Fait divers
Ce soir, vendredi 18 janvier, je prenais le métro 13 pour rentrer chez moi.
Il n'y avait presque personne dans la rame.
Je me suis assise, j'ai glissé ma valise sous mes pieds et j'ai posé ma sacoche sur mes genoux.
J'ai regardé le tunnel défiler au travers de la vitre, mes écouteurs me jouant de douces mélodies au piano.
Une station plus tard, à Saint-Denis Porte de Paris, j'ai entendu une voix de femme derrière moi qui disait:
- Elle fait peur, la ligne 14! Et la 13 aussi! Les gens ils me regardent, mais je suis belle moi!
Je me suis retournée vers la voix et j'ai aperçue la nouvelle arrivée.
La femme était d'âge mûr; un peu plus de quarante ans, je dirais. Elle avait des cheveux blonds très clairs en carré, avec deux ou trois pinces à paillettes argentées à l'arrière de la tête, formant une sorte de demie queue. Elle portait un t-shirt noir à motifs en sequins, une jupe très courte du même acabit, pas de collants, et un manteau doré. Elle avait les poignets et les chevilles couverts de bracelets brillants. Sa jupe courte laissait apparaître l'arrière de ses cuisses, dont les veines violettes ressortaient, formant comme un motif de carte routière. Elle était maquillée, aussi; fard à paupière bleu métallique, mascara noir et rouge à lèvre rose brillant. Enfin, elle avait un grand sac plastic noir à la main.
Dire que son accoutrement était tape-à-l'œil aurait été un euphémisme.
La femme a marché jusqu'à mon niveau, s'est penchée vers moi et m'a dit en souriant:
- Elles sont jalouses de ma beauté parce que je suis belle. Et n'est-ce pas que je parle bien?
J'ai esquissé un léger sourire. Elle n'a pas attendu de réponse de ma part et s'est assise un rang plus loin, me tournant le dos.
Quatre stations plus tard.
Juste avant que les portes ne s'ouvrent, la femme reprit la parole:
- Vous allez voir, ils ne me connaissent pas et ils vont me regarder!
Entrent trois nouveaux passagers: une jeune femme, un jeune homme et une retraitée.
La dame âgée s'assoit en face de la femme à paillettes.
La dame avait la petite soixantaine environ. Elle avait des cheveux teints auburn très courts, des lunettes rectangulaires à branches rouges et un visage un peu joufflu. Elle portait un jean, un manteau bleu marine avec de la fourrure grise sur les bords de sa capuche, et une écharpe grise.
- Si vous me regardez, lui dit la femme à paillettes, c'est un euro le regard!
La dame en face rit gentiment.
- Ah! répondit-elle. Je n'ai pas d'argent.
- Je ne veux pas de vos sourires! Si vous ne payez pas, vous ne me regardez pas.
Puis, après quelques secondes:
- Je suis belle et je parle bien.
La dame en face et moi avons échangé un sourire.
Quelques stations encore plus tard, la femme à paillettes se leva et reprit la parole:
- On me regarde trop ici, je vais changer de wagon.
Puis:
- Regardez, je suis une femme qui brille, moi! Je brille toute l'année! lança-t-elle avec un grand sourire.
Les portes s'ouvrirent, et elle vanta les brillants de sa jupe aux nouveaux arrivants.
Puis elles partit, et les portes se refermèrent.
Le métro s'ébranla de nouveau, et je me remis à observer le tunnel défiler au travers de la vitre, les écouteurs me jouant toujours un peu de piano.
J'ai pensé, songeuse:
« C'est dommage, parce qu'elle avait un beau visage... »
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