Chapitre 34

-Non, tu n'es pas sérieuse quand même ?

Je n'aurais jamais pu penser qu'Aaron me regarderait ainsi, après ce que je lui avais dit. J'étais sérieuse, même si j'avais plaisanté. Je savais bien qu'il n'allait pas me tuer. Du moins, pas chez lui. Alors, je n'avais pas cillé, j'avais croisé les bras en attendant qu'il me réponde, peu importe sa réponse.

-Oh allez, Beers, je pensais que tu n'étais pas une fille fragile moi.

Dans un demi-sourire, il m'avait doucement frappé le bras. J'avais retenu mon sourire, et il l'avait vu. Il me connaissait déjà trop bien.

-Quoi, tu as besoin de m'entendre te dire que tu es une fille absolument merveilleuse, que je t'aime de tout mon petit cœur fragile et que c'est pour ça que je t'invite chez moi ?

-Ouais.

Ça m'était sorti de la bouche naturellement, et je ne m'en étais rendu compte que trop tard. Il avait littéralement éclaté de rire, en se tenant le ventre. J'avais même pensé que oui, maintenant je pouvais mourir en paix, car j'avais réussi à faire pleurer de rire le grand Aaron.

-Tu m'épates, princesse, vraiment.

Et il avait glissé une main dans mon dos pour m'obliger à avancer. Je m'étais raidie, vraiment parce qu'il n'était pas du genre tactile avec les autres. C'était plutôt lui qui m'épatait avec ses sautes d'humeur incessantes.

On était arrivés devant chez lui, enfin devant l'immeuble où il habitait. J'avais froncé les sourcils, ne comprenant vraiment pas. Je l'avais suivi jusqu'au troisième étage, le dernier en fait, et il avait fouillé ses poches pour en sortir une clé.

Il m'avait fait entrer avec un : « les dames d'abord » et c'était d'un pas hésitant que j'étais entrée. L'appartement était sobre, sans une once de personnalité, moderne et bien rangé. Je n'avais pas vu âme qui vive et je me demandais où étaient ses parents et s'ils travaillaient.

Une série de questions avait émergé dans ma tête sans que je ne puisse m'en empêcher. Avait-il des frères et sœurs ? Pourquoi un appartement ? Qui avait choisi la décoration ?

Je m'étais retournée vers lui qui était adossé contre un mur, et qui me regardait juger l'ensemble de sa vie sans le savoir.

-Où sont tes parents, Aaron ?

-Il n'y a que moi.

Sa voix était dure et me montrait clairement qu'il ne valait mieux pas insister sur ce sujet, mais il aurait dû se douter que j'allais lui poser des questions quand même. Sinon, pourquoi m'inviter chez lui, dans ce cas ?

-C'est-à-dire ?

-Je n'ai vraiment pas envie d'en parler avec toi.

Je l'avais fusillé du regard en me dirigeant d'un pas rapide vers la porte pour sortir. C'était une mauvaise idée depuis le début, je m'en doutais mais j'avais espéré que ça se passerait mieux. En passant rapidement près de lui, il avait réussi, par je ne sais quel moyen, à m'attraper par le bras pour me faire stopper net. Il avait serré les poings pendant que je le dévisageais en attendant qu'il ne se décide à me laisser partir de son appartement.

En plus, je me disais bien que ce n'était pas net. Il ne pouvait pas avoir assez d'argent, seul du moins, et posséder un appartement aussi grand, en centre-ville. C'était louche, je ne me sentais pas à ma place et ça commençait à me faire peur.

-Je voulais dire qu'il ne valait mieux pas qu'on en parle Beers. Tu devrais commencer à savoir comment je fonctionne. Et tu es vraiment étrange, tu sais.

-Pas plus que toi, c'est déjà ça.

-Je ne relèverais pas. Je ne parlais pas, enfin, je ne voulais parler à personne et tu te doutais sûrement que c'était parce que j'avais une vie étrange. Et maintenant, quoi, tu as peur parce que je t'emmène dans un appartement qui m'appartient ? Je n'arrive pas à te suivre.

Le pire, c'est qu'il paraissait vraiment perdu, à essayer d'analyser mon regard pour y découvrir une véritable réponse.

-Tu n'arrives à suivre personne, Aaron. Tu te contentes de juger de loin.

J'étais sincère, et je m'étais radoucie, consciente qu'il était un peu paumé. S'il vivait là, tout seul, à presque dix-sept ans, il devait vraiment se sentir mal au fond de lui. D'où le caractère de merde et sa carapace pour se protéger du monde entier.

-Mais pourquoi t'es-tu intéressée à moi ?

-Parce que j'ai trouvé que tu étais plutôt mignon dès que tu te mettais à sourire.

Il avait penché la tête sur le côté, de façon absolument adorable, ce qui m'avait fait rire. Il se demandait sûrement si j'étais sérieuse, alors que j'essayais juste de le détendre.

-Non, mais vraiment ?

-Parce que je suis une idiote.

J'avais vu ses yeux s'ouvrir davantage, et j'avais vite enchaîné, de peur qu'il ne s'énerve en interprétant mal mes paroles ironiques.

-Je plaisante, Aaron. Détends-toi, vraiment. Je ne sais vraiment pas, si ça peut te rassurer mais je me demandais pourquoi tu étais comme ça. Tu es un gosse, Aaron, et un gosse ne peut pas être comme tu es. Tu ne t'en souviens sûrement pas, mais je t'ai croisé en sixième. Tu m'avais fais tellement peur avec tes yeux complètement dénués d'émotion. J'avais eu peur pour toi. Je voulais te réparer, ou du moins essayer.

Je savais qu'il n'aimait pas les beaux discours, qu'il préférait les actes qui se montraient souvent plus révélateurs, mais je me devais de lui dire. Il méritait de savoir pourquoi j'avais absolument cherché à lui parler, et je voyais qu'il avait besoin de le savoir.

En hésitant, il avait relâché mon bras, et avait caressé ma joue de son pouce, avec un geste plutôt tendre de sa part. C'était amical, je le savais mais ça ne m'avait pas empêché de sentir mon cœur se remplir de bonheur. Parce qu'il savait.

Il avait beau être seul à longueur de journée, trop jeune pour habiter seul dans un appartement à dix-sept ans, il savait qu'il avait quelqu'un sur qui compter. Et j'avais toujours trouvé ça important.

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