~5~ La folie de Derry
Pour remercier Pennywise de ce qu'il a fait pour moi hier soir, j'ai décidé de le récompenser en l'amenant en ville pour goûter à quelque chose de délicieux, soit du McDonald. Ma mère n'aime pas quand je mange du fastfood, trouvant cela répugnant. Quand j'étais plus jeune, elle m'a même déjà montré une vidéo totalement dégoutante montrant ce qu'il y a dans les hamburgers afin que je n'en mange plus. Bien que je ne regarde plus les pauvres bœufs de la même façon, rien ne m'empêche de déguster un bon Bigmac.
La nuit est tombée depuis un moment et nous marchons côte à côte sur le trottoir vide. Le vent est plutôt frisquet, mais je me sens bien dans ma veste en jeans alors que Pennywise regarde partout avec curiosité. J'ai choisi de ne pas venir en plein jour afin qu'il y ait le moins de gens possible. Bien sûr, ma mère ignore que je suis là. Elle déteste quand je marche au bord de la route le soir, donc j'ai dû mentir et dire que j'allais chez Stanley et qu'il viendrait me porter plus tard en voiture.
Pendant que Pennywise prend place sur un banc à l'écart, je rentre rapidement dans le restaurant nous chercher à manger et je ressors avec un gros sac brun pour rejoindre le clown qui m'attend docilement. Je m'assois joyeusement à ses côtés sous son regard interrogatif, puis j'approche le sac de son nez.
-Sens cette bonne odeur! Déclarai-je.
-Ce sac sent bon. Ça se mange?
-C'est ce qu'il y a à l'intérieur qui se mange.
Je rigole et sors du sac une longue frite que j'apporte à ses lèvres, sans la moindre peur. S'il mangeait ma main plutôt que la nourriture? Pennywise ouvre la bouche et je la pose sur sa langue, attendant sa réaction. Peut-être qu'il ne va pas aimer. Ses yeux jaunes s'ouvrent grand, puis il me sourit.
-C'est bon!
-Je te l'avais bien dit. Attends de gouter au hamburger.
Je sors le reste du sac et divise les portions avant de commencer goulument à manger. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de déguster de la malbouffe, donc je profite à fond de chaque bouchée. Un peu plus loin, des gens se baladent sans nous porter le moindre regard.
-Dis, est-ce que les gens te voient avec moi en ce moment? Demandai-je.
-Comment ça?
Le clown me regarde en léchant ses doigts, son burger déjà entièrement ingurgité. Je pensais que Richie mangeait rapidement, mais lui, il le bat!
-Bah, est-ce que j'ai l'air d'un bizarre qui parle seul ou d'un bizarre qui parle à un clown? Expliquai-je.
-Ils nous voient tous les deux, mais ils pensent que tu es ma nouvelle victime. Ils ne veulent pas interférer avec moi, parce qu'ils ont trop peur pour te sauver.
-Quoi, comment ça, c'est toujours comme ça? Tout le monde connait ton existence et ils te laissent tuer?
Pennywise grimace, mais je suis un peu choqué. Savoir que les adultes savent que leurs enfants sont en danger dans cette ville et tout de même y rester sans agir, c'est immonde. Moi et mes amis étions jeunes quand nous nous sommes battus contre ce démon et pourtant, nous avons presque gagné. Pourquoi serait-ce juste à nous d'être des héros dans l'ombre? Pourquoi les parents ne sont jamais descendus dans les égouts avec leur carabine et des battes de baseball?
-Hum, oui, répond calmement le monstre, tu serais surement devenu comme eux plus tard... ça a toujours été comme ça. Ils préfèrent se faire tout petits pour que je ne prenne pas leurs enfants. Comme les parents de Georgie. Toi, ta maman serait triste.
-Je vois...
Je baisse les yeux en imaginant comment ma mère réagirait si je disparaissais. Elle serait surement morte de chagrin. Même si elle est souvent trop intense et protectrice, j'aime beaucoup ma maman. Il faut comprendre que je suis tout ce qui lui reste sur cette Terre. Après avoir perdu son mari, elle veut conserver son fils. J'apporte mon inhalateur à ma bouche pour en prendre une grande inspiration.
-Désolé, souffle-t-il.
-Ne t'excuse pas. Les gens de Derry me dégoutent... j'ai hâte de quitter ce trou à rats.
-Tu veux partir d'ici?
Pennywise se redresse, visiblement surpris par mes mots. Je me contente de hocher positivement la tête, fixant toujours mon fidèle inhalateur.
-Un jour sûrement, avouai-je, je refuse de finir comme ces gens. Mourir dans cette ville, ce serait ça le vrai cauchemar.
-Tu ne mourras pas.
-J'espère.
Je soupire en laissant lourdement tomber la tête sur son épaule, le crâne rempli de souvenirs moroses. Pourquoi mon cœur est si gros tout à coup? Je déteste cette sensation, mais les mots sortent tous seuls de ma bouche, comme si j'avais besoin de me confier à quelqu'un :
-Mon père aussi voulait partir, mais ma mère l'a forcée à rester parce qu'elle aimait trop cette ville. La nouveauté l'a toujours terrifié, ce n'est pas nouveau. Il est resté par amour et il est décédé dans la ville qu'il détestait le plus au monde.
-Oh, je suis désolé.
-Ne le sois pas. C'était il y a longtemps... je n'étais qu'un gosse à l'époque. C'est après cela que ma mère est devenue si protectrice. Quand j'avais quatre ans, elle m'attachait en laisse pour être certaine de ne pas me perdre.
-En laisse... mais c'est horrible!
Je souris tristement, conscient que la femme qui m'a donné la vie a parfois eu des comportements trop exagérés. Mes yeux brûlent, se remplissant de larmes. Pourquoi ressasser le passé fait toujours si mal? La tête sur l'épaule de Pennywise, je me sens bien. Il est confortable.
-Pour elle, c'était l'unique moyen que je ne me perde pas, continuai-je, pendant longtemps, je n'ai pas eu le droit de faire plein de choses.
Nous continuons de discuter un moment de ce sujet qui a souvent été difficile pour moi. Pour un enfant, être pris en cage ce n'est pas facile. Si je n'aimais pas tant ma maman, je pense que je me serais depuis longtemps rebellé. Enfermer un oiseau qui veut découvrir le monde de ses yeux, c'est le meilleur moyen de lui donner envie de s'envoler. Je termine mon repas et me lève du banc, prêt à rentrer chez moi avec mon nouvel ami.
-Et toi, tu as déjà eu une famille? M'enquis-je sur le chemin du retour.
-Je... je ne sais pas.
Il semble surpris, fronçant les sourcils en marchant sur cette route sombre.
-Comment ça, tu ne sais pas?
-Je ne sais plus... ça fait tant d'années que je suis ici à tuer que j'ignore comment tout cela à commencer. Le temps s'est depuis longtemps arrêté pour moi.
Le voir triste me peine, je ne sais pas pourquoi. Je pince les lèvres, ignorant quoi dire, puis j'agrippe doucement sa main afin de le rassurer. Il regarde étrangement ce contact, mais il ne le rompt pas. J'espère que cela lui fait du bien?
-Dis-toi que maintenant c'est terminé, affirmai-je en souriant, maintenant, tu peux avoir la vie que tu souhaites.
-Si j'y arrive...
-Bien sûr que tu vas y arriver, parce que je suis là pour t'aider! Moi je te vois différemment. Je sais qu'au fond tu peux être quelqu'un de bien.
Il tourne ses yeux jaunes vers moi, puis le clown s'arrête de marcher pour me regarder très sérieusement. Je cesse aussi de marcher.
-C'est vrai? Souffle-t-il.
-Oui, je le pense sincèrement.
-Merci Eddie.
Pennywise me surprend quand ses bras s'enroulent autour de moi pour m'étreindre. Il est beaucoup plus grand et je décide de lui rendre, heureux de le considérer comme un nouvel ami. En sa présence, je me sens invincible. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais le lien qui se développe entre nous est très puissant.
Nous arrivons chez moi peu de temps après et nous montons à ma chambre. J'enfile mon pyjama dans la salle de bain, puis quand je reviens, je me fige. Le clown est allongé sur le lit, fixant le plafond. Ses cheveux... je m'avance vers lui et Pennywise me sourit gentiment. Cependant, mon regard est uniquement porté vers un détail.
-Wouah... m'exclamai-je.
Mon ami penche la tête sur son épaule, ne comprenant surement pas.
-Il y a un souci?
-Tes cheveux... ils ont changé de couleur.
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