Chapitre 15

Je lève les yeux au ciel, une sale habitude que j'aie prise à cause de lui, surtout que je sais que ça l'énerve. Et je prends sa main doucement, témoignant de la confiance que j'aie en lui. Il prend le casque de ses mains pour le poser délicatement sur ma tête. Il me l'attache et je vois qu'il n'en met pas.

-Parker, et le tien ?

Il en déniche un deuxième à l'arrière du scooter. Sinon, je n'aurai pas accepté de monter là dessus, il le savait sûrement.

-Arrête de t'inquiéter pour moi, mon cœur. Je suis un grand garçon.

Indignée, je lui explique clairement que je ne m'inquiète pas pour lui, et qu'il faut qu'il arrête de m'imiter sans cesse. Au bout de deux phrases, il arrête de m'écouter, prend place sur son véhicule et attend que je le rejoigne. Je serre les dents, furibonde.

-Je te le ferai payer un jour, Parker.

-Je n'en doute pas. Accroche-toi !

Le moteur se met en route mais je ne veux absolument pas le toucher. Je m'appuie sur mes mains en tâchant de garder mon équilibre. Parker rit sous cape, et fait en sorte de démarrer brusquement pour que, par un bond en avant, je sois collée contre lui. Résignée, je me résous à entourer sa taille de mes bras.

-Il faut que tu apprennes à m'écouter.

Il me regarde à moitié, le visage retourné. Inquiète, je lui ordonne de regarder la route, ce qu'il fait après quelques secondes. Cette ballade, qui m'apparaissait au début de la journée comme une corvée, est finalement très agréable. Je finis par me détendre, et pose ma joue contre le dos de Parker. Je le sens se raidir face à mon contact et ça me fait sourire.

On ne voit pas grand-chose, bien que ce soit une belle nuit, et je ne parviens pas à distinguer ce qui nous entoure. Le ciel est dégagé, alors j'observe de tout mon saoul.

Au bout d'un moment, il décide de s'arrêter, mais je vois quand même que nous ne sommes pas revenus à ma maison. On est à l'orée d'une petite forêt que Parker semble connaître. Il prend quand même une lampe torche. Il brise le long silence qui s'est installé entre nous.

-Je viens souvent ici. Suis-moi.

Il part devant mais je le perds vite de vue et je commence à paniquer. Heureusement, la lampe s'allume et je le vois m'attendre. Je le rejoins à petites foulées, l'attrape par le bras pour ne plus me perdre. Il s'éclaire le visage.

-Si j'avais su qu'il fallait ça pour que tu m'offre enfin ta confiance, je l'aurais fait plus tôt.

Faisant la moue, je retiens un rire tout en essayant de garder mon sérieux. Il me fait slalomer entre les arbres, et je sursaute à chaque bruit suspect. Je déteste vraiment le noir. Au bout d'un moment, j'entends le bruit d'une cascade et le faisceau de lumière me le confirme. Il m'a emmené au bord d'un magnifique cours d'eau. Je ne le pensais pas aussi romantique.

-Depuis quand es tu si romantique Parker ?

Souriant mystérieusement, il m'invite à m'asseoir sur un des rochers bordant la rivière.

- Considère-toi chanceuse, je n'ai jamais emmené personne d'autre ici. C'est ma mère qui m'a fait découvrir cet endroit. Elle m'y emmenait quand j'étais petit.

Je souris.

-C'est mignon. Vous n'y allez plus, tous les deux ?

-Elle a d'autres choses à faire.

Il ne m'en dit pas plus et des dizaines de questions naissent dans mon esprit. Il me cache quelque chose. Mais je ne peux pas le lui reprocher étant donné le fardeau que je porte.

-Tu sais Juliette, pour en revenir à l'autre soir...

-Non, je pense que c'est inutile d'en reparler. J'étais désemparée et je ne sais pas ce qu'il m'a pris, vraiment...

- Laisse-moi parler, s'il te plaît. Pour une fois, ne me coupe pas la parole ! J'ai compris que tu n'aimais pas parler de toi et de ton histoire. C'est apparemment compliqué et je ne veux pas foutre le bordel encore plus. Mais comment peux-tu croire une seule seconde que tu ne mérites personne ?

D'une main hésitante, il essuie la petite perle salée qui s'écoule le long de ma joue. Il ne devrait pas dire des choses comme ça, il ne sait pas ce que je suis. Je me suis crée une fausse personnalité, mais je ne suis pas comme j'essaie de le montrer. Je suis égoïste, lunatique et désagréable. Il n'y a aucune personne qui mérite d'aimer quelqu'un comme moi. C'est sûrement pour ça qu'Aaron est parti.

- Parle-moi, mon cœur. Aide-moi à comprendre, s'il te plaît.

Je voudrais lui répondre mais je me sens incapable de parler tellement ma gorge est serrée. J'en ai marre de devoir dire des mensonges encore et encore, pour prouver à tout le monde que je vais bien. Pour n'alarmer personne. Je secoue la tête, en posant la main sur ma gorge pour montrer mon incapacité à parler. Il passe un bras autour de moi, appuyant sur ma hanche pour m'incliner vers lui. Je dois lui paraître tellement faible à toujours pleurer comme ça.

J'ai l'impression qu'il remue toute l'histoire avec Aaron plus qu'il ne le voudrait faire et je voudrais que ça s'arrête.

-Pleure autant que tu veux, mon cœur. Je suis là pour ça, maintenant. Si seulement tu pouvais me laisser te donner une raison de vivre.

Et je sens sa sincérité et son chagrin pour moi. Je le sens s'écraser sur moi, et je me sens coupable. J'aurais dû l'arrêter, je devrais le protéger, comme tous les autres. Il faut que je le fasse. Demain.

Pas ce soir. Je ne peux pas gâcher ce moment tellement parfait. Je ne peux absolument pas. Je vois Parker regarder l'heure sur son téléphone.

-Il est minuit passé, il faut que je te ramène, on a bien vingt minutes de route jusqu'à chez toi.

Et c'est ce qu'il fait. Je profite du temps restant avec lui. Je profite de le rendre heureux encore quelques instants. Il ne le sait peut être pas mais ça vaudrait mieux que je lui dise clairement de me laisser tranquille. Pour lui en tout cas.

Arrivés en bas de ma chambre, je l'étreins rapidement et monte rejoindre le velux laissé entrouvert.

-C'était si terrible que ça une soirée avec moi ?

-Une des plus terribles que j'ai jamais passée. Merci beaucoup, Parker.

Il me fait une révérence, un clin d'œil et le voilà parti. Mon cœur bat la chamade. Je rentre dans ma chambre et tombe dans un sommeil calme, pour une fois.

Je me promets de plus jamais sortir en pleine nuit en voyant ma mine le lendemain. J'ai des cernes affreuses, je n'ai pas assez dormi. Je me maquille, et me prépare pour être déposée au bahut. Pendant le trajet, Parker m'envoie un message. « Pour toi aussi le réveil a été difficile ? ». Je me retiens difficilement de lui écrire un gentil message, témoignant de mon affection pour lui. Mais à la place, j'écris un message tout autre « J'ai à te parler, Parker. »

Il ne répond rien, il a sûrement deviné que ça ne présageait rien de bon. J'ai récupéré son pull et l'ai rangé dans mon sac, pour lui rendre, tout à l'heure. A mon grand désarroi, pas moyen de mettre la main sur le bonnet. Je devrai lui faire face après ce que je compte lui annoncer.

Je retiens un cri de tristesse. Je pense que je vais réussir à le détruire.

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