31 - Une menace venue du ciel
« Izel ! »
Avant d'avoir pu faire un geste, le médecin de l'Agathos se trouve encerclé.
« Izel, tu as apporté des choses pour nous ? demande un garçon à la tignasse blonde hérissée.
— Oh oui, des bonbons ! » ajoute une fillette aux cheveux tressés.
Bientôt, leurs voix pépiantes se mêlent et se confondent. Izel se frotte la nuque en riant :
« Allons, allons, vous connaissez la règle. Rien avant la visite médicale !
— Mais on va bien ! » proteste la plus petite des filles.
Le médecin pose un doigt sur son front :
« Je sais bien, mais c'est mon travail de m'assurer que c'est vrai. »
Je ne peux m'empêcher de sourire à cette vision, et même Varany porte une expression plus douce. Tandis que les voix aiguës s'élèvent et qu'Izel leur répond toujours avec bienveillance, je prends le temps de les détailler : comme les autres habitants de l'Enclave, ils arborent des vêtements de fibres tissées, agrémentés de broderies de couleur, de perles et de colifichets de différentes matières que je ne reconnais pas toutes. Ils portent des paniers dans lesquels j'aperçois des herbes, des légumes – ou ce qui y ressemble vaguement.
Une fillette au teint mat, qui ne doit pas avoir plus de sept ans, tourne vers moi d'immenses yeux violets. On croirait une mini-Atina, si ce n'est ses cheveux plus clairs, d'un châtain aux reflets roux :
« On t'a jamais vue, demande-t-elle d'une voix flûtée. T'es nouvelle ? »
Je ne peux m'empêcher de sourire :
« Oui ! Mon nom est Prismè ! »
L'attention des enfants se détourne d'Izel pour se reporter vers moi... Je suis alors assaillie par une déferlante de questions : si j'ai des alaées comme Cipher, si c'est la première fois que je visite la surface... Il m'est difficile de répondre sans me faire aussitôt interrompre. Je me contente de rire, pour l'essentiel. C'est finalement Izel qui me sauve.
« Allons, allons... Ayez pitié de Prismè ! Si vous lui faisiez plutôt visiter le coin ? »
Sa proposition reçoit un accueil enthousiaste. La fillette aux yeux violets glisse sa main dans la mienne. Izel a hissé la plus jeune sur ses épaules et s'engage sur un sentier circulant entre les dômes qui font office à la fois de toits et de champs. Je remarque qu'en haut des remparts, se trouve un chemin de ronde sur lequel patrouillent d'autres gardes avec leurs étranges armures.
C'est la seule chose qui me rappelle que cet endroit n'est pas aussi paisible qu'il le semble ; enfin, presque la seule. Varany, qui nous suit à quelque pas, reste silencieuse, mais je note son regard attentif.
Les enfants nous conduisent jusqu'à la plus haute élévation de la ville, divisée en terrasses concentriques sur lesquelles poussent au moins douze types de plantes différentes. Des fleurs bordent la rampe de galets qui permet d'y monter. Je ne peux m'empêcher d'admirer tout le travail fourni. Malgré tout, je me demande ce qui se passe quand une menace provient du ciel... Ici, rien ne doit jamais être acquis !
Mes yeux se portent vers la voûte bleue au-dessus de moi ; quelques nuées y flottent paresseusement. Pour le reste, sa couleur me semble d'une intensité rare. Je le contemple en souriant.
Je remarque alors un drôle de petit nuage en surplomb. Sa forme et sa teinte inhabituelles suscitent mon alarme, sans doute sans raison. Même s'il n'est pas facile de voler à la surface, d'après Cipher, j'ai besoin de calmer mes inquiétudes.
« Les enfants, rendez-vous que je me montre mes alaées ?
— Tes alaées ? Tu veux dire... tes ailes ?
— Euh oui, on peut les appeler aussi comme ça ! »
Izel ouvre la bouche pour protester, mais je lui désigne du regard l'inquiétante apparition. Derrière les verres de ses lunettes à l'ancienne, ses yeux s'éclairent de compréhension. Il se tourne vers Varany, avant de hocher légèrement la tête. Je gravis les derniers gradins, pour atteindre la petite terrasse qui en occupe son sommet, suivie par des enfants enthousiastes. Si je me suis alarmée pour rien, au moins les aurai-je un peu distraits.
« Éloignez-vous un peu... Je vais créer les alaées ! »
Izel prend garde à bien les garder hors de portée des futures lames. Les toucher, pour une autre personne, peut créer l'équivalent d'un choc électrique, ce qui serait pas vraiment recommandé pour des enfants si jeunes. Je baisse la tête, invoquant autant d'énergie que possible, constatant que Cipher avait raison : c'est en effet plus difficile qu'à Ether, autant pour les faire apparaître que, sans doute, pour les maintenir. Malgré tout, les lames blanches s'étendent dans mon dos, répondant à ma volonté.
« Wow, elles sont blanches ! s'écrie un des garçons. Et tu en a plus que Cipher !
— Il y a beaucoup d'alaées différentes. Certaines ont plus de dix lames ! »
Je monte lentement dans les airs, planant un moment avant de former une boucle au-dessus des enfants, qui me regardent avec des cris excités. Malgré les efforts que je dois fournir, j'effectue cependant quelques figures... J'aurais préféré les éviter, mais elles amusent et rassurent les enfants. Les gardes me contemplent un peu trop attentivement à mon goût... Se doutent-ils de quelque chose ?
Au bout de quelques minutes, je m'approche discrètement de cet étrange nuage qui me perturbe tant... Je dois rester prudente : je ne suis là que pour observer. Il s'agit bien d'une sorte de semence, mais différente de celles que j'ai appris à éliminer. Une goutte de brouillard d'un gris moiré, qui semble palpiter d'une vie propre, mais l'air tout autour paraît brouillé et distordu comme par temps de grande chaleur. Par moment, des éclats de lumière noire fusent tout autour de cette tache de limbes.
Elle n'est pas statique, mais s'abaisse vers l'enclave...
Je redescends aussi lentement et posément que possible, pour me poser entre Izel et Varany. Les enfants se ruent déjà vers moi, mais je me penche vers le médecin :
« Vite, il fait mettre les enfants à l'abri... Avertissez Elwenn et allez chercher Cipher !
— Et toi ?
— Je dois prendre mon foudre dans la navette. »
Izel pose une main sur mon épaule :
« Tu devrais attendre... »
Pour toute réponse, je lui montre la forme brumeuse qui descend toujours vers le sol.
« Je ne suis pas sûre que nous en ayons le temps ! »
Je n'ai pas d'idée de ce qui pourrait arriver, si elle venait à toucher le sol... Mais je doute que ce soit plaisant. Déjà, j'étends de nouveau mes aalées afin de passer par-dessus la palissade, mais Varany me retient par le bras :
« Attends ! Anahé n'est plus là ! »
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