Chapitre 30
Le plus étrange dans cette histoire, c'est comment on en était venu à être amis, vraiment. Et peut être aussi comment je l'avais retrouvé après ce qu'il m'avait dit. Ou comment j'avais pu oser lui reparler, alors que j'avais vraiment peur qu'il ne me frappe.
C'était une après-midi ensoleillée, je m'en souviens bien. J'avais demandé à aller à l'infirmerie, j'avais vraiment un énorme mal de tête, et je n'en pouvais plus. Je finissais quelques minutes après, alors j'avais pris mes affaires avec moi. J'avais seulement voulu traîner un peu près du parc que j'avais déjà repéré quelques jours plus tôt. Oui, j'avoue que j'étais directement sortie du bahut.
J'avais entendu un bruit, suivi d'éclats de voix, ma curiosité l'avait emporté et j'étais allée voir. Je me cachais derrière un coin de mur, pour pouvoir bien observer la scène. Je n'avais pas été déçue. Un type, grand et plutôt baraqué, en tenait un autre par le col, en faisant claquer encore et encore son dos contre le mur. Je n'avais pas eu le courage d'intervenir, j'avais peur, bien sûr que j'avais peur.
-Tu diras bonjour à ton père de notre part, merdeux.
Le gars qu'il frappait était tombé à terre, en poussant un gémissement pitoyable. J'avais attendu qu'il soit parti, pour m'approcher de lui. Imaginez ma surprise quand j'avais vu que c'était Aaron. Enfin, j'avais vraiment dû le deviner. Il m'avait vu, s'était assis, en s'appuyant contre le mur et en se tenant les côtes.
- Casse-toi.
-Même à moitié mort, tu es toujours aussi désagréable, toi. Je ne bougerai pas d'ici. Et apparemment, toi non plus.
Il avait serré les dents, et j'avais attendu, jouant à un jeu sur mon téléphone. Je n'avais pas oublié ce qu'il m'avait dit, et je voulais des excuses, j'étais absolument certaine qu'il le savait. Donc, j'attendais.
-Très bien, tu as gagné Beers. Excuse-moi, putain.
Même si ses excuses étaient vraiment désagréables, je les ai acceptées, avec un sourire. Je m'étais rendue compte qu'il ne pensait pas ce qu'il avait dit, et ça faisait un bien fou.
-Très bien, tu me racontes ou je t'emmène à l'hôpital ?
-Aucun des deux, aide moi à me lever, et j'en sais rien, je vais sûrement me laisser crever dans un coin, c'est ce qu'il y a de mieux à faire je crois.
Ses paroles m'avaient déstabilisée. Ce n'était pas lui, et son caractère invivable. Non, Aaron était mieux que tout le monde, dans son esprit du moins.
-Allez, arrête Aaron. Je t'emmène chez moi, si tu veux. Je t'assure que je suis clean. Et mes parents ne rentrent pas avant des heures.
-Je ne veux pas de ta pitié.
-Et moi, je ne veux pas que tu restes ici. Donc, tu viens. Ou alors, j'appelle les pompiers et les flics, parce que j'ai bien vu ce mec te frapper comme si tu étais un punching-ball.
Je m'étais levée, sûre que mes paroles l'avaient atteint. Je lui avais tendu ma main, en attendant qu'il se décide à me demander de l'aider. Il m'avait regardé, longtemps, se demandant sûrement pourquoi j'insistais autant pour qu'il aille mieux.
-Ouais d'accord. Mais, j'ai l'impression que je vais mourir si je m'en tiens juste à ta main pour m'aider à me relever, alors tu veux bien ?
Bon, c'était mieux que rien. J'avais passé mon bras dans son dos, et on avait pris le bus. Les passants l'avaient dévisagé, alors j'essayais de ne pas le faire. Il était venu chez moi, et m'avait demandé où était la salle de bain. Je n'avais pas confiance en lui, alors je l'avais accompagné, chose à laquelle j'aurais dû réfléchir. Il avait arrangé son visage, un peu. Puis, il m'avait regardée, tranquillement assise sur le rebord de la baignoire, n'avait pas retenu son sourire narquois et avait retiré son t-shirt.
J'avais détourné les yeux, morte de honte, et il avait éclaté de rire. Ça m'avait soulagé, à l'époque. L'entendre rire. Après coup, j'avais quand même regardé son ventre, qui était marqué d'hématomes. Il avait vraiment l'air d'avoir mal.
J'étais bien décidée à savoir ce qui s'était passé. Je l'avais fait asseoir sur le canapé, et j'avais tenté de le faire parler.
-Bon, tu me racontes ou pas ?
-Vraiment, Beers ? J'ai sûrement une ou deux côtes cassées et tu vas me faire chier pour si peu ?
-Apprends à mieux parler. Et dis-le moi. Je mérite bien ça.
-Sauf que tu ne veux pas le savoir, tu vas vouloir t'enfuir en courant. Je ne suis pas un mec bien, je te l'ai déjà dit, je voudrais que tu le comprennes et que tu me laisse tranquille. S'il te plaît.
-Perdu. Dis-le moi. Au pire, je te vire de chez moi, mais je sais que je ne le ferai pas.
-Bon, okay. Ce mec est un de mes potes. Enfin, était. Après ça, je ne suis pas sûre de le revoir.
J'avais l'impression de rêver. Ce gars, un de ses potes ? Sérieusement ?
-Il fait partie d'une bande de mec que je fréquente régulièrement. Retire cet air effaré de ton visage, Beers, ça va, je ne suis pas un terroriste non plus. Ces gars étaient sympas, vraiment. C'est moi qui ai merdé.
Il n'avait pas l'air décidé à continuer, alors je l'avais poussé un peu.
-Tu as fais quoi de si grave ?
-J'ai couché avec les sœurs de ces gars. Celui qui m'a frappé a sûrement dû l'apprendre de la bouche de sa petite sœur.
Je ne sais pas ce qui m'étais passé par la tête, mais j'avais instinctivement reculé un peu, voulant laisser une distance correcte entre nous. Il avait haussé un sourcil, avant de comprendre.
- Calme-toi, princesse. Elles étaient consentantes. Je ne suis pas un monstre, non plus.
-Ne m'appelle pas princesse.
-Ça m'incite encore plus à le faire, tu sais.
-Ce n'est pas une raison. Tu as peut être mérité de te faire tabasser comme ça.
Il avait plissé les yeux, et je m'étais dis que j'aurais peut être du retenir mes mots, pour une fois. Mais il s'était levé, difficilement, et avait remit sa veste, avant de me regarder, comme si je devais vraiment lui dire au revoir.
-Tu as raison, Beers. Je l'ai mérité, mais il me semble t'avoir déjà dit que je n'étais pas un mec bien, non ?
Je n'avais rien ajouté, mais je m'étais levée à mon tour pour lui ouvrir la porte d'entrée. Aaron était surpris, je le savais, que pour une fois, je ne cherchais pas du tout à le provoquer. Et je ne m'attendais à rien. Ni remerciements, ni au revoir. Oh si, peut être une nouvelle menace, pour me faire comprendre que je n'étais toujours rien à ses yeux.
Mais non, il était sorti, avait hésité, vraiment. Je l'avais entendu s'injurier, avant de se poster face à moi, de me tirer vers lui pour me prendre dans ses bras, juste un petit moment, mais assez cependant pour que je puisse me caler contre lui, sentir son parfum et sa chaleur.
En reculant, il avait grimacé, en s'effleurant le ventre.
-Merci Beers, vraiment. Et oublie ce que je t'ai dit, c'était vraiment débile.
-Et toi, arrête tes conneries. Je n'aime pas jouer aux héroïnes.
C'était faux, je l'aurais fait et refait, s'il avait fallu ; parce que je l'aimais déjà beaucoup. Il m'avait regardé, peut être un peu trop longtemps, avant de s'en aller pour trouver un bus, sûrement.
C'était une histoire de dingue, il était un peu taré sur les bords. Mais je n'arrivais pas à oublier ses excuses et son câlin, vraiment pas. Je l'avais déjà dans la peau.
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