Chapitre 5

Après avoir racontée brièvement ma demi-journée à mon père, nous arrivons devant la maison. Je m'empresse de monter me réfugier dans ma chambre. Cette première journée de cours était éprouvante, mais je n'ai pas craqué, c'est déjà bien. Ce serait mentir de dire que c'était insurmontable parce que ça n'était pas si terrible que ça. Mais me dire que je vais devoir passer trois ans dans cet établissement m'est difficile. Je voudrais tellement qu'il me revienne. Il faut qu'il me délivre de tout ça. Je suis incapable de ressentir de la joie, même pendant les courts instants de bonheur qui me sont encore permis. Je ne peux plus le supporter. De plus, je dois repousser toutes les personnes qui tiennent à moi pour ne pas les mêler à tout ça. Et ce n'est pas juste pour moi, je le sais. Mais je n'arrive pas à m'en empêcher.

Parker.

Son beau visage apparait clairement devant mes yeux et je ne sais pas comment il fait pour s'introduire dans ma tête pendant que je ressasse tout ce qui s'est passé ce matin. Ses yeux marron étaient ancrés aux miens et ses cheveux ébène valsaient au rythme du vent. Comment est-ce qu'un garçon aussi beau peut daigner m'adresser la parole ? Je sais bien que je me laisse aller. Je ne prends plus vraiment le temps de me coiffer, ni de m'habiller soigneusement. Je fais au plus vite. Et de toute façon, je n'arrive plus à me regarder dans un miroir. Je ne peux pas supporter ce que je suis en train de me faire. Je ne mange plus beaucoup, ce qui ne me ressemble vraiment pas mais je n'y peux rien. Je n'ai plus le goût pour vivre.

Et si je devais un jour aller mieux, je sais que je me sentirais coupable. Je suis incompréhensible mais je suis comme ça. Et je sais que je n'irai jamais mieux. Dépitée, je fouille dans mon armoire jusqu'à retrouver le t-shirt que je m'étais achetée lors d'un voyage scolaire. Aaron m'avait aidé à le choisir et, pour rire, il l'avait noué autour de son bras pendant une journée. Il disait que ce serait l'objet représentant de notre amitié. À l'époque, bien sûr, je le croyais incapable de m'abandonner sans aucun remords et j'attends encore les explications. Mais ce vêtement porte encore son odeur, et il m'a souvent aidé à m'endormir. Bien que ça soit aussi une torture de me sentir aussi proche de lui. Je me sentais tellement bien avant. J'étais tellement souriante, sûre de moi, heureuse. Je paraissais beaucoup mieux dans ma peau.

Les larmes commencent à mouiller le t-shirt, et de peur de l'abîmer, je le range soigneusement au fond de ma pile de vêtements. La vie, le destin, peu importe ce que c'est, a décidé que je ne devais plus être heureuse, plus jamais. Je mets fin à cette pénible journée en allant directement me coucher. J'ai cours de français demain et je pense qu'une longue nuit de sommeil me préparera au pire. Dormir me soulage, quand je ne fais pas de cauchemars évidemment. Et pourtant, avant, ça me terrifiait. Pendant les premières semaines qui ont suivies la séparation, je repoussais l'heure de me coucher, ne souhaitant pas me retrouver seule avec mes pensées. La nuit me terrifiait et je ne voulais pas me réveiller avec l'impression de m'enfoncer un peu plus dans le gouffre que je me suis construit. Mais aujourd'hui, je commence à être habituée à la douleur, j'ai appris à vivre avec. Et j'ai découvert une autre chose qui m'aidait à m'endormir. Quelque chose de pourtant très simple mais qui ne m'empêchait pas d'être apaisée. Je regardais les étoiles. Le ciel paraît tellement grand et quand on pense à tout ce qui nous entoure, à tout ce qui se passe dans notre monde, on se sent forcément mieux. Pendant les vacances, j'allais sur le toit de la cuisine, en passant pas mon velux qui m'y donnait accès. Là, je m'allongeais, mon t-shirt soigneusement posé à côté de moi et je pouvais rester des heures ainsi à contempler le ciel. Aaron voyait le même ciel que moi, là où il était et je me demandais si je lui manquais autant qu'il me manquait. C'était la seule chose qui m'apaisait dans tout ça. Savoir qu'une chose, aussi infime soit-elle, nous reliait encore.

En ce moment, c'est certain que je le fais beaucoup moins avec l'automne qui s'annonce. Et ça ne fait plus beaucoup effet. Ce n'était qu'au début que ça pouvait fonctionner. Il n'est toujours pas revenu, même si je l'espère encore. Et malgré le fait que ça soit terrible de supporter ce qui s'est emparé de moi, je ne veux pas m'en sortir. Bien qu'il soit inévitable, l'oubli paraît insupportable. Parce qu'il y a quelque chose de pire que de se torturer l'esprit en se remémorant encore et encore tous les souvenirs présents dans mon esprit. C'est d'oublier tout ça. Je ne le veux absolument pas.

Le réveil sonne, m'arrachant à mon sommeil sans rêve. Je me lève en en pensant à la deuxième journée qui m'attend. Je suis stressée de découvrir ce qui m'attend et me passe de petit déjeuner. Sinon, je pense pouvoir le rendre dans la cour du collège. Mon père se contente d'écouter le CD de musique que j'ai mis il y a quelques jours, et ça me va très bien. Je ne suis pas d'humeur à faire la conversation. Arrivés devant mon lycée, je le salue d'un signe de la main puis m'empresse de rejoindre Camille qui parle avec des filles de ma classe. Elle m'accueille chaleureusement, suivie de quelque unes dont je ne connais pas le nom. Je fais bonne figure, pour leur faire plaisir puis m'efface pour rejoindre mon casier. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi c'est moi qui suis tombée sur une personne qui m'a fait autant de mal. Quelqu'un arrive en courant près de moi, me faisant tomber, ainsi que toutes mes affaires. La honte.

Je me relève, non sans grimacer, ayant eu une mauvaise réception. Je ne me rends pas tout de suite compte que quelqu'un m'observait depuis l'autre côté de la cour. Et ce quelqu'un s'est grandement rapproché du garçon qui m'a bousculé par accident. Il l'attrape par le col pour l'immobiliser et tente d'obtenir des excuses de sa part. Indignée, je le tire par le bras pour le faire reculer.

-Je lui apprends juste à s'excuser Juliette.

Il est insupportable. Sa voix, tout en lui me met en colère. Le pauvre garçon finit par s'excuser et Parker le laisse partir. Je n'en reviens pas. Qui, en ayant un peu de bon sens, peut oser faire ça ?

-Je te préviens, la prochaine fois, je vais chercher le dirlo et c'est toi qui seras en mauvaise posture. Il faut que tu apprennes la politesse.

-Enfin, Juliette...

Son bras effleure le mien mais je m'écarte à temps.

-Ne me touche pas ! Tu ne me connais pas, laisse moi tranquille !

Plusieurs secondes s'écoulent avant que je me décide à lui abattre ma main sur son visage.

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