5 - Un avenir qui pourrait bien changer
Comme tout le monde, j'ai entendu parler des croiseurs mécamens. Avant la catastrophe, ils assuraient la plupart des transports d'Almaia ainsi que la défense de la planète – essentiellement contre toutes les horreurs qui apparaissaient de plus en plus fréquemment en raison des expériences des mages abscura.
Je ne comprends toujours pas pourquoi on leur a laissé la possibilité d'employer leurs dons alors que le danger commençait à devenir évident. Même les raisons logiques, telles que la recherche scientifique ou les intérêts stratégiques, ont peine à me convaincre. Certes, ce sont les abscura qui ont découvert l'iridescence. Je veux bien croire que certains d'entre eux savaient se montrer prudents, voire... suffisamment sains d'esprit, pour ne pas occasionner de drames. Mais il aurait été bien plus avisé de leur interdire de pratiquer dès que les premières brèches sont apparues.
« Len'Kirrista ? »
Je sursaute légèrement, revenant à la réalité. Gênée, je m'incline devant le jeune homme, le cœur un peu battant – autant en raison de son apparence que de sa fonction élevée. J'espère qu'il ne me prend pas pour une fille malpolie, malgré mon entrée en matière quelque peu... incontrôlée ? Il ne peut tout de même pas m'en vouloir d'avoir tenté de remercier mon sauveur ! Je glisse un coup d'œil vers l'intéressé, qui a fermé les paupières et appuie son front sur sa main. S'il s'ennuie tellement, pourquoi est-ce qu'il reste dans la salle ?
Ah oui... Parce que Dan'Talar le lui a demandé. Quant à Serafen, il fait de son mieux pour ne surtout pas le regarder.
« Tout cela doit sembler très nouveau pour vous, reprend l'Aïrin d'un ton serein. Si vous avez des questions à poser, n'hésitez pas... Je tâcherai de vous répondre, autant que possible. »
Il est décidément d'une patience d'ange. Je rougis légèrement sous ce regard limpide.
« Pardonnez-moi, mais... je pensais qu'il ne restait plus aucun mecamens... »
Je plaque aussitôt ma main sur ma bouche. J'ai décidément un don pour sortir ce qu'il ne faut pas ! Heureusement, l'Aïrin ne semble pas s'en offusquer.
« C'est compréhensible. La survivance de l'Agathos a été gardée secrète pendant plus de deux cents ans. Nous avons eu la chance d'échapper aux tâches de limbes qui ont détruit tous les autres croiseurs, parce que nous nous trouvions en mission de reconnaissance à une altitude que les brèches n'ont pas atteinte. Par la suite, notre lignée a toujours produit au moins un héritier susceptible de se lier à l'Agathos, même si notre nombre a décru au fil du temps. »
Je l'écoute religieusement. Sa voix possède un timbre juvénile qui n'en exclut ni la fermeté ni la clarté. Il parvient à rendre plausible même l'incroyable.
« Depuis, nous nous sommes toujours efforcés de poursuivre notre tâche de servir et protéger Ether. Notre existence a été tenue secrète par le gouvernement afin de nous permettre d'intervenir dans les situations les plus délicates.
— Pardonnez-moi... Mais quelles sont ces situations ? »
Je m'étonne de ma hardiesse, mais je me sens un peu plus en confiance depuis que l'on daigne m'expliquer un peu la situation.
« La plupart du temps, nous refermons les brèches... »
Je ne m'attendais pas à une telle affirmation, proférée avec un calme souverain.
« Vous voulez dire que vous allez... à la surface d'Almaia ? »
Dan'Talar secoue négativement la tête :
« De nouvelles brèches sont ouvertes régulièrement par les abscura des Profondeurs, dans le but d'affaiblir la barrière protectrice de Strata et des autres cités d'Ether. Aucun des aéroquartz gouvernementaux ne possède l'équipement adéquat pour en venir à bout. Et les forces de protections n'ont pas des membres aussi compétents que mon Conseil ! »
Il prononce ces derniers mots avec un mélange de fierté et... oui, de tendresse, tandis qu'il se tourne vers les personnes qui siègent de part et d'autre de lui. À part Serafen et Eïdo, il y a deux femmes : la première, fine et très brune, est revêtue d'une robe pas très différente de celle d'Eïdo ; ses prunelles indigo paraissent presque phosphorescentes dans son visage mat. Elle affiche un petit sourire amical, mais quelque chose en elle suscite en moi une certaine méfiance. La seconde, de carrure athlétique, possède des yeux et de courts cheveux d'un vert pâle qui l'identifient comme radiante. Sa combinaison bleue rappelle la mienne, mais aux couleurs et symbole de l'Agathon. Son visage fermé, réprobateur même, me donne envie de rentrer sous terre.
Je serre mes mains l'une contre l'autre, soudain intimidée ; je commence à comprendre pourquoi Eïdo se trouvait dans les environs quand il m'a sauvé, même si cela ne m'explique pas pourquoi il chevauchait cette... chose.
Dan'Talar se tourne vers l'intéressé, qui - par miracle - prête de nouveau attention au monde autour de lui :
« Dans son rapport, Dan'Anagke nous a confirmé que vous aviez conservé un degré d'énergie remarquable malgré la présence d'un démon et d'une conjuration à proximité. Sachant que ces créatures drainent toute celle qui se manifeste autour d'eux, c'est un fait remarquable ! »
Je cligne des yeux, sans trop comprendre où il veut en venir.
« Si c'est vraiment le cas, je pense qu'avec un peu d'entraînement, vous pourriez devenir aussi résistante que Len'Brasne. Même si elle maîtrise très bien son travail, un peu de renfort ne serait pas négligeable. C'est pour cela qu'Eïdo a choisi de vous ramener parmi nous, afin que nous puissions débattre de la question. »
Je comprends que la dénommée Brasne doit être l'alate aux cheveux verts, qui n'a pas l'air ravie de la situation. Quant à mon sauveur, il semble regretter sa décision. Tout va bien trop vite pour moi. Je réalise vaguement que cela ressemble à une offre d'emploi, mais c'est peu probable... D'ailleurs, je suis déjà prise ailleurs, non ?
« Excusez-moi, mais... en principe, j'aurais dû rentrer depuis longtemps au quartier général des Patrouilleurs. Le sergent va être furieux et il va sans doute me refiler toutes les corvées jusqu'à la fin de mon service. »
C'est peu glorieux. J'ai l'impression d'avoir huit ans, plutôt que dix-huit. L'Aïrin me regarde avec amusement – comme Serafen, mais c'est toujours mieux que le mépris total d'Eïdo... ou plutôt, d'Anagke.
« Ne vous inquiétez pas, Len'Kirrista, je peux vous assurer que nous avons toutes les relations nécessaires pour arranger ce petit problème. D'ailleurs, votre officier supérieur se trouve déjà à bort d'un aéroquartz qui doit arriver d'un instant à l'autre. »
À ces mots, je porte mes deux poings à ma bouche, terrorisée. Ma voix s'étouffe en un balbutiement confus :
« Vous voulez dire... Le colonel Alkion ?
— Lui-même. L'Agathos lui a rendu un service important il y a deux ans. Ce n'est qu'un échange de bons procédés. Je trouve plus honnête d'attendre sa présence avant de vous demander de prendre une décision.
— Une décision... à quel propos ? »
Le jeune homme sourit :
« Sur votre intégration comme apprentie de l'Agathos. »
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[Atina Darken – Conseillère de l'Agathos
Age : 33 ans
Taille : 1,75 m
Cheveux : noirs
Yeux : bleu-violet
Groupe sanguin : O+
Type : inconnu]
[Cipher Brasne – Responsable de la sécurité et conseillère de l'Agathos
Age : 27 ans
Taille : 1,79 m
Cheveux : vert pâle
Yeux : verts
Groupe sanguin : O–
Type : Radiant ]
Je pense sincèrement que Prismè n'est pas au bout de ses surprises. Elle a plein d'autres questions en tête, et vous aussi, bien sûr. Enfin, je l'espère. Mais patience, cette histoire est destinée à comporter encore deux ou trois chapitres, et ce sera plié !
...
Je plaisante, bien entendu ! Ce sera bien plus long de cela... (déjà plus de 40000 mots, pour les curieux !)
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