Les mains glissées dans les poches, le regard posé sur l'horizon et la tête remplie de diverses pensées joyeuses, Glacies marchait tranquillement en direction du lycée. Aucune des deux filles ne parlaient de peur de briser le moment de solitude quotidien dont elles avaient besoin. Laisser son esprit vagabonder dans des pensées autre que le lycée permettait à la jeune femme de prendre sur elle et de ne pas partir à l'opposer, la queue entre les jambes, c'était rassurant en quelques sortes.

Pourtant, plus son établissement se rapprochait, plus ses jambes se mettaient à trembler. Lentement, ses mains rabattirent la capuche de sa veste sur son crâne puis ajustèrent les bretelles de son sac. Glacies traversa enfin la grille du lycée, le regard perdu sur le sol couvert de tâches rose ou blanche. Finalement, des bribes de phrases s'engouffrent dans ses oreilles.

– Cachez-vous le monstre arrive !

– Faites gaffe, si elle vous regarde, elle vous filera sa maladie !

– Grave, j'ai pas envie de devenir aussi moche qu'elle ! Avec ses yeux chelou là !

C'était douloureux mais aucune expression ne devait la trahir, elle devait absolument rester neutre. Les ignorer pour ne pas leur montrer que leurs mots la blessaient.

– Hey, Glacies, t'as fais mes devoirs j'espère ? Sinon tu sais ce qu'il se passera hein ?

Face à elle, devant la porte menant au hall, se dressait trois garçons : Matt, Elliot et Julien.

Matt était un jeune homme de taille moyenne, ses cheveux tout comme ses yeux était d'un noir corbeau. À l'époque, il était le meilleur ami de la jeune fille mais les choses ont fait qu'à présent, ils étaient ennemis. Ses mauvaises fréquentations l'avaient poussé à devenir la pire version de lui-même et à suivre le mouvement des autres.

À ses côtés, se trouvait Elliot, un gringalet aux cheveux roux et aux yeux marron. Il avait débarqué au collège, début quatrième. Au début, il semblait timide mais Glacies avait très vite compris qu'en termes de bâtard, il battait tous les records. Il avait pour passion l'humiliation.

Quant au dernier, Julien, c'était un garçon qui s'habillait dans un style proche de celui des emo, il avait les cheveux verts et les yeux noirs. Il était arrivé au début du lycée et avait su se faire remarquer par les rumeurs l'accusant d'attouchements qu'il aurait commis sur des élèves : filles comme garçons. Sa carrure imposante et son regard menaçant auraient poussé les victimes à se taire, le laissant donc en liberté.

Face à leur regard perçant, Glacies se mit à courir brutalement vers la droite. Leurs pas tardifs la laissait supposer qu'ils avaient été un peu surpris par son initiative.

– Reviens ici salope ! S'écria Elliot.

– Tu crois vraiment que tu vas nous semer ? T'es bien naïve ! continua Julien dans un rire sadique.

Mais Glacies ne les calcula pas, elle devait juste fuir et ne devait surtout pas s'arrêter une seconde. Cavalant en direction du gymnase, la jeune femme fut interceptée par un surveillant qui lui annonça que son professeur était absent et que par conséquent, le cours de français d'après avait été déplacé pour être à la place de l'heure de sport. Glacies acquiesça et fit demi-tour. Un long soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle ne vit plus ses trois bourreaux à ses trousses.

Mais elle n'était pas dupe. Méfiante, elle avança lentement jusqu'à la porte du hall. Jetant un coup d'œil dans la bâtisse, la jeune femme pénétra tranquillement dedans. Tous les regards se dirigeaient vers elle et rapidement les seuls bruits ambiants étaient les chuchotements des étudiants à son encontre.

"Que des fans ! Signes leur des autographes."

Si elle aurait adoré répondre à sa taquinerie, Glacies préféra ne pas relever sa phrase et traverser le hall pour atteindre les escaliers sur sa gauche. Passant la porte, elle fit face aux marches. C'est seulement là qu'elle s'autorisa à lâcher un nouveau soupir. Seule, elle commença à gravir les deux vingtaines de marches pour atteindre le deuxième étage.

– Plutôt mourir que signer une feuille qui me sera jeté à la figure.

Face à la porte du dernier étage, la brune poussa lentement celle-ci et y passa seulement sa tête comme pour s'assurer qu'il n'y avait aucun danger.

"RAS, y a rien à signaler, tu peux y aller sans problème."

– Merci caporal Lava pour votre repérage.

Glacies aborda un sourire en entendant son amie rire. Elle se dirigea vers la salle de classe et y entra quand le professeur, déjà là, lui autorisa l'accès. La jeune femme rejoignit directement sa place alors que la sonnerie résonna en même temps.

Quelques minutes plus tard, une dizaine d'élèves fit irruption dans un brouhaha déconcertant. Parmi tous ses adolescents, un seul avait retenu l'attention de Glacies. Un jeune homme aux cheveux brun et aux yeux verts qu'elle ne reconnaissait pas se plaça au côté du professeur en silence.

Celui-ci prit la parole lorsque tout le monde était installé.

– Aujourd'hui, nous accueillons un nouvel élève. Tu peux enlever ton casque et te présenter.

Le jeune homme ôta son casque et parcourut la salle du regard avant de prendre une timide inspiration.

– Bonjour, je m'appelle Joshua Custos, j'ai 18 ans et je viens de Emia. J'espère m'intégrer rapidement parmi vous merci.

Glacies releva la tête vers le jeune homme, surprise par son débit de parole. L'observant fixement, elle détourna aussitôt les yeux quand le regard de celui-ci entra en contact avec le sien.

– B-Bien, tu peux aller t'asseoir à côté de mademoiselle Glacies. Pouvez-vous lever la main mademoiselle ?

Lançant un regard lourd de sens à l'enseignant, Glacies, après un petit temps d'hésitation, finit par élever timidement sa main. Celle-ci tremblait légèrement d'ailleurs. Joshua se dirigea alors vers elle et s'installa tranquillement à ses côtés. À nouveau, des chuchotements résonnaient dans la salle de classe. Toujours la même rengaine. Le pauvre garçon qui allait être contaminé par "le monstre terriblement terrifiant".

Glacies lâcha un énième soupir désespéré alors qu'elle lança finalement un regard vers son nouveau voisin de table qui semblait en avoir rien à faire des murmures. Il remplaça discrètement son casque par des écouteurs et se replongea dans ses pensées, ignorant la jeune femme totalement. Évidemment, celle-ci en fut reconnaissante, n'ayant pas la force d'avoir un nouveau bourreau.

"Et bien, pas bavard monsieur écouteurs."

Glacies esquissa un simple sourire et se concentra sur le cours ensuite. Bien qu'elle n'en avait pas l'air, la jeune femme aimait beaucoup le français, alors ce n'était pas étonnant que l'heure passait à une vitesse folle pour elle. D'ailleurs lorsque la sonnerie retentit, Glacies afficha une moue ennuyée, elle était sans doute déçue que le thème abordée prenait fin aussi précipitamment

Lorsque le professeur les autorisa à sortir, la quasi-totalité des élèves s'était levée simultanément pour quitter la salle. Si Glacies aurait voulu faire de même, elle fut, cependant, interceptée par l'enseignant qui, de manière soutenu, lui demanda de rester un peu. Une fois les élèves partis, il l'observa silencieusement quelques instants comme s'il cherchait ses mots. Finalement il ouvrit la bouche.

– T'as totalement foiré ta rédaction d'hier. Tu foires jamais tes rédaction habituellement Glacies. Tu as un problème à la maison ?

– Non François... C'est juste que... Alexya a fait une demande d'agrément pour l'adoption. On attend la décision, ça me stresse un peu, je l'avoue.

S'il était professeur, l'homme face à Glacies était aussi un ami de sa mère adoptive. Bien que ce ne soit qu'une question d'amitié, François avait surtout été un pilier pour la construction de l'orphelinat mais aussi une sorte de père pour Glacies. Malgré le manque de lien parental entre les deux, François avait toujours été là pour elle même si le fait qu'il soit devenu papa les avait pas mal éloignés.

– Je vois. Je sais que c'est important pour vous deux mais si c'est refusé, est-ce vraiment grave ?

– Non, ça sera pas catastrophique mais...elle m'élève depuis que je suis toute gamine, c'est devenu ma véritable maman et pouvoir le dire et le montrer grâce à des véritables papiers ça serait fou...

– Je comprends. Je peux rien faire pour vous à ce niveau là mais pour mon cours, je peux juste te dire de ne pas relâché ça ok ? La fin de l'année se rapproche, ça serait bête de tout gâcher à la fin non ?

– C'est sûr oui... Est-ce que je peux y aller ?

– Non attends. Avant j'aimerai aborder le fameux sujet. Je sais que tu ne souhaites pas que je m'en mêle mais ça devient trop grave. La semaine dernière, ils ont mis des punaises sur ta chaise. Glacies c'es-

– Tu as promis.

– Je sais mais-

– Écoute, je suis vraiment touché que tu veuilles m'aider et tout mais ça ne changera rien du tout. Tu sais aussi bien que moi que ça nous attirerait des ennuis surtout si ça vient de toi. On a enfin réussi à se défaire de la rumeur qui disait qu'on sortait ensemble. Le directeur nous a bien fait comprendre qu'un "faux" pas de notre part serait égal au renvois. Autant j'ai pas grand chose à perdre, autant toi, tu perds ton emploi et tes revenus.

– Oui mais-

– Leur attaque ne m'atteignent pas, aie confiance en moi d'accord ?

Long soupir bruyant, l'adulte se contenta d'ébouriffer les cheveux de la jeune fille.

– Je te préviens. Je ne dis rien à la direction mais ne compte pas sur moi pour continuer à rester silencieux quand ça se passe sous mon nez. Allez file maintenant...

La jeune femme offrit un sourire reconnaissant au professeur avant de tourner les talons et s'éloigner de lui. Pourtant, à peine la porte passer, elle entendit un petit sifflement qui lui était destiné.

Évidemment, les trois bourreaux l'avaient attendu. Sans leur laisser le temps de répliquer quelque chose, Glacies prit ses jambes à son cou à nouveau, fuyant à l'opposé d'eux. Ses pieds parcouraient le couloir qui s'offrait à elle le plus rapidement possible.

Descendant les escaliers du deuxième étage en quatrième vitesse, elle ne s'arrêtait pas, continuant de cavaler dans le nouveau couloir qui lui faisait face. L'académie était en forme de "L" inversé. Ainsi, il y avait trois escaliers à disposition, l'un qu'elle venait d'emprunter situé au bout de la petite ligne du bas du "L", un autre juste après le virage et l'autre tout au bout de la ligne droite.

Glacies n'emprunta pas le premier escaliers, préférant traverser tout le couloir pour atteindre la dernière sortie. Même si ses poursuiveurs la voyaient, c'était une façon de les semer plus rapidement. Au lieu de descendre à nouveau, elle préféra monter les marches. Une fois en haut, ses pieds s'immobilisa pour reprendre de l'air, essoufflée.

"Ça manque de cardio tout ça..."

– M'en parle pas.

En entendant les pas et les insultes se rapprocher, la jeune femme se dirigea rapidement vers la seule et unique salle de musique, vide. La porte fermée, elle posa délicatement son front contre la paroi de bois, les yeux clos.

– Venez pas par là, pitié, pas par là...

"Glacies... Il y a monsieur écouteurs qui te fixe..."

La concernée se retourna à 180 degrés pour tomber nez à nez avec le nouveau de sa classe. Pourtant, les voix de plus en plus élevées de Matt, Julien et Elliot à l'extérieur la poussa à se cacher dans un des placards malgré la gêne qu'elle ressentait face au jeune homme qui ne l'avait pas quitté du regard.

Les trois garçons entrèrent dans la salle de musique, les mains dans les poches. Observant la salle, leur regard s'arrêta sur le jeune homme.

– Elle est où le monstre ?

– J'ai aucune idée de quoi tu parles mec. Je suis tout seul, tu le vois bien.

Ne cherchant pas plus loin que le bout de leur nez, les trois garçons repartirent de la salle mécontent. Une fois la porte refermée et les voix presque inaudibles, le jeune homme fit volte-face vers le placard.

– Gladis, c'est ça ? Ils sont partis.

– Mon prénom c'est Glacies, avec un "i", monsieur écouteurs.

– Monsieur écouteurs ?

"Si il préfère je peux l'appeler mec au casque, ça ressemble à pète au casque, c'est drôle."

Ne relevant pas, Glacies continuait de dévisager l'homme face à elle.

– Alias Joshua, j'ai juste ?

– Tu as juste... mais appelle moi Josh. Je préfère.

– Bon bah merci pour les avoir fait fuir, ciao.

– Tes yeux sont bizarres.

Glacies, qui commençait à s'éloigner, pivota brutalement pour le regarder.

– Nan tu déconnes ? Tu m'apprends quelque chose tiens j'avais jamais remarqué !

Glacies tapa le côté de son poing sur le plat de son autre main comme si c'était une nouvelle extraordinaire.

– J'aime bien. C'est pas dégueulasse comme certains le disent. C'est chouette.

– Chouette ? Chouette. Tellement chouette que je suis le souffre douleur de tout ce putain de lycée, le souffre douleur de toute les écoles que j'ai fréquenté.

– J'ai changé quatre fois de lycée parce que mes camarades me trouvaient juste bizarre et m'ont donc mis la misère pour que je daigne retirer mon casque et leur adresser la parole.

– Un point pour toi.

"Il est bizarre... je ne sais pas pourquoi il y a quelque chose d'étrange, de différent des autres..."

– T'es étrange mec mais pas dans le mauvais sens, il y a quelque chose qui n'est pas normal et tu le sais. Tu sais ce que c'est mais tu fais comme si de rien était.

– Un point pour toi. On est à égalité.

– Tu es... intriguant Joshua.

Le jeune homme fixa Glacies quelques instants avant de se cacher dans ses mains, le visage entièrement rouge.

– Ne dit pas des choses comme ça enfin !

Glacies fut surprise, regardant brutalement autour d'eux.

"Bah bravo tu nous l'as gêné..."

– Je suis désolée...? Demanda doucement la jeune femme, gênée.

– Non, c'est moi...

Joshua se redressa lentement, n'osant pas poser son regard sur la jeune brune face à lui.

– Je... vais y aller... Salut.

– À plus tard Glacies avec un "i"...

La lycéenne s'en alla sans se retourner. Sans comprendre pourquoi, ce garçon l'intéressait plus que les autres, Elle avait envie de le regarder une nouvelle fois, découvrir les parcelles de son visage ou juste admirer ses yeux verts. Quelque chose en lui ressemblait à ce que, elle, avait, un côté différent de la norme.

– Il est vraiment intriguant ce mec, je sens qu'il y a un truc de pas très net, ça fait comme moi avec toi, une chose étrange que je cherche absolument à cacher tu trouves pas ?

"Si totalement, et je me demande ce que c'est. Enfin, changeons de sujet, c'est aujourd'hui le voyage c'est ça ?"

– Oui. J'ai plus cours du matin et on prend le bus à quatorze heures pour aller dans l'une des forêts à la sortie de la ville.

"C'est abusé de faire venir les gens pour une heure quand même... mais ça va être trop cool !

– mmmh... Bof. On va faire une course d'orientation... donc c'est-à-dire devoir faire équipe avec quelqu'un...

"Ça c'est moche"

– Ouais.

Ses pieds franchissaient la grille du lycée, l'emmenant vers la ville. Glacies préférait visiter les nouveaux magasins fraîchement ouverts plutôt que de rentrer directement chez elle. La fin de sa course fut un bar à chats. Elle adorait les chats donc passer du temps avec des dizaines de matous réclamant des caresses ne la dérangeait aucunement contrairement à Lava qui, malgré tous ses efforts, ne supportait vraiment pas ses animaux, les qualifiant de créatures machiavélique.

Assise, Glacies profita du calme des lieux pour se reposer un peu. Le temps filait à une de ses vitesses qu'elle ne remarqua pas les deux heures passées en compagnie des boules de poil en recherche d'affection. Ce fut la propriétaire qui vint lui indiquer qu'ils devaient fermer pour le midi.

Bredouillant des excuses, Glacies s'activa à quitter le bar.

– Il est midi. On rentre à la maison pour manger ?

"Alexya sera contente qu'on mange avec elle aujourd'hui."

– Ouais, en plus je dois récupérer mon sac de voyage puisqu'on reste peut-être une nuit là-bas.

"C'était prévu ?"

– Non mais comme il y a beaucoup de grève, les profs n'étaient pas sur d'avoir un bus pour le retour vu que la ville est gigantesque, ils nous ont dit de prévoir comme si on allait passer une nuit là-bas.

"Je vois..."

Sur ses paroles, les deux jeunes femmes prirent la route de l'orphelinat pour passer le midi avec la maîtresse de maison.

– Prête pour la sortie ? Demanda Alexya en avalant un bout de sa merguez.

– Plus ou moins, je préférerais rentrer à la maison ce soir mais bon.

– Je m'en doute oui, mais dis toi que ça te fera du bien de sortir de ta zone de confort et puis c'est même pas sûr que tu dormes là-bas.

– C'est pas faux.

– Et puis... Il se trouve que j'ai reçu un courrier aujourd'hui... Il se pourrait que peut-être on aurait... le fameux papier pour que toi ma chère Glacies tu deviennes ma fille adoptive ?

– Attends, attends, tu te fous de moi ? T'es sérieuse là ?

– C'est pas encore sûr alors t'emballe pas hein mais si tout se passe bien, je le reçois ce soir, je le signe, tu le signes et tu seras officiellement ma fille.

Sans parvenir à contenir sa joie, Glacies se jeta dans les bras de sa future mère. Des larmes de joie se mirent à couler sur ses joues mais aussi sur les joues d'Alexya. Cela faisait plusieurs années maintenant qu'elles attendaient pour enfin signer ce foutu document et enfin il allait arriver ! Alexya serra la jeune femme fermement, ses larmes coulaient doucement sur son épaule

– Enfin !

– Enfin oui.

En souriant, les deux femmes terminaient de manger leur repas. Glacies aida Alexya à débarrasser et alla dans sa chambre ensuite en saisissant une pomme au passage. Tout en la mangeant, la brune récupéra son sac prêt de la veille et le plaça devant sa porte. Lentement, elle s'allongea sur son lit pour se reposer un peu avant l'heure fatidique. Elle s'endormit en cogitant sur la merveilleuse nouvelle qui venait d'arriver.