12
Une douce lumière réconfortante glissa lentement sur le visage de la jeune femme. Elle était douce et chaude, apaisante. Une légère odeur de café chaud s'infiltra dans ses narines. La même odeur qui se diffusait dans l'orphelinat le matin lorsque sa mère préparait le petit déjeuner. Ce parfum torréfié la poussa à sortir de cette douce pensée et d'ouvrir les yeux.
Glacies se redressa et regarda sa chambre. Elle n'avait pas bougé, elle était inchangée. Une lumière dans le salon attisa sa curiosité. Prenant son courage à deux mains, elle quitta son nid douillet pour affronter la température glaciale de l'orphelinat. Ses pieds posés sur le parquet froid la fit frissonner. C'était la première fois qu'elle avait autant froid.
Quittant sa chambre, elle tomba sur le salon enneigé avec, au centre, les statues congelées de sa famille. Aussitôt, des larmes se mirent à dégouliner sur ses joues. Pourtant, arrivés au milieu de ses pommettes, les larmes se transformèrent en glace à cause de l'atmosphère hivernale. Glacies se perdit un instant dans ses pensées. Elle avait l'impression d'être sur une banquise et ne serait même pas étonnée de voir un ours polaire zigzaguer entre les blocs de glace.
Lentement, la blanche commença son ascension entre les statues. Cependant, peu importe le nombre de kilomètres parcouru, le salon semblait être infini. Peu importe le nombre de minutes où elle courait entre les glaçons géants, elle restait toujours au même endroit. Si au début tout allait bien, Glacies commençait à étouffer, son corps commençait à paniquer jusqu'à ce qu'une puissante onde de choc s'échappe d'elle. Des flammes constituaient cette onde qui d'un simple contact dégela et brûla instantanément les corps de sa famille qui, de douleur, hurlèrent jusqu'à ce que le silence prenne à nouveau place dans la pièce. Au sol, les corps calcinés de ses frères et sœurs s'empilaient. Un puissant haut-le-cœur gagna Glacies face à la vision qui s'offrait à elle alors qu'elle s'effondra au sol, bouleverser.
– Qu'est-ce que j'ai fait ?
– Dans l'instant T ? Rien. Cependant, c'est ce qu'il risque d'arriver à tes compagnons.
Glacies tourna la tête vers la femme encapuchonnée. Elle était de nouveau là, et comme à chaque apparition, Glacies se souvenait d'elle mais était incapable de dire qui elle était.
– Qui es-tu ! Qu'est-ce que tu me veux à la fin !
– Je te l'ai dit la dernière fois ! Je suis une alliée, je veux t'aider. Glacies tu viens de le voir par toi-même ! Un simple coup de pression te fait perdre le contrôle ! Tu ne maîtrises pas encore ce pouvoir que tu as ! Sans ce contrôle, t'es un danger pour toi et ton entourage.
– Mais je n'ai pas le temps d'apprendre à mieux le contrôler ! Le temps presse et-
– Je sais. J'ai en mémoire le temps qu'il te reste pour sauver ta famille, je sais que le temps te manque alors fait le bon choix. Ils ne sont pas tous obligés de mourir. Est-ce que trois morts seraient légitime pour tes ambitions ? Est-ce qu'ils sont obligés de risquer leur vie pour des personnes qu'ils ne connaissent même pas ?
– Je...
– Écoute Glacies. Que tu sois seule ou accompagnée, tu arriveras au bout de cette aventure, je te le garantie. Rien n'est jamais fait au hasard. Avec ce pouvoir, tu as la force de sauver ce monde mais tu as aussi la force de condamner des innocents pour tes propres projets. Quoi que tu fasses, tu seras toujours l'héroïne de ton histoire, c'est indéniable. Mais tu peux aussi devenir la grande méchante de la leur. Elle revient. Est-ce qu'une vie à plus de valeur qu'une autre ?
Sans possibilité de répondre, la femme ainsi que les flammes et les corps calcinés s'évapora dans un nuage de fumée. À la place, une légère odeur de pain d'épice s'échappa de la cuisine. Le salon avait retrouvé sa splendeur d'avant, le sapin et les guirlandes de Noël étaient allumés tandis que des voix provenaient de la cuisine. En s'y approchant, Glacies découvrit sa mère mais aussi ses frères et sœurs au-dessus du comptoir, s'attelant à préparer du pain de Noël.
– Glacies ! Rejoins-nous !
La voix enthousiaste de Matthieu la poussa à les rejoindre pourtant, avant de passer la porte de la cuisine, une autre voix dans son dos retentit.
– Glacies. C'est faux ! C'est une illusion ! Ouvre les yeux !
Le corps de Joshua disparaissait lentement alors que la jeune femme était tiraillée entre rejoindre sa fratie ou son compagnon. Lentement, une goutte d'eau froide tomba sur son front. Un puissant vent glacial la balaya alors que Matthieu lui tendait la main.
– Vient Glacies !
La jeune femme se mordit la lèvre inférieure.
– Bientôt. Je rentre bientôt à la maison, c'est promis.
Tournant le dos à la cuisine, Glacies s'éloigna d'un pas décidé vers Joshua malgré les appels du jeune garçon. Prenant la main de celui-ci, elle se laissa tomber dans un trou noir sans fond, quittant le pays des rêves et regagnant sa réalité.
Dès lors que ses yeux furent ouverts, l'odeur du café enivrant quitta son nez pour laisser place à une odeur banale. Cette impression réconfortante laissa place à un souvenir triste et lointain. Contre son gré, des larmes se mirent doucement à couler. Si elle aurait souhaité pleurer à chaudes larmes, elle s'y restreint lorsque la porte de la chambre fut poussée. La silhouette de Pum progressa dans la pièce afin de s'approcher de la jeune femme.
– Mademoiselle Glacies, monsieur Joshua, il est l'heure de se réveiller ! Une grande aventure nous att- Mademoiselle Glacies ? Vous êtes déjà réveillé ?
Le familier monta difficilement sur le lit afin de se placer à la hauteur de la blanche.
– Comme tu le vois Pum. Je suis bel et bien réveillé.
D'un geste lent, Glacies posa délicatement sa main sur la tête de la citrouille. Appliquant une légère pression, elle caressa délicatement et amicalement le familier.
– Fort bien. Vous devriez aller manger un petit quelque chose mademoiselle Glacies, cela serait bête de partir le ventre vide.
– Tu as raison. Part devant, je m'occupe de la marmotte.
Pum hocha sa petite tête, descendit du lit et s'en alla alors vers la sortie. Alors qu'il referma la porte, Glacies essuya d'un geste ses joues. Cette femme était encore apparu pour la mettre en garde. Que devait-elle faire ? Depuis son arrivée, il n'arrivait que des ennuis mais en même temps, chaque parole de cette nymphe s'était avérée juste.
Bien qu'elle n'en avait jamais fait mention auparavant, Glacies sentait que quelque chose n'allait pas en elle. Elle avait constamment chaud, pas une chaleur étouffante, mais gênante. L'image de son salon carbonisé la fit déglutir. Elle était une bombe à retardement. Tant qu'elle était incapable de contrôler son pouvoir, il était hors de question que quelqu'un l'accompagne dans cette aventure. La réelle question était "comment les convaincre de rester ici ?"
– À quoi tu penses ?
Glacies fut surprise. Elle observa Joshua.
– À rien.
– Ne te fout pas de moi. Tu me fixes depuis quelques minutes.
– Je... j'ai... Tiens, tu lis plus dans les pensées ?
– Même si ça me tue de le dire, Héri m'a aidé à le contrôler. C'est pas encore tout à fait ça mais c'est un début. Mais ne change pas de sujet !
Glacies l'observa puis finit par se coucher.
– Ça m'arrive de voir dans mes rêves une femme. C'est un peu comme un rêve lucide. Je peux bouger, parler, je sais que je peux faire ce que je veux. À chaque fois qu'elle apparaît, elle me met en garde par rapport à la suite des événements. Cette fois, ça concerne le joyau du feu que j'ai pris dans le volcan la dernière fois. Je ne le maîtrise pas et risque de cramer tout le monde si j'ai un moment de panique ou autre. Je ne veux pas que vous mouriez pour ma quête à moi.
– Mais et ta famille ? Lava ?
– Une vie n'en vaut pas une autre. Je les sauverai, seule. Je peux y arriver.
– Tu mens. Pourquoi tu mens à un Lidéo ?
– À un quoi ?
– Lidéo. C'est l'équivalent des télépathes ici.
– D'accord. Monsieur le Lidéo.
– Réponds à ma question Glacies. Tu pensais que je ne pourrais vraiment plus lire dans tes pensées ? Que je suis con ou que je suis pas assez bien pour comprendre ?
– C'est justement l'inverse Josh. Peut-être que j'espérais que tu lises dans mes pensées, que tu entendes à quel point je suis terrifiée de partir seule d'ici, que tu entendes à quel point je ne veux pas m'éloigner de toi parce que c'est entièrement ma faute si tu es là et surtout parce que j'ai la trouille de tuer des gens qui ne le mérite pas parce que je saurais pas gérer ma propre panique. Alors non Joshua, tu es assez bien pour comprendre et tu n'es pas trop bête. Tu es une personne en qui j'ai une confiance aveugle pour la première fois de ma vie en dehors de ma famille, tu es devenu mon point d'encrage. Je t'aime beaucoup trop pour imaginer une seule seconde te perdre.
– Oh. Euh. Wow. Je m'attendais pas à ça...
Le jeune homme se cachait les joues. Celles-ci avaient pris une teinte rougeâtre suite à la déclaration de la blanche. Glacies observa son partenaire et réalisa finalement ce qu'elle venait d'exprimer. Son visage devint rouge pivoine.
– E-enfin... merci d'avoir lu...dans mes pensées... mais c'est la dernière fois hein !
Affichant un sourire amusé, le Lidéo quitta difficilement son lit pour rejoindre la jeune femme et lui tendre la main.
– Aller. On a une famille et une jeune femme en détresse à sauver !
Hochant la tête, Glacies prit la main du jeune et alors qu'il allait l'entraîner à sa suite, Joshua pencha la tête.
– C'est quoi ça ?
Glissant une main dans les cheveux blanc de son amie, il y ressorti une sorte de limace. Son corps, sinueux et translucide, formait un cylindre presque parfait, interrompu seulement par la délicate torsion de ses deux appendices représentant sa queue. À l'intérieur d'elle, sa colonne vertébrale était constituée d'une constellation de sphères bioluminescentes. Semblable à certaines méduses, elle semblait, dans la pénombre, devenir fluorescente. Du jaune pâle au bleu lavande, en passant par des teintes de rose poudré, orange doux et de vert tendre. Joshua put aisément comparer ses myriades de protubérances à une galaxie lointaine. Parmi ses petites bulles d'air piégées dans le temps, une forme noire se dessinait. Similaire à un têtard, la créature remuait parfois sa queue fine et longue comme pour prouver qu'elle était vivante.
– Mais quelle horreur ! Lança Glacies, écœuré d'avoir eu cette créature dans ses cheveux.
– Et bin... Elle n'est pas très jolie je te l'accorde... mais elle a un truc bien à elle...
Alors qu'il continuait à observer le petit être rampant, il sursauta lorsque celle-ci sauta en direction de son amie. La concernée, prise de panique, dirigea ses mains devant son visage et lança une ridicule flamme qui brûla tout de même la créature.
Héri et Tharissa arrivèrent en trombe face au boucan créé.
– Qu'est-ce qu'il se passe ! Demanda la femme lapin, inquiète.
– Cette chose était dans mes cheveux !
Héri observa Glacies et après avoir lancé un coup d'œil à la créature calcinée, quitta la chambre sans un mot de plus. Tharissa quant à elle, s'approcha doucement, saisissant la petite bestiole agonisante dans le creux de ses mains.
– Elle n'était pas méchante... On appelle ça une Onirus ce sont de petites créatures inoffensives qui se nourrissent de nos rêves. Elle crée une illusion dans notre esprit lorsque l'on dort et se nourrit de cette illusion. Elle n'était pas nocive, juste affamée.
Silencieusement, l'hybride quitta la pièce, laissant les deux humains seuls.
– Elle était inoffensive, et je lui ai enlevé la vie...
– Glacies... Tu pouvais pas savoir. Elle voulait te sauter dessus, tu t'es défendue...
– J'aurais pu juste me décaler ou... je sais pas...
Elle lui offrit un léger sourire rempli de culpabilité et s'éclipsa à son tour, le jeune homme sur ses talons. Arrivant à la cuisine, le lycan les regarda et s'en alla à nouveau en pestant. La lapine, qui revenait après avoir enterré la créature, leur adressa un petit sourire triste.
– On... on vous a entendu. Tout à l'heure. Vous voulez partir sans nous ?
– Je... oui. Ce n'est pas contre vous. Je t'assure que si j'avais pu faire autrement je l'aurais fait mais...
– C'est dangereux. Je sais. Vous partez quand ?
– Juste le temps de manger quelque chose et on y va. Tharissa ? merci. Merci pour tout. De nous avoir amené ici, de nous avoir entraînés, logés, merci beaucoup. Sans toi et Héri, on serait peut-être déjà morts depuis bien longtemps. Alors je te remercie.
– C'est normal. J'espère que vous arriverez à atteindre votre but. Je vais vous préparer des paniers repas pour midi et ce soir, vous serez tranquille comme ça.
– Merci beaucoup !
– Attends je vais t'aider ! S'exclame Joshua en avançant vers la femme hybride.
– Tharissa ? Où est parti Héri ?
– Dans la cour arrière.
– D'accord merci.
Glacies les abandonna pour rejoindre le lycan dans l'arrière-cour. Celui-ci était en train de s'entraîner. La jeune femme saisit le Bô contre un mur et se dirigea vers lui. Le prenant par surprise, elle l'attaqua tandis qu'il se défendit à la dernière minute.
– Tu comptes tirer la gueule encore longtemps ?
– Je tire pas la gueule !
– Bien sûr et moi je suis la reine d'antan ! Regarde toi, on dirait un monstre sans ton sourire !
– Je te permets pas !
– Ah ouais ? Et tu vas faire quoi ?
Continuant à se battre, Héri finit par se glisser derrière la jeune femme et coller sa lame contre son cou. Celle-ci s'immobilisa et resta docile.
– C'est pas contre toi.
– On vous aide. On vous fournit des armes, des entraînements, tu me fais ta petite leçon sur la famille et au dernier moment vous nous évincés du projet ? C'est quoi si c'est pas contre nous ?
– Héri... Écoute... Je doute pas de votre volonté d'aider ou de... je sais pas quoi. J'aurais vraiment aimé vous avoir avec moi mais... c'est trop-
– Dangereux ? Tu penses qu'on est incapable de se défendre c'est ça ?
– Non ! Vous êtes des guerriers hors pair, je ne doute pas du tout de ça ! Sans vous on aurait jamais été capable de manier ne serait-ce qu'une épée. Vous auriez été des soutiens hyper importants dans cette quête mais... Je suis une bombe à retardement. J'ai le cristal du feu en moi. Je ne le maîtrise pas et je peux tout cramer dans un moment de panique. Je ne sais pas comment réussir à le contrôler réellement et je ne veux pas tuer qui que ce soit en apprenant. Une vie n'a pas plus de valeur qu'une autre. Tu mérites de vivre tout autant que ma famille et je refuse de mettre votre vie en jeu. Vous avez tous les deux été éloignés des vôtres parce que vous avez participé à une chasse à l'homme qui ne vous concernait pas. Je refuse que ça recommence par ma faute. Je vous suis reconnaissante de l'aide apportée. De la nourriture et de l'entraînement offert. Je ne pensais pas être capable de manier un arc comme je le fais à présent et ça c'est grâce à vous, à toi. Alors s'il te plaît, comprend la décision.
– Vous reviendrez ?
– Quoi ?
– Vous reviendrez nous voir ?
– On reviendra une fois notre quête accomplie. Je le promets.
Le jeune homme retira finalement son épée, serrant la jeune femme dans ses bras.
– Vous avez intérêt à revenir.
Riant légèrement, la jeune femme se tourna vers lui, qui s'était assis au sol. L'imitant, elle regarda la clairière. Héri resta silencieux un instant.
– Elle vient d'où la marque bleu, violacée sur ton cou.
– Une chute... une simple chute...
– Je ne suis pas stupide Glacies. Je sais que c'est une marque d'appartenance.
– Non c'est... C'est pas une marque...d'appartenance...
– Chez mon peuple, ce genre de marque est faite par les mâles aux femelles lorsqu'ils s'unissent. Par conséquent, la femelle ne pourra plus se satisfaire auprès d'autres mâles.
– Mais ce n'est pas-
–Peu importe si s'en ai une ou non. Depuis ton arrivée, je sens une odeur qui n'est ni la tienne, ni celle de Joshua. Elle empeste le mal d'ailleurs cette odeur. Je ne sais pas comment elle a été faite mais je sens bien que c'était pas volontaire. Alors tu devrais la recouvrir le plus rapidement possible volontairement cette fois.
Le jeune loup se releva et aida Glacies à faire de même.
– Je... D'accord.
S'approchant d'elle, Héri plaqua ses lèvres sur les siennes délicatement sans crier gare.
– À défaut de t'aider avec cette marque, je t'offre...ça... Dans ma tribu, c'est une sorte de marque d'affection qu'on fait seulement aux personnes qu'on apprécie beaucoup beaucoup... Je ne sais pas ce que ça signifie pour toi, dans ton monde...
Posant ses doigts sur ses lèvres, la jeune femme finit par se rapprocher de lui à son tour pour lui rendre le baiser. Les mains du garçon glissaient sur ses hanches tandis qu'il l'a rapprocha de lui. Ils finissent par se séparer doucement.
– C'est un peu pareil... alors dis toi que c'est un cadeau de remerciement ?
Le lycanthrope éclata de rire tout en posant son front contre celui de Glacies.
– Ne meurs pas.
– Promis.
– Glacies ? C'est prêt !
Héri se sépara de la jeune femme et s'en alla vers la cuisine. L'adolescente l'observa puis prit une grande inspiration, les joues rougit.
– Bon. C'est parti.
Récupérant les vivres, armes et les Rayons offerts généreusement par le tavernier, les trois compagnons quittèrent l'auberge pour commencer leur aventure.
Occuper à regarder les deux humains et le familier s'éloigner vers le désert de Scoriadéa, le loup ne remarqua pas l'ombre malveillante se glisser dans son dos avec un poignard en main.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top