Chapitre 3

J'ai un sacré mal de tête depuis un certain temps. Je ne sais d'ailleurs plus l'heure qu'il est tellement je suis perdue. Malgré tout ça, je reste dans la bulle protectrice que je me suis crée et profite d'un de ces rares moments de calme. Mais cet instant est brisé par des coups réguliers contre la porte qui résonnent dans la pièce. Elle est sûrement restée ouverte après le départ de Camille, peut être, je ne sais pas vraiment. Ma tête me fait mal.

La porte s'ouvre avec fracas et les pas se rapprochent doucement de moi. Qui que ce soit, je n'ai pas envie qu'il m'approche, je veux juste qu'on me laisse tranquille. Laissez-moi en paix. Une douce voix prononce mon prénom mais je me bouche les oreilles, je ne veux pas écouter, je sens que ça va me faire du mal. Pourtant, elle s'assimile vite avec plusieurs souvenirs présents dans mon esprit et je sais que c'est lui. Mais je ne dois plus me faire avoir.

- Juliette, relève-toi, s'il te plaît. Ne reste pas comme ça, ça me fait mal de te voir ainsi.

La voix est tellement suppliante que je finis par ouvrir mes yeux, l'un après l'autre, mais je n'aurais peut être pas du. Je ne peux pas encaisser un tel choc. Après deux mois, on ne peut pas dire qu'il ait réellement changé, ça serait faux. Mon cœur s'emballe au moment où je croise son regard déjà ancré au mien. Ses cheveux sont en bataille comme s'il venait de courir et il a une barbe de quelques jours. Mais bon sang il est là, en chair et en os devant moi et ça me fait tellement de bien.

Il finit par s'approcher, m'effleure lentement le bras comme pour s'assurer que c'est bien moi. Il s'agenouille, ensuite, pour se mettre à ma hauteur et porte sa main sur ma joue pour essuyer les larmes qui ont déjà coulées. Tout se fait en quelques secondes et je me retrouve dans ses bras.

-Je t'en supplie arrête de pleurer, Juliette.

Aaron ne m'a jamais regardé comme ça. Même quand j'étais au milieu d'une galère, aussi terrible soit-elle. Il sait toujours quoi faire, sauf en ce moment. Il me tient fermement contre lui mais je suis en train de trembler, je n'arrive pas à m'en empêcher.

-Respire doucement.

Je hoche la tête et parviens peu à peu à me calmer même si mon cœur tambourine toujours contre ma poitrine. Il secoue tristement la tête.

-Pourquoi t'es tu infligée ça ?

Je n'arrive pas à lui répondre. Il devrait savoir, à quel point il compte pour moi. A quel point je ne sais pas vivre sans lui. La question s'évanouit dans l'air mais peu importe. Je me laisse aller pour la première fois depuis des semaines et me sens revivre. J'ai l'impression de sortir la tête de l'eau et de pouvoir respirer à nouveau. Je n'ai plus peur, je me sens forte et ça me fait du bien. Je profite parce que je sais très bien que tout pourrait s'arrêter d'un seul coup.

Ce n'est pas sain de devoir compter autant sur quelqu'un. Mais je n'y peux absolument rien. Je m'aperçois alors que ses bras m'entourent moins fermement, son souffle me paraît presque imperceptible et sa voix est lointaine. Il m'échappe peu à peu et je crie son nom pour qu'il revienne mais je m'éloigne, il s'éloigne et tout s'arrête.

Je me cogne la tête dans le sursaut qui me réveille. Je plaque ma main sur ma bouche pour m'empêcher de hurler. Ma respiration est trop saccadée, je suis en train de paniquer. Il faut que tout ça s'arrête, il faut qu'il arrête de me hanter comme ça. Ces cauchemars sont horribles, ce sont les pires que je n'aie jamais faits. Ils me donnent envie de ne plus vouloir me réveiller et l'espoir, cet espoir que je ressens à chaque fois, en chaque début de rêve. L'espoir d'enfin pouvoir m'en sortir.

-Que se passe t-il, ma chérie ?

Je suis surprise de faire face à ma mère, qui me regarde l'air vraiment inquiet. J'aurais dû remonter dans ma chambre, mince. Je me relève doucement, en essuyant mes larmes. Je me frotte les yeux, le manque de sommeil finit par se faire sentir à cette heure de la journée. Ma mère s'approche de moi et me serre dans ses bras. Son étreinte m'apaise un peu, c'est exactement ce qu'il me fallait. Je suis quand même bien décidée à ne rien dire, comme toujours. Après de longues secondes, je m'écarte.

-Ce n'est rien. Sûrement le stress du à la rentrée de demain. Et je viens de me rappeler un rêve affreux que j'ai fait cette nuit. C'est tout.

Elle hoche la tête et me frotte doucement le dos avant de retirer son manteau et de ranger ses affaires. Je me dégoûte de mentir aussi facilement. Le mensonge est terrible, il n'a pas lieu d'exister. J'ai toujours trouvé ça idiot de vouloir mentir à ses parents, tout simplement parce que la vérité finit toujours pas se savoir et que ça ne sert à rien de la cacher. Mais je suis devenue une experte dans ce jeu là, et je commence à en avoir marre de le faire. Même ma mère n'arrive plus à me percer à jour.

Je monte finalement dans ma chambre pour penser à cette mauvaise journée. J'espère que Camille comprendra et qu'elle ne me laissera pas seule demain matin, au lycée. Je ne me vois pas affronter cette rentrée toute seule et elle sait à quel point je suis au plus bas. Je tente de me raisonner en me disant que tout ira bien, que ma meilleure amie me connaît et ne me laissera jamais. Mais ça ne me remonte pas le moral pour autant. La seule perspective de ne plus jamais voir Aaron me serre la poitrine à en crever. Je pourrais toujours compter sur mes autres amies, et peut être que je m'en ferais d'autres après tout mais ça ne sera plus jamais pareil. Dès la fin de troisième, il m'a annoncé qu'il partait dans le sud de notre pays sans préciser où, comment, pourquoi. Il pense sûrement qu'il ne me doit aucune explication, alors que c'est complètement faux. Et je ne devrais pas être triste, je devrais être en colère, vouloir le revoir uniquement pour lui mettre la raclée de sa vie mais non. Je sais qu'il est la clé de ma dépression. Sans lui, je suis coincée. Sans lui, je ne pourrai jamais m'en sortir.

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