Acte V, scène 1.
La Madame et la Reine-mère.
La Reine-mère scrutait distraitement le trône, soupirant régulièrement au gré de ses pensées. Elle patientait et désespérait pour le réveil de son époux.
REINE-MÈRE — Que ferais-je si vous ne vous réveillez point ? Que deviendrais-je ? Qu'est une Reine sans son Roi ? Sans vous, je ne suis plus rien. Alors, hâtez-vous de vous redresser. Je ne tolérerais votre trépas. Puis, vous avez suffisamment dormi. Il est temps de se lever. Les Anges vous ont agrippé dans leurs filets et ne semblent daigner vous relâcher. Ils nous séparent cruellement et vous vous fatiguez, seul, sans personne avec qui rire ou converser. (susurre) Vous vous reposez et, pourtant, vous paraissez mort. Le sommeil et le repos éternel se ressemblent tellement ! Mon espoir décroît dès que j'entre dans votre chambre... Si froid... Si immobile... Allez-vous seulement bien ?
MADAME — Le tigre aussi a besoin de sommeil.
La Reine fait vivement volte-face et aperçoit, d'un œil déçu, la Madame. Elle soupire et lui tourne le dos. Cependant, la cuisinière refuse à priori le rejet évident, et s'avance au contraire jusqu'au trône qu'elle effleure du bout des doigts.
REINE-MÈRE, méchamment — Ne touchez pas au siège sacré ! Vous le salissez.
MADAME — Et vous, vous en ternissez l'éclat par votre simple présence.
REINE-MÈRE — Comment osez-vous ? Vous n'êtes rien. Vous n'êtes personne. Une servante. Vous gardez les sentiments de sa Majesté, vous l'emprisonnez, vous le bridez, vous l'empêchez d'être le fier conquérant d'Ethrian. Vous lui avez toujours interdit de réaliser le dessein des Anges. Vous êtes méprisable !
MADAME — Je ne l'ai jamais restreint. Il aurait pu vous aimer, s'il le souhaitait. Je l'aurais soutenu puisque je le suis dans chacune de ses actions. En ce qui concerne cette conquête dont vous parlez, elle ne peut avoir lieu. Ou elle signifierait la fin de la Couronne d'Ethrian. Nous avons déjà assez d'ennemis, pourquoi en rajouter davantage ? Je ne le bridais point, je le retenais de commettre l'irréparable. Une guerre est tout sauf la bienvenue ! Ne soyez acerbe à mon égard, uniquement parce que je donne de meilleurs conseils.
REINE-MÈRE, glousse aigrement — Croyez-vous que je sois jalouse de vous ? Je suis Reine et vous lavez des plats ! Qui devrait être envieuse de qui ?
MADAME — Vous de moi. Ne le niez pas, votre Grâce. Vous êtes cupide, vous avez présumé pouvoir obtenir l'affection du Roi. Toutefois, vous avez échoué, depuis de le début. Sa passion m'est entièrement dédiée et c'est pourquoi vous me haïssez. En des dizaines d'années, vous n'êtes parvenue à le faire changer d'avis... C'est plutôt triste comme histoire ! Je ne voudrais pas de votre place, ni de votre rang, si c'est pour souffrir autant.
REINE-MÈRE, frémissant de colère — Je vous ferai tuer. Retenez bien ceci ! A l'instant où sa Majesté ne sera plus, vous le suivrez, comme vous le désirez tant.
MADAME — A la bonne heure ! Je ne demande rien de plus que de vivre et mourir pour lui. Auprès des Anges, nous pourrons enfin profiter l'un de l'autre, sans que votre langue de vipère ne vienne tout gâcher !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top