Chapitre 37

-C'est mon père, tu sais. C'est toujours mon père le problème. Même si lui pense le contraire. Il me déteste, Juliette, bon dieu, je crois vraiment qu'il ne me supporte plus. Si je ne t'avais pas, je pense que je deviendrais fou. Je ne lui parle plus depuis deux jours, il m'a rabaissé plus bas que sous terre et a osé me dire que si ma mère s'était barrée, c'était de ma faute.

-Oh, Parker...

C'est quand même dingue qu'il ne se montre pas un peu plus blindé devant son père, c'est vrai quoi, il ne montre presque jamais ses sentiments, et il est resté un véritable enfant devant ce qui lui reste de famille. Et il est là devant moi, comme si j'allais aussi l'engueuler, comme si j'allais oser lui dire que son père a tout a fait raison.

À vrai dire, j'ai juste envie que ses yeux paraissent moins triste, parce que sinon il réussira à me faire pleurer, et ne voudra plus jamais me parler de ses problèmes personnels.

-Tu ne le crois pas, dis-moi ?

Il me regarde d'un air désespéré et écarte les bras, comme si je venais de poser une question dont la réponse était évidente.

-Je ne sais pas ! Est-ce que je dois croire celui qui m'a élevé ? Je ne sais rien de ma mère, elle s'est barrée quand j'avais six ans, alors quoi, je ne sais pas ! Je me souviens à peine d'elle, et à cette époque, mon père n'était pas tellement présent non plus. Je l'adorais, mais je ne m'en souviens plus, c'est comme si mon esprit avait bloqué cette partie de ma vie. Ça me rend fou, putain !

Je le sens s'égarer dans un endroit où je n'ai pas accès et ses yeux deviennent vitreux, comme s'il devenait complètement fou.

-Parker, Parker, arrête !

Ses yeux se fixent aux miens, et je lui mine de souffler un coup en lui tenant ses bras pour qu'il arrête de bouger. Il cligne des yeux, une fois, deux fois, avant de se reculer en secouant la tête. Il regarde ses mains en ouvrant grand les yeux, il me regarde et je sens comme il a peur.

-Bon sang, mais je suis un taré. Je ne t'entendais plus, c'est comme si j'étais mort ; je n'arrivais pas à me contrôler, et c'était une putain de crise.

Je me faufile rapidement jusqu'à lui, parce que je sais que si j'avais tenté de me rapprocher plus doucement, il m'aurait repoussé en prétextant être dangereux pour moi. Je pose mes lèvres contre les siennes, une fois puis deux avant d'essayer de le ramener complètement à la réalité.

-Reste avec moi, Parker, okay ? Tu n'es pas un taré, tu es quelqu'un de génial à qui il est arrivé de mauvaises choses, enregistre-le, c'est tout ce que je peux te dire.

-Ouais, je peux faire ça.

Il se radoucit un peu, et je sens qu'on a évité le pire. Le faire parler a l'air d'être une torture. Et alors que je prends presque plaisir à raconter tous les souvenirs que j'ai avec Aaron, lui paraît vraiment paniqué quand il faut juste évoquer sa mère. Et je sais, je sais que ce n'est pas la même chose, ça n'a rien à voir même mais il ne va vraiment pas bien.

C'est encore une des choses qui peut me faire aussi peur que de m'accrocher à lui. Qui a dit un jour qu'Aaron était tout à fait net dans sa tête ? Ni moi, ni personne, il était complètement fou. Mais ce que Parker se fait, en se répétant les mêmes choses à longueur de journée, ça n'est pas bien. Et j'ai moi-même tellement de choses à gérer que j'ai peur qu'il coule et que je ne m'en rende pas compte. Et s'il coule, je coule aussi.

Finalement, il m'attrape la main, en la serrant un peu plus fort que d'habitude, et ça me fait me sentir utile, d'être le point d'ancrage de quelqu'un. Un peu avant de rentrer en cours, je vois qu'il a repris des couleurs et qu'il va mieux.

-N'empêche, tu ne pourras pas dire que je ne te t'avais pas prévenu.

Je lève les yeux au ciel, en souriant largement.

-Et toi, tu ne pourras pas dire que ça ne t'a pas soulagé d'en parler.

Il rit un peu, encerclant mes épaules de son bras droit.

-Touché, coulé, mon cœur. Allez, on se voit après les cours.

Il m'embrasse la joue et je le laisse partir à son cours de je-ne-sais-quoi, je dois bien avouer que je m'en fiche. Je vais rejoindre Camille à notre place habituelle et elle a l'air exaspérée devant mon air béat.

-Vous m'écœurez. Il y a vraiment trop d'amour en lui pour que ça soit naturel.

Pour rire, je lui ébouriffe les cheveux dans un geste affectueux et elle se débat un peu en poussant un éclat de rire. Et je sais qu'elle bougonne un peu pour me faire sourire, parce qu'elle m'a tout l'air d'être véritablement heureuse pour moi.

-Tu veux que je te trouve un Parker, hein ?

- Oh, tais-toi, un peu !

On glousse comme deux folles jusqu'à ce que le professeur de mathématiques arrive et je me pince les lèvres pour m'empêcher de recommencer à rire. Mais je finis par croiser le regard de ma meilleure amie et je baisse la tête pour, au moins, rire silencieusement.

Et ça dure ainsi jusqu'à la fin des cours. Je lui propose de rester à la maison pour une petite soirée entre filles. Elle accepte en souriant, et je me dis que laisser Parker seul un moment n'est pas une si mauvaise chose.

-Tu peux aller attendre le bus sans moi ? Il n'arrive pas avant une demi-heure et je dois dire à Parker, enfin tu sais, je veux juste lui dire...

-Arrête de t'embrouiller Juliette, je vais y aller, une des filles de la classe prend notre bus et elle est vraiment sympa. Mais sinon quoi, Parker va arriver en furie chez toi en te demandant des explications ? Il n'est pas un peu bizarre, des fois ? Il me paraît un peu trop protecteur, tu vois ?

Si tu savais, Camille. Il se prend pour mon garde du corps et parfois, il est vraiment, vraiment étouffant. Oh et j'ai fait le mur deux fois à cause de lui, aussi, il faut qu'on en parle ?

-Je t'assure, ça va. Il peut paraître comme ça, je te l'accorde. Mais il est adorable. Et si tu apprenais à le connaître, je suis certaine que tu l'apprécierais.

-Comme j'appréciais Aaron, hein ?

Je fronce les sourcils et recule d'un pas, comme si elle m'avait frappée. Comment peut-elle-même oser en parler sur ce ton là ?

-Comment est-ce que tu peux seulement en parler ? Comment peux-tu prétendre être de mon côté et balancer des choses comme ça ? Dis-moi, Camille, explique-moi, parce que je ne comprends pas !

-D'accord, excuse-moi, je ne voulais pas te blesser. Je suis désolée, c'est sorti comme ça, comme une banalité. Je ne pensais pas que tu réagirais ainsi.

-Eh bien réfléchis la prochaine fois, okay ? Parce que même Parker comprend qu'il doit éviter ce sujet là, alors je ne comprends pas pourquoi celle qui me connaît le mieux n'arrive pas à le comprendre !

-Oui, je pense que j'ai compris.

-Et moi, je pense qu'on va reporter cette soirée. Juste, laisse tomber.

Je me retourne et sors du lycée d'un pas empressé en tentant d'ignorer son air blessé. Des larmes se forment au coin de mes yeux et j'étouffe un sanglot en bousculant quelques personnes présentes sur mon chemin. Mais, comment ? Comment a-t-elle pu me dire ça ?

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