Chapitre 8
Je ne suis jamais entrée dans ce magasin, et je suis assez surprise en le découvrant. C'est une boutique de vêtements, évidemment. Mais c'est assez bizarre pour nous d'entrer et de voir des dizaines et des dizaines de robes de soirée. Avec Camille, on a toujours préféré rester en dehors des grandes soirées mais nous rêvons toutes les deux d'un bal pour la fin de nos études. Comme aux Etats-Unis, en fait. Bien sûr, ce n'est pas possible mais c'est vrai que c'est surprenant de voir toutes ses magnifiques tenues. On se balade entre les rayons, ne ratant aucune robe, tellement elles sont parfaitement réalisées. Je reste bouche bée en en voyant une. Bleue, bustier, arrivant un peu au dessus du genou, elle est vraiment belle. Je l'effleure du bout des doigts pendant que Camille s'en va en quête d'autres robes. Son toucher est très agréable et j'ai plus qu'envie de l'essayer.
Quand ma meilleure amie voit que je reste bloquée au même endroit, elle me rejoint et sourit en voyant l'intérêt que je porte à cette robe. Elle me demande de l'essayer, certaine qu'elle m'ira parfaitement. Incapable de réagir, je la prends à ma taille et m'engouffre dans la cabine d'essayage. Juste avant de l'enfiler, je vois nettement le prix devant mes yeux, ce qui me ramène à la réalité. J'aurai du m'en douter mais elle est largement au dessus de mes moyens et jamais je n'ai dépensé ce prix pour aucun vêtement. Cela ne m'étonne pas, après coup. Ce doit être un travail de professionnel. Malgré tout, je ne résiste pas à la tentation de l'essayer. Ça, au moins, ça ne coûte rien.
La robe est parfaitement ajustée et je tourne et retourne devant le grand miroir, juste derrière ma cabine. Je lui cherche un défaut, pour me dire que je n'ai pas perdu grand-chose, mais rien ne me vient. Elle me va parfaitement. Cela fait pourtant longtemps que je n'aie pas osé me regarder dans un miroir, et j'évite toujours d'observer mon visage. Mais me sentir belle ainsi me fait du bien. J'ai beaucoup maigri depuis la dernière fois où j'ai acheté des vêtements et pourtant la robe m'épouse comme un gant. Camille est du même avis, même après avoir vu le prix exorbitant de la tenue.
-Elle n'est pas en solde ? Oh, ce serait tellement injuste que tu doives laisser pareille merveille derrière toi. Je t'assure, on dirait une princesse !
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en entendant ce mot. C'est comme ça qu'Aaron me surnomme, enfin me surnommait devrais-je dire. Il a toujours affirmé que j'étais sa princesse. Que dirait-il s'il me voyait dans cette robe ? Mais je secoue la tête, il faut que j'oublie pour une après-midi, je me sens déjà assez mal comme ça.
-Je sais, elle est magnifique. Mais je pense que mes parents n'en reviendraient pas si je leur demandais, rien qu'une participation.
Elle semble réfléchir quelques instants, puis soupire, apparemment résignée.
-Tu sais, il faudrait qu'on s'organise un bal. Ou une grosse soirée. Même si on doit être les deux seules invitées.
On rigole bruyamment, sous l'œil curieux des quelques clients.
-Excusez-moi, vous allez l'acheter ?
Un jeune homme plutôt mignon se tourne vers nous, et je me sens rougir. Il est un peu plus âgé que nous et est sûrement le vendeur du magasin. Je peux voir que Camille est aussi embarrassée alors je me sens obligée de me racler la gorge. Elle sort de sa torpeur mais ne dit toujours rien.
-Non, je suis désolée.
-Vous savez qu'elle fait partie de nos anciennes collections ? Elle appartient sûrement à la quatrième démarque, vous voulez que je vous dise le prix actuel ? Elle vous va bien.
Il m'adresse un sourire charmeur. J'hésite. Même soldée, elle doit représenter un prix assez conséquent. Finalement, je refuse poliment.
-Je reviendrai peut être, il faut que je vois avec mes parents.
Hochant la tête, il nous salue, puis retourne derrière la caisse de son magasin. Je me change et repose la robe entre les rayons. Je n'en vois pas d'autres pareilles, c'est sûrement la dernière. Nous sortons du magasin, bredouille.
-Tu as bien fait de refuser. Cela nous donnera une bonne raison d'y retourner et de revoir ce magnifique jeune homme.
Elle a insisté sur ses mots, ce qui me fait sourire. C'est avec enthousiasme que nous finissons cette belle journée, en nous faisant une belle petite manucure. Et puis, je me rappelle ma retenue de ce soir. Camille m'accompagne au lycée puis repart sur la place, pour prendre son bus. Je soupire. Tous les étudiants s'empressent de quitter les lieux et je suis obligée de me retenir de le faire.
J'entre finalement dans ma salle. Le professeur, qui m'est inconnu, me dit de m'installer. Il ajoute que je n'aie aucun travail particulier à faire et que je peux vaquer à mes occupations. Apparemment, il a l'air aussi ravi que moi d'être ici. Je me contente d'observer l'aiguille de l'horloge qui ne veut plus avancer. La porte s'ouvre à nouveau, m'indiquant l'arrivée de Parker. Il me repère et vient s'assoir à côté de moi.
-Alors, on sèche les cours maintenant ? Jolis ongles, au fait.
Je ne lui réponds rien, posant simplement ma tête contre mes bras croisés. Il se tait un moment, maintenant habitué à mes refus de parole.
-C'est abusé. J'ai l'impression que même le surveillant a été collé par notre prof. Et on n'a même rien à faire. On a quoi, deux heures à tirer ? Ce n'est rien.
Il continue à me raconter sa vie et je me retiens de lui dire que je m'en fiche. Parce que c'est exactement ce qu'il veut, je le sais.
-Et donc, mon cœur, qu'as-tu prévu de faire en rentrant chez toi ?
-S'il te plaît, tais toi. Et arrête avec ce stupide surnom.
Les souvenirs de la matinée me reviennent brusquement, et je sens les larmes me monter aux yeux. Parker le sent sûrement aussi puisqu'il se tait un moment. Je sens sa chaise se rapprocher de la mienne, et il passe un bras autour de mes épaules. J'essaie de me dégager d'un mouvement sec mais il ne lâche pas prise, même si moi je commence à le faire. Je tourne mes grands yeux brillants vers lui, qui me dévisage d'un air inquiet. Il attend que je dise quelque chose mais je me contente de poser ma tête face/contre (à) son épaule. Je perçois nettement son petit sursaut, ce qui me montre qu'il ne s'y attendait pas. Bon dieu, son parfum. Deux petites gouttes salées s'échappent de mes paupières pour aller s'écraser contre sa veste et je finis par m'écarter.
-Pardon, pour ta veste.
-Pas grave. J'aurai un souvenir de toi quand tu m'enverras de nouveau balader.
Cet imbécile arrive à me faire sourire à travers mes larmes. Il en essuie une avec son pouce et je me sens défaillir sous son regard intense. Je baisse finalement les yeux. Personne ne s'est encore intéressé à moi comme ça. Je ne sais pas pourquoi il l'est d'ailleurs. Il ne devrait pas. Il a beau être insupportable, je sens que c'est un mec bien, et je ne mérite pas quelqu'un comme ça.
-A quoi tu penses, mon cœur ?
Le surveillant est parti, il l'a sûrement dit mais j'avais l'esprit ailleurs. Je me rends compte que la main de Parker est toujours contre ma joue, alors je m'écarte, en rougissant. Son sourire devient arrogant, et c'est très agaçant.
-Ne m'appelle pas comme ça.
-Tu es absolument convaincante, c'est dingue. Bon, l'heure ne va pas tarder à se terminer, et je pense sécher la deuxième. Tu rentres comment ?
-En bus, pourquoi ?
-Je te raccompagne !
-Mais tu as quel âge ? Je ne pense pas que tu puisses conduire sans être en infraction.
-Tout dépend du véhicule, mon cœur.
Il me fait un clin d'œil et je devine qu'il conduit un deux roues.
-C'est gentil, mais je refuse. Je vais rentrer par mes propres moyens. Au revoir.
Je me lève, sors de la salle, consciente qu'il est sur mes talons. Il me rattrape à petites foulées, réussit à se poster devant moi pour me faire arrêter net. Il pose doucement ses lèvres contre ma joue, mon cœur battant la chamade. Puis, il sourit et s'en retourne au lycée.
Plus il va continuer à m'approcher, moins je serai apte à le repousser.
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