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Alors que Glacies se releva lentement, un puissant coup à l'arrière de son crâne la fit chavirer. Bien qu'elle tentait de rester consciente le plus longtemps possible, La jeune femme finit par sombrer, la laissant elle et les deux autres à la merci de leur bourreau.

Délicatement, Joshua ouvrit ses paupières. Grimaçant de douleur, il resta allongé sur le sol dur et froid de la pièce dans laquelle il avait été mit. Sa main droite se glissa doucement dans ses cheveux, à l'endroit où le coup lui avait été porté. Une nouvelle grimace apparut sur son visage.

Lorsqu'un bruit retentit à proximité de lui, Joshua sursauta. Observant rapidement les alentours, il se calma lorsqu'il compris qu'il était seul. Ses yeux parcouraient la pièce : d'énormes pierres en guise de mur et de sol, une petite fenêtre barrée par des barreaux contre un des murs laissait passer un vent glacial qui ne manqua pas de faire frémir le garçon. Un bruit de chaîne le ramena à la réalité. Son regard se dirigea instantanément sur ses poignets. Il pesta face aux menottes épaisses les entourant. Les liens étaient reliés à un énorme anneau en métal incrusté dans le mur. Joshua savait qu'il n'avait aucune chance de se libérer seul, de plus son épée lui avait été confisquée.

Lentement, il se redressa, profitant pour regarder une seconde fois les alentours. Sur ses deux pieds, le jeune homme se mit dans un coin lorsque des soldats firent leur entrée. Deux gardes soulevaient une créature affaiblie et en piteuse état. En observant un peu mieux, Joshua put affirmer qu'il venait de voir une hamadryade. La pousse d'arbre dans une énorme bouteille en verre confirma sa pensée.

Au passage des soldats, les autres prisonniers criaient et huaient tout en tapant contre les barreaux. Un bruit sourd résonna puis, le silence. Joshua ne put voir ce qu'il se passait mais les nouveaux cris affolés des condamnés ne laissaient place à aucun doute. Un homme ou une créature venait de lâcher son dernier souffle.

– Ouvrez là encore une fois et vous y passerez tous !

Un long silence s'écoula suite à la menace du geôlier. Des bruits de chaînes se firent entendre quelques instants avant que les pas des soldats ne s'éloignent jusqu'à laisser le silence pesant et terrifiant.

Joshua en profita pour s'approcher des barreaux et observer les autres cellules. Chaque cellules contenaient des créatures fantastiques : des gobelins, des créatures à cornes de chèvres -sans doute des Thérianthrope- , des harpies, des adultes, des enfants. Tout y passait. Joshua tenta de positiver, au moins les enfants n'étaient pas seuls dans leur "enclos". Pourtant les états de ces créatures firent envoler sa positivité. Il ne voulait pas savoir à quel genre de torture ils avaient tous eu affaire. Certains étaient encore vivants mais d'autres n'étaient plus qu'un tas de chair inanimé et recouvert de larves et de vers d'une espèce de mouche étrange.

Finalement, Joshua se mit à appeler Glacies sans trop crier pour ne pas se faire remarquer mais le silence était la seule réponse qu'il obtint à travers le couloir rocailleux. Une voix masculine et fatiguée s'éleva.

– Elle n'est pas ici mon garçon.

Joshua tourna sa tête pour apercevoir un vieil homme avec, au sommet de son crâne un champignon. L'homme releva ses yeux fatigués vers Joshua.

– L'angus n'est pas ici. La reine lui réserve un sort à la hauteur du châtiment qu'elle a elle-même reçu.

– L'angus ?

L'homme hocha lentement sa tête, retournant ensuite au fond de sa cellule, en compagnie d'autres personnes à tête de champignon.

– Monsieur Joshua ? Vous êtes réveillé ?

La petite voix douce et aiguë de la petite citrouille lui fit redresser les épaules rapidement.

– Pum ?

Timide et méfiant, le petit familier sortit de sa cachette pour s'approcher des barreaux.

– Tu vas bien ?

– Oui monsieur Joshua, je vais bien.

– Tu sais où on est ?

– Nous sommes toujours à Etherna, nous sommes dans le château au centre des contrées, monsieur Joshua. Là où tout à commencé et là où tout se finira. Nous avons été enlevés par les soldats de la reine. Malheureusement, Mademoiselle Glacies n'est pas ici, je ne sais pas où elle se trouve...

– J'ai cru comprendre oui. Comment leur as-tu échappé ?

– Je me suis caché sous la robe de mademoiselle Glacies. Lorsqu'ils ont eu le dos tourné, je me suis échappé et caché pour vous être utile de l'extérieur.

Joshua hocha la tête et reprit :

– D'accord. Écoute, je vais essayer de me débrouiller seul, toi retrouves Glacies et essaye de la secourir d'accord ?

La petite citrouille hocha la tête, ses petits yeux ronds froncés. Laissant le jeune homme, Pum prit ses jambes à son coup et se dirigea vers les escaliers menant à l'étage. Son petit corps dépassait légèrement les marches, le poussant à les escalader. Une fois en haut, Pum s'arrêta pour reprendre sa respiration, épuisé. Pourtant, aussitôt, il se remit en route. Passant la porte entrouverte, il se cacha immédiatement derrière des caisses en bois lorsque des gardes passèrent près de lui. Une fois seul, il partit à l'opposé des soldats, passant de couloir en couloir, se cachant lorsqu'il n'était plus seul. Il prêtait attention à chaque bribes de phrase s'échappant des geôliers.

– Je m'aurais bien occupé de son train-arrière tient. Ça l'aurait bien calmer cette traînée.

– Et tu serais aussitôt devenu un glaçon. Bonne idée Berque.

Pum sortit sa petite tête pour observer les deux soldats. Le premier individu nommé "Berque" était de taille massif. L'homme passa sa langue sur ses lèvres de façon obscène lorsqu'il parla de la jeune femme. Pum eut aussitôt une expression de dégoût. Il resta cependant silencieux, ayant une mission à accomplir. Se concentrant, il fit apparaître une carte mentale du lieu l'entourant. Définissant la salle du trône, il esquiva les gardes et s'y rendit, plus motivé que jamais à délivrer sa créatrice. Arrivant devant la porte, la petite citrouille pénétra discrètement dans la pièce, se fondant parfaitement dans l'ombre.

Contre le mur derrière le trône se trouvait Glacies, suspendu et attaché par des chaînes massives. La reine l'observait.

Glacies la fixait avec une expression meurtrière. Il ne faisait aucun doute que la jeune femme ferait de la chaire à paté de la reine si elle venait à être libre.

– Je te le demanderais qu'une seule fois. Où est Joshua !?

Prenant soin de l'ignorer, Nova laissa glisser ses doigts sur le trône, pensive.

– Tu vois Glacies. Aujourd'hui tu occupes la place où j'étais il y a de ça plusieurs millénaires. j'exagère qu'un tout petit peu. Là, enchaîner au mur tel un trophée, je n'étais qu'une pièce de chasse tu sais. Un vulgaire décor émettant des sons pour pleurer et hurler quand la reine d'antan, que j'ai tuée, prenait un malin plaisir à me torturer. A se défouler. J'étais sa chose, son objet. Un peu comme notre chère Thérianthrope actuellement.

Glacies tourna son regard vers Tharissa, un collier de chien au cou, elle était à genoux aux pieds de Nova, maintenu par une laisse. Des larmes coulaient sur ses joues.

– Elle s'amusait avec mon corps encore et encore et encore pour exprimer sa frustration, sa colère ou son dégoût envers son mari. Mari qui s'occupait aussi de moi évidemment. J'étais une poupée de chiffon. Un simple outil. Aujourd'hui ma chère sœur. Aujourd'hui, je vais me venger. En ce jour si particulier, je vais prendre ma revanche sur notre mère qui m'a lâchement abandonné, qui a fuit ses responsabilités comme à chaque fois.

– Tu crois que tes paroles vont m'attendrir ? Que je vais laisser passer ta folie meurtrière ? Peu importe la torture ! Rien ! J'ai bien dit rien ne justifie ta lubie délirante ! Tu as tué des centaines et des centaines de personnes pour arriver à tes fins ! Rien ne justi-

– LA FERME ! Qu'est-ce que tu sais de la douleur ? De la torture ? Est-ce que tu sais le sentiment que tu ressens lorsque ton humanité s'envole ? Lorsque ta survie devient tellement inespérée que ta seule envie est de mourir ? Est-ce que tu connais l'humiliation qui intervient lorsque tu supplies ton bourreau de te tuer ? Non. Bien sûr que non. Tu ne sais rien de ça.

– J'ai vécu un puissant harcèlement à cause de mes yeux. Alors bien sûr que je sais ce qu'est la douleur !

– Non chérie. Tu connais que deux pourcent de la douleur. Tu as vécu toute ta vie avec une famille aimante et compréhensive. Jamais tu n'as eu le cran de passer à l'acte, à chaque fois, tu pensais à ta merveilleuse famille pour te soutenir dans ses épreuves. Tu sais ce que j'avais moi ? Rien. Ni famille, ni ami, ni repère. Pendant des milliers d'années, je n'ai connu que souffrance et humiliation. Je suis morte. Encore et encore mais tu sais ce qui est cocasse ? En temps qu'ange je ne peux mourir. Je revit, encore et encore, et encore. J'ai connu la mort un nombre incalculable de fois au point où ça ne me fait plus rien. J'y suis comme... immunisé ? Insensible. Écoute moi bien, il ne peut en rester qu'une...

La reine s'arrêta. Un sourire amusé s'invita sur ses lèvres rosées.

– C'est mal d'écouter au porte.

D'un mouvement de main, elle attira brusquement Pum qui s'écroula au sol. Surprise, Glacies observa le petit familier qui se redressa doucement, se plaçant entre elle et la reine.

– Un familier. C'est assez amusant. Se pointer ici sans arme ou de quoi se défendre. Tu es totalement inoffensif trésor.

Alors que Nova plaça ses doigts comme un pistolet, elle les dirigea vers la petite créature.

– Je vous interdit de toucher à un seul cheveux de mademoiselle Glacies ! Je la protégerais !

– Ah oui ? Et comment tu la protégeras quand tu seras dans mes cocktails en tant que glaçon ?

Se préparant à tirer, elle fut surprise par l'arrivée d'une puissante bourrasque de vent qui l'a fit perdre l'équilibre.

– NE LE TOUCHE PAS !

Une nouvelle bourrasque s'échappa du corps de Glacies. Puissante et destructrice, les yeux de la jeune femme se teintèrent d'un blanc pur alors qu'un cyclone se créa au centre de la pièce, dévastant tout sur son passage. Les chaînes de la jeune femme se fissurèrent jusqu'à ne plus la retenir. Nova fut éjecté loin de Pum. Dans la peur et la panique, elle prit rapidement la fuite, laissant les deux coéquipiers dans la grande salle. Se calmant, la jeune femme posa une main sur sa poitrine.

– Mademoiselle Glacies ! Vous allez bien ?!

La jeune femme hocha la tête.

– Oui ne t'inquiète pas. J'ai eu une légère douleur au cœur. Se pouvoir là me prend plus d'énergie que celui du feu. Ça va aller, ne t'en fais pas.

– D'accord mademoiselle. Nous devrions aller aider monsieur Joshua, il se trouve dans les geôles à l'étage du dessous.

Glacies hocha la tête et saisit contre un mur son carquois, ses flèches et son Bô qu'elle rangea. L'épée de Joshua se trouvait juste à côté. La prenant, elle la garda en main pour se protéger si les choses tournaient mal. S'arrêtant au niveau de Tharissa, elle coupa d'un geste vif la laisse accrocher au trône. Adressant un regard à la Thérianthrope, elle reprit sa marche pour rejoindre Pum et quitter rapidement la pièce lorsque des cris de garde survinrent en leur direction.

Glacies suivit Pum jusqu'aux cachots. La jeune femme fut surprise de voir le familier se déplacer rapidement sans se tromper de chemin. Elle le prit dans ses bras pour descendre les marches et aller plus vite. Aussitôt, elle se stoppa, observant un individu sortir brusquement de la cellule contenant Joshua. Un long manteau couvrait son corps tandis qu'une épaisse écharpe entourait son visage, rendant l'identification impossible. La personne prit aussitôt la fuite, laissant Glacies et Pum dans l'incompréhension. Joshua quitta sa cellule lentement, regardant son sauveur s'enfuir. En se retournant, il rattrapa de justesse Glacies qui lui sauta dessus.

– Mon dieu. Tu es en vie.

– Content de te revoir aussi.

La jeune femme le regarda de haut en bas, heureuse de le voir en un seul morceau. Des bruits de pas se rapprochaient rapidement de leur position, les poussant à fuir dans le couloir. Le regard de Joshua croisa celui du champignon. A cet instant, Joshua se promit de venir tous les libérer à un moment où à un autre. Pendant leur course, il reprit son arme et suivit les directives de Pum pour s'échapper. Le familier leur indiqua un passage secret qui les ferait quitter le palais royal sans soucis.

Alors qu'ils suivirent Pum, il tombèrent dans une trappe qui les fit atterrir sur un gigantesque toboggan. Glissant sans possibilité d'arrêt, le petit groupe fut expulsé du château mais aussi de l'île, se précipitant tout droit dans la mer séparant toutes les îles du monde. Des énormes rochers escarpés les attendaient en bas, leur laissant une chance sur un million de survivre.

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