l'argent, une bonne santé, le respect, le bonheur, les rêves, l'avenir, une raison de vivre, tout cela et bien plus encore dépendait de cet autre créé juste pour vous.

Tout ne se résumait qu'à une seule chose, qu'à deux petits mots.

Âme sœur.

Jimin avait grandi nourri par cette image idyllique et romantique, par cette illusion que la propagande martelait sans cesse.

Il avait été impatient de grandir, d'avoir sa marque et de pouvoir enfin accéder à ce bonheur parfait qu'on n'avait cessé de lui vanter.

Pour lui, le lien était la solution à tous ses problèmes.

Peu importe qu'il ne soit pas humain, qu'il doive cacher sa nature, qu'il se sente perdu et seul ; tout ne serait qu'un mauvais souvenir une fois son autre trouvé.

Longtemps il avait cru que tout son malheur, son mal-être, venait de l'absence de lien.

Lorsque plus tard il avait rencontré Namjoon puis entamé une relation purement physique avec lui, son obsession s'était calmée sans que l'envie et l'impatience disparaissent, se faisant simplement moins pressantes.

Mais lorsque les sentiments s'en étaient mêlés, lorsque le soulagement et l'insouciance apportés par son leader s'étaient transformés en angoisses, en questions terrifiantes, doutes et remise en cause, il avait à nouveau plongé dans le bonheur parfait dépeint par le gouvernement et les médias.

Il avait recommencé à lire des livres, s'inscrire sur des sites, des groupes, télécharger des applications et se rendre à des rendez-vous arrangés.

Il s'était accroché encore plus fort qu'avant à la promesse qu'une fois son âme sœur trouvée, tout irait parfaitement bien et pour toujours.

Qu'une fois lié à la personne qui lui était destinée, il ne ressentirait absolument plus rien pour Namjoon.

Seulement, lorsque sa marque était apparue, il s'était mis à la détester malgré lui.

D'abord il se l'était caché, s'excitant de manière excessive et surtout peu convaincante, l'exhibant aux yeux de tous, comme il avait vu tant d'humains le faire avant lui.

Mais au fond de lui, il savait qu'il la détestait et inconsciemment, il s'était aussi mis à détester celui qui était responsable de son état.

Namjoon avait mis fin à leur liaison dès l'apparition de sa marque, comme prévu lorsqu'ils avaient commencé à coucher ensemble. Seulement Jimin n'avait pas encore sa moitié à cette époque, rien pour remettre les compteurs à zéro.

Rien pour effacer le blond de son cœur.

Et il s'était retrouvé sans son amant et sans cette moitié idyllique et son bonheur parfait.

Il avait eu le sentiment d'avoir tout perdu en échange d'une marque ridicule sur le poignet.

Et tout en la détestant, tout en maudissant Namjoon, il s'était encore plus perdu dans son obsession de l'âme sœur.

Mais cette fois ci, ça n'avait plus rien de romantique ou de magique.

Il n'était plus poussé par les promesses d'amour et de bonheur mais par le besoin urgent, vital, d'effacer sa douleur, ses sentiments et ses souvenirs.

Lorsque finalement ce qu'il avait cru être le miracle tant attendu s'était produit, il avait définitivement cessé de croire aux contes de fée.

En sa mère, la société ou en l'amour.

Son joyaux n'avait pas bougé lorsque sa sois disant âme sœur avait enfin eu sa marque.

Son bijou à moitié vide censé enfin être complet n'avait subi aucun changement, l'espace semblant même encore plus évidant.

Criant.

Lui et son « autre » s'appréciaient mais comme ils appréciaient le reste de leurs amis.

Il n'y avait pas d'amour, de désir et absolument rien de tout ce qu'on leur avait promis toute leur vie.

Jimin avait vu deux moitiés se trouver lorsqu'il était enfant et l'image était restée gravée dans son esprit.

Il avait assisté en direct à cette attraction impossible à combattre, à l'émotion, les larmes de joie se mêlant aux rires et au soupires de soulagement et bien être.

Il avait vu ces deux femmes trouver leur chez sois, leur sanctuaire et paix intérieure en trouvant l'autre, en l'étreignant enfin pour la première fois.

La lumière vive de leurs moitiés d'âmes qui se trouvaient enfin pour n'en former qu'une avant que celle de chacune aille trouver sa nouvelle place au creux de sa partenaire.

Il avait vécu quelque chose que toutes les propagandes, histoires et panneaux publicitaires n'avaient pas réussi à transmettre.

Lui qui était déjà fasciné par tout ce qu'il pouvait lire ou voir sur la magie de trouver son autre, avait découvert en voyant ce couple un idéal surpassant tout ce que la société lui avait enseigné.

Quelque chose qui semblait vrai, intense et paradoxalement aussi irréel qu'accessible.

Pourtant, aucun des membres de son groupe n'avait vécu ça.

Pas même Seokjin et ses débuts parfaits.

Combien de personnes avaient déjà expérimenté un tel miracle ?
Combien de personnes étaient vraiment heureuses avec leur âme sœur ?

Quel était le pourcentage de gens amoureux, nageant dans le bonheur en comparaison de ceux malheureux, obligés de taire leurs souffrances pour ne pas finir déportés, internés ou morts ?

Combien se faisaient maltraiter comme son ainé en silence, ou tromper et briser moralement comme Namjoon ?

Existait-il des gens comme lui, avec une âme sœur qui n'était pas leur moitié ?

Une âme sœur qui loin de les compléter ne faisait qu'accentuer le vide en eux ?

Baissant le regard vers sa main, il sentit son estomac se contracter douloureusement en voyant sa marque, la blessure qu'il s'était infligé, soignée depuis longtemps.

Il la détestait tellement.

Elle et tout ce qu'elle représentait.

Plus le temps passait et plus la haine semblait prendre de la place dans sa vie.

Il détestait le monde dans lequel ils vivaient, la société qui leur mentait depuis l'enfance, faisant passer leur dictature pour un univers magique où l'amour réglait tout en apparaissant un beau jour dans votre vie.

Il détestait Namjoon pour ce qu'il lui avait fait ressentir, pour tout ce qu'il lui avait apporté et repris.

Il lui en voulait de répéter que les choses allaient se régler, que lui et son âme sœur avaient juste besoin de plus de temps alors que tout le monde savait que c'était faux, que rien ne pourrait jamais se créer entre eux.

Il se détestait d'avoir cru si longtemps à ces ridicules chimères, de s'y être accroché au point de ne pas avoir pu se remettre de la chute.

Et il détestait Jung Kook de porter la même marque que lui, sans pour autant lui être destiné.

Son existence loin de lui apporter un quelconque réconfort, le rendant un peu plus malheureux chaque jour.

« Namjoon - Moins d'un quart de la pierre restant. Couleur attaquée par une autre, comme un parasite noir dévorant le rose.

Jimin - Bijou réduit à la taille d'une perle. Diamant devenu gris cendre.

Hoseok - Bijou avec pour habitude de couler, la couleur jaune vif semblant fuir avec le liquide.

Jung Kook - Bijou n'ayant pas bougé depuis son apparition mais le noir semble de plus en plus important.

Seokjin - Bijou entier mais composé de millions de débris. Couleur instable. »

Namjoon relut ce qu'il venait de taper, son cœur battant violemment, le sang cognant au même rythme contre ses tempes.

Retirant ses lunettes, il se massa le crâne en soupirant, ses yeux le piquant, le forçant à les fermer.

Il déglutit, l'impression qu'il tentait d'avaler des lames de rasoirs le faisant tressaillir.

Saisissant son magnétophone dont il ne se séparait jamais, il s'éclaircit la gorge.

« Question ; puisque nos bijoux reflètent l'état de nos âmes, quelle est l'importance de la couleur ? Est-ce que ça en a vraiment ? Et que... »

Se mordant la lèvre, il marqua une légère pause.

« Que se passera-t-il si une perle disparait entièrement ? »

Laissant les dernières notes mourir sous ses doigts, le pianiste garda les yeux fermés, un silence agréable prenant doucement place.

Il sentait la présence de sa moitié dans son dos, à quelques pas, sa chaleur au creux de lui semblant toujours brûler plus fort.

Amenant une main sur sa poitrine, il apprécia la douce vibration de son âme, la sensation glissant sur ses doigts, se transformant en frissons qui remontèrent vers son bras avant de secouer tout son corps.

Soupirant de bien être, il se tourna enfin vers l'homme de sa vie.

Ce dernier était débout, son regard sombre chargé d'amour fixé sur lui.

Comme toujours.

Le vent soufflait agréablement sur la terrasse, soulevant les cheveux du brun, se glissant sous sa chemise blanche alors que son écharpe se détachait, s'envolant vers le pianiste.

Ce dernier quitta son siège, se dépêchant de la ramasser, l'amenant instinctivement à son nez pour respirer l'odeur de son amant avant de l'enrouler à son cou.

-Est-ce qu'on va bientôt pouvoir manger le gâteau pour lequel tu t'es battu ?
-Je ne me suis pas battu ! S'exclama le musicien en rejoignant son partenaire. J'ai été victime d'un tordu !

Le brun attrapa sa main, entremêlant leurs doigts, provoquant des papillons dans son ventre.

-Tu aurais dû m'appeler !

Le ton était plus sérieux, quelque chose de menaçant se cachant derrière ces quelques mots.

Le pianiste sourit.

-C'est ce que j'allais faire ! Assura-t-il. Il est simplement parti avant !

Se collant au torse du brun, enfouissant son visage contre sa chemise, il l'enlaça, soupirant lorsque ce dernier le serra fort après avoir déposé un baiser sur son crâne.

Le « je t'aime » sur les lèvres du musicien fut brisé en même temps que leur petite bulle, une explosion soudaine, transformant leur moment magique en chaos.

Jung Kook marchait distraitement dans les rues, se dirigeant vers l'entrepôt sans avoir conscience de ce qui se passait autour de lui.

Encore confus à cause de ce qui lui était arrivé plus tôt en quittant Euphoria.

Un humain ne lui avait pas obéi.

C'était au moins la centième fois qu'il se répétait cette phrase et elle n'avait toujours aucun sens pour lui.

Voulant amadouer ses ainés à cause de la mission avortée, il avait décidé d'acheter leur gâteau préféré.

Ce n'était pas de sa faute si des sentinelles étaient venues faire un contrôle dans le bar mais malgré tout, il voulait que le dîner se passe dans la bonne humeur, sans personne pour ruminer sur la journée.

Surtout pas Jimin.

Lorsqu'en arrivant à la boulangerie il avait vu un jeune homme brun acheter le dernier gâteau, il avait naturellement saisi sa main pour susurrer à son oreille, sachant que l'autre ferait ce qu'il voulait.

Mais ça ne s'était pas passé comme ça.

Ca n'avait absolument pas marché.

Et quand il avait insisté, pensant simplement que son ton n'avait pas été le bon, l'autre l'avait traité de malade, criant qu'il avait une âme sœur et qu'il n'allait pas tarder à appeler une sentinelle.

Pour la première fois de sa vie, Jung Kook avait fui.

Pas par crainte d'être arrêté ou blessé mais à cause de cette situation insensée.

Il avait été terrifié par un simple humain !

Le cœur battant et les mains moites, il avait repris le chemin vers Fear comme un automate.

Il fallait qu'il en parle aux autres !

À peine arrivé devant l'entrepôt, il ouvrit brusquement la lourde porte attirant l'attention de Jimin et Hoseok qui s'étaient figés dans leur partie de billard.

-C'est... c'est n'importe quoi ! S'exclama Jung Kook, ne sachant pas comment aborder le sujet.

Les deux autres froncèrent les sourcils mais n'eurent pas l'occasion de demander des explications, un son inédit explosant dans tout le bâtiment.

Un cri.

Le cri de Taehyung.

Le pianiste hurla, le nom de son amant franchissant ses lèvres comme une litanie malgré la douleur de ses blessures.

Le trio ne réagit pas tout de suite, tous sous le choc, la surprise les clouant sur place.

Le châtain avait laissé tomber le livre qu'il venait de choisir dans la bibliothèque, se retrouvant à genoux, expérimentant quelque chose qui lui était totalement inconnu.

La souffrance.

Son front cogna contre le sol alors qu'il hurlait toujours, serrant sa main contre lui.

Le musicien fut immobilisé au sol, la lame transperçant sa paume mais il ignora la douleur physique, concentré sur son âme sœur qui tentait de venir jusqu'à lui.

-Tae ! S'exclama Jimin, sortant enfin de sa transe.

Le griffon haletait tout en sanglotant, laissant parfois échapper des sons semblables à ceux d'un animal blessé.

La scène était pour tous surréaliste et même une fois à ses côtés, le roux se sentit impuissant, paniquant complètement face à l'image qu'il renvoyait.

Son ami était en train de... de souffrir !

Peut-être même de mourir ?!

Taehyung eut l'impression qu'il venait de prendre un coup dans le ventre, l'air quittant ses poumons un moment avant qu'une toux violente ne lui écorche la gorge.

Gémissant, les joues trempées, il vomit, le contenu de son estomac mélangé à du sang.

Le pianiste rampa jusqu'à son amant, s'effondrant presque sur son corps inerte, le visage enfoui dans sa chemise en sang.

Relevant la tête autant qu'il put, ses doigts se serrant autour du tissu souillé, il détailla le visage tuméfié de son âme sœur, appelant son prénom en boucle, le suppliant de se réveiller.

-S'il te plait.... S'il te plait.

Hoseok n'était pas vraiment plus utile que Jimin et c'est finalement Jung Kook qui réagit.

Il était le seul à ne pas avoir encore bougé, le choc l'ayant figé plus longtemps que ses amis.

Les rejoignant enfin, il s'accroupit près de Taehyung qui était allongé par terre en position fœtale, pleurant et gémissant.

Il n'avait plus l'air de souffrir physiquement, la créature en lui ayant pris les choses en mains mais, il avait l'air dévasté par quelque chose de bien plus atroce et déchirant que ce que son corps avait subi jusque là.

Saisissant sa main, il l'endormit doucement, sa voix agissant comme un somnifère.

Le trio ne parla pas tout de suite, surveillant pendant plus d'une dizaine de minutes leur ami enfin calmé, plongé dans un sommeil presque comateux.

Au moins ils savaient qu'il allait dormir jusqu'au lendemain.

Jung Kook mit fin à leur observation, soulevant le châtain pour l'amener jusqu'à l'un des canapés.

-Qu'est ce qui s'est passé ?

Le brun se tourna vers la porte, tombant sur les mines inquiètes de Namjoon et Seokjin.

-Alors ? Insista le blond en pénétrant dans le salon.

Jimin baissa les yeux vers le vomi et le sang au sol avant de détourner la tête.

-Je... je... Balbutia-t-il.
-C'était... c'est... Comment... Tenta à son tour Hoseok.

-Tu ne peux pas être mort ! Hurla le pianiste en cognant sans force le corps inerte de son amant.

Il était presque entièrement engourdi, la douleur physique anesthésiée par celle de son âme.

-Je suis encore en vie alors tu ne devrais pas être mort ! Cria-t-il. Pourquoi ?! Pourquoi ?!

Seokjin rejoignit rapidement l'endormi pour vérifier qu'il aille réellement « bien » physiquement.

Le musicien retira la lame plantée dans sa cuisse, se retournant péniblement sur le dos, sa tête collée au flanc de son âme sœur.

Et sans la moindre hésitation, il enfonça l'arme dans son cœur.

Avant que l'ainé puisse contrôler son état, Taehyung les surpris à nouveau, se défaisant du charme de la voix de la sirène pour se redresser.

Ses ailes sorties brusquement envoyèrent Jung Kook et Seokjin valser violemment, sa peau s'enflamma, s'attaquant à ses vêtements.

Et il hurla.

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