17

Lorsqu'il s'était levé ce matin-là, la première chose qu'avait fait Lisandro était de regarder les informations. Mais rien n'avait changé. Le volcan était toujours en éruption et les vols tout autant annulés que la veille. Un soupir lui avait alors échappé et il s'était laissé retomber dans son lit. 

Il n'avait envie de rien ce jour-là. Une boule semblait présente au plus profond de son estomac et la tristesse l'envahissait à l'idée de rester seul aux Pays-Bas pour les fêtes. L'entrainement lui avait paru interminable. Ses jambes étaient lourdes et il ne prenait aucun plaisir. 

À chaque seconde, il ne faisait que penser à sa maman qu'il ne pourrait pas voir ainsi qu'à son frère dont il ne pourrait pas se moquer s'il était toujours plus petit que lui après toutes les semaines qu'il avait passé à lui annoncer le contraire. Quand la fin de l'entrainement fut sifflée, il trottina sans passion vers le vestiaire et prit sa douche lentement. 

Mais l'eau chaude n'avait pas l'effet escompté. D'ordinaire, elle le calmait et détendait ses muscles endoloris. Cette fois-ci, elle servait juste à le nettoyer. Il sortit et s'enveloppa rapidement dans sa serviette. Son visage était dépourvu de sourire et ses yeux marron étaient loin très loin de leur éclat habituel. 

Ça va pas Lisandro ?

La voix d'Edson était pour une fois sérieuse. Il pouvait lire dans ses yeux qu'il s'inquiétait pour lui. 

J'ai peur de passer Noël tout seul.

Sa gorge s'était violemment nouée alors qu'il énonçait sa plus grande peur et il avait contenu avec difficulté ses larmes. Les bras vinrent l'envelopper et il sentit le mexicain le serrer fort contre lui. Il se débâtit un peu. Lisandro n'était pas quelqu'un que l'on pouvait classifier de tactile, et encore moins de cette façon. Il aimait faire des sauts sur ses coéquipiers après des buts marqués, mais il appartenait à la face chahut du tactile et pas à celle émotionnelle. 

Je peux demander à Lily si elle veut bien que tu viennes avec nous si tu veux.

Il avait fermé une seconde les yeux. Il ne pouvait pas accepter. C'était la fête des familles et il n'appartenait pas à la sienne. En plus, le mexicain venait tout juste de devenir papa, il devait avoir envie de profiter en petit comité. 

Profitez à trois, tu les abandonnes suffisamment comme ça pour que je m'incruste.

L'autre s'était contenté de hausser les épaules avant de l'observer.

Comme tu voudras, mais ma porte te sera toujours ouverte. 

Il avait lentement hoché la tête en réponse. Mais il ne se voyait pas trop y aller. 

Lisandro, dans mon bureau.

Son sang n'avait fait qu'un tour quand la voix de son entraineur avait retenti dans le couloir. Il avait senti son cœur louper plusieurs battements. Il devait savoir. Il s'était dirigé à grandes enjambées en direction de celui-ci, mais la peur lui dictait de faire machine arrière. Erik n'était pas un monstre, loin de là. Il était apprécié de tous dans le club. Il savait faire de jeunes des joueurs incroyables. Il était à l'écoute. Il analysait tout et prenait aussi en compte les états de forme physiques et psychiques de ses joueurs. 

C'était un pur bonheur de jouer sous ses ordres parce qu'ils avaient le champ libre s'ils respectaient le plan de jeu général. Et le plan de jeu général était formidable, un rêve pour chaque joueur. Parce que sous ses ordres, ils jouaient au football qu'ils aimaient tous. Et quand parfois il revoyait ses matchs, il était heureux de jouer pour l'Ajax. Parce que c'était beau à voir et il savait qu'ils n'ennuyaient pas les fans, que lui aurait voulu regarder des matchs comme ça dans le stade ou un canapé.

Mais si Erik était aussi aimé et respecté, ce n'était pas uniquement pour toutes ces raisons. C'était également parce qu'il était profondément juste. Et ainsi, Lisandro savait qu'en outrepassant une des règles du club, il ne couperait pas à la sanction. Parce que ce qui était valable pour un jeune s'entrainant juste depuis quelques semaines avec eux l'était tout autant pour Dusan, brassard autour du bras ou non. Et indispensable à l'équilibre de l'équipe ou non, il finirait puni. Parce que comme on lui avait dit le premier jour, il n'y avait pas de star ici. À l'Ajax, la star, c'était l'équipe. Et il ne fallait pas trahir l'équipe, même si la trahison était juste quelques dizaines de minutes à patiner. 

Qu'est-ce qu'il se passe mon grand ?

La voix qui venait de résonner était douce. Il avait relevé ses yeux sombres vers le chauve qui le regardait d'un air inquiet tout en se dirigeant vers son fauteuil. 

Quoi... ?

Il ne comprenait pas pourquoi il lui posait cette question. 

Tu n'avais pas l'air en forme à l'entrainement, tu as un problème dans la vie ?

Il était resté silencieux un moment, ne sachant pas vraiment quoi répondre. Le regard lui paraissait presque inquisiteur, comme s'il avait pu lire en lui. Et pendant un bref instant, l'argentin eut peur. Peut-être pouvait-il découvrir qu'il avait fait du patin à glace à travers celui-ci. Il effaça cette idée de son esprit, il était inutile de commencer à psychoter.

Tu n'es pas obligé de m'en parler si tu ne veux pas, mais trouve quelqu'un pour le faire. Il n'est jamais bon de rester seul avec ses soucis. Tu peux y aller.

Il lui avait fait un signe en direction de la porte, lui montrant par là qu'il était complètement libre. Et il était heureux qu'il ne forçât pas la conversation. 

J'ai peur d'être tout seul à cause du volcan.

C'était sorti tout seul. Et après une seconde de réflexion, il avait trouvé sa phrase incompréhensible. 

À Noël ?

Il avait hoché la tête. En face, son entraineur se pinçait légèrement les lèvres. Il pouvait voir son front se froncer, signe qu'il était en grande réflexion. Le silence s'était installé pendant un moment qu'il jugeait un peu trop long. Et puis il avait été brisé.

T'as déjà été à la montagne ? 

— Non... Pourquoi ?

— Parce que si la situation ne s'arrange pas, tu viendras avec nous. 

Ses yeux s'étaient agrandis comme des ballons. Il ne pouvait pas être sérieux. 

Mais... Je...

— J'en parle à ma compagne dès ce soir, je suis sûre qu'elle n'y verra pas d'objection. Il est hors de question que tu déprimes pendant une semaine parce que tu ne peux pas rejoindre les tiens. Et je suis sûr que tu t'entendras bien avec ma belle-fille. Tu as déjà dû la voir, elle est venue plusieurs fois. 

Il n'était pas persuadé de la suite. Et il n'osa pas lui dire qu'il n'était pas certain d'avoir envie de passer Noël en sa compagnie. Mais d'un autre côté, l'idée d'aller à la montagne était plus de tentante. Parce que ça voulait dire qu'il y aurait forcément de la neige à Noël. Et il n'avait jamais fêté Noël sous la neige. 

On en reparle en fonction de l'évolution. En attendant, passe une bonne soirée, repose-toi bien, on se voit au match demain. 

La main de son entraineur avait légèrement pressé son épaule, comme pour le rassurer et lui signifier que tout irait bien. Et pendant un bref instant, il le crut. 


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