20 - Premières armes
Je m'efforce de ne pas regarder la conjuration d'Eïdo se positionner devant la brèche... Des semences flottent tout autour de nous et je sais combien il est dangereux d'en être aussi proche. Je n'ai pas oublié la terreur qui m'a saisie quand mes alaées ont lâché face au démon. Je n'ai aucune envie que cela recommence – d'autant que cette fois, je n'aurai sans doute pas de sauveur providentiel.
« Évite de te trouver dans mon champ, reste derrière pour le moment ! »
La voix de Cipher me semble plus dure que d'habitude. Je lui obéis sagement, comprenant pleinement son attitude. Ses alaées se sont encore élargies ; elle les étend au maximum pour flotter sur place et s'incline légèrement en arrière, positionnant son canon-foudre en direction d'un paquet de semences en train de lentement se répandre. Quand elle appuie sur la détente, ce n'est pas un simple rayon qui s'en dégage, mais une sorte d'onde lumineuse qui n'est pas sans évoquer l'iridescence. Elle s'élargit progressivement, jusqu'à atteindre plusieurs mètres ; toutes les semences qu'elle touche noircissent, s'étiolent puis disparaissent. J'observe le phénomène bouche bée.
« Pourquoi n'est-ce pas possible de faire cela à plus grande échelle ? Pour éliminer la déchirure tout entière ?
— Parce que la solution technique n'a pas été encore trouvée. Aucun rayon n'est assez large pour englober l'ensemble d'une déchirure. L'énergie est juste attirée à l'intérieur. Il fait recourir à... d'autres moyens. Maintenant, essaye ! »
J'attends qu'elle revienne à ma hauteur avant de viser à mon tour un groupe de semences qui se promène paresseusement sur notre gauche. J'enclenche l'appareil puis je relâche sa puissance. L'énergie qui en surgit me propulse en arrière. J'ai du mal à garder le rayon droit ; l'arme se cabre entre mes mains.
« Tes alaées ! Élargis-les encore pour te stabiliser! »
Il est difficile de penser à tout à la fois ! Les dents serrées, j'envoie un peu plus d'énergie dans mes lames ; je les sens grandir dans mon dos. Leur vibration régulière me rassure. Quand j'estime que je ne peux faire mieux, je libère le rayon.
Au début, je loupe la moitié des cibles, mais je parviens finalement à annihiler cinq ou six semences. L'épuisement me saisit déjà ! Mon respect pour Cipher augmente considérablement. Comment pouvait-elle mener seule cette tâche ? Pourquoi n'a-t-elle pas eu d'adjoint jusqu'à présent ?
Ce n'est pas le moment de poser ce genre de question. Cipher a repris le travail, avec une constance que je lui envie. J'essaye de faire ma part, mais je ne me montre pas très performante. Mais ma technique s'améliore progressivement, même si la fatigue me submerge déjà. Quand Cipher me demande de m'occuper de l'autre côté, je n'ose pas me défiler. Pourquoi Eïdo et Atina ne sont-ils pas encore intervenus ? Peut-être que ce qu'ils doivent faire exige du temps.
J'ai l'impression que mes bras vont lâcher sous le poids du canon et que le nombre de semences ne veut pas diminuer. Cela devient extrêmement frustrant... J'ai le sentiment de ne servir à rien. Ou du moins, à presque rien.
Mon énergie semble s'épuiser à vue d'œil, autant en raison de l'effort demandé que de la proximité de cet œil monstrueux. Quelques semences me narguent encore. À bout de force, je me recule légèrement, pour voir Cipher finir d'éliminer les siennes avec une facilité humiliante.
« Je viens te prêter main-forte ! »
J'émets une vague réponse affirmative autant pour mes envies d'héroïsme ! En un clin d'œil, les grandes alaées vertes mangent l'espace ; elle flotte juste à côté de moi, maniant son canon avec expertise pour nettoyer tout ce qu'il reste.
« Pas si mal pour une première fois. Essaye de te ménager maintenant, cela va être au tour d'Atina et d'Aïdo d'intervenir. »
Elle m'entraîne à distance, pour laisser le champ libre aux deux conseillers aux cheveux noirs. Je trouve leur allure impressionnante : Atina porte une longue robe qui claque dans le vent ; une visière garantit ses yeux de l'air de l'altitude, mais elle ne bénéficie d'aucune autre protection. Eïdo a revêtu la combinaison bleue dans laquelle je l'ai vu la première fois. Il se tient à genoux sur le dos de la créature, sombrant un peu dans sa texture imprécise. Il semble profondément concentré, tandis qu'il dirige l'invocation face à la déchirure.
Ils se positionnent en face du tourbillon au cœur de la brèche. Eïdo se redresse lentement et se place juste derrière Atina. Il tend les bras ; l'air se brouille tout autour de lui, comme pour former une paroi mouvante de verre noirci ; la sphère autour de lui s'étire en une forme tubulaire, qui englobe Atina et plonge au cœur même de la déchirure. Le corridor assombri se pare d'étranges reflets irisés. Peut-il s'agir de traces d'iridescence ? Pourtant, il n'a rien d'un radiant. Le mystère s'épaissit !
Un brouillard tentaculaire s'introduit dans le tunnel créé par Eïdo ; la silhouette élancée d'Atina se cambre tandis qu'elle attire à elle cette puissance délétère ; le peu que je distingue m'effraie ! Elle semble prise dans un véritable ouragan. Une étrange aura sombre nimbe Eïdo... de quelque chose que je ne peux qualifier que de « sombre iridescence ».
Enfin, Atina se redresse et se penche légèrement en avant : elle projette l'énergie qu'elle a absorbée, sous la forme d'un rayon d'une infinie noirceur, qui plonge droit au cœur de la déchirure, en plein milieu de l'œil.
Fascinée, je regarde le tourbillon s'effondrer sur lui-même, comme s'il dévorait sa propre substance. Le tunnel disparaît ; Atina tombe à genoux sur la surface de la conjuration, manifestement épuisée. Eïdo ne semble pas en meilleur état, mais il continue de maintenir la créature qui les supporte en plein ciel.
Je suis stupéfaite de ce que j'ai vu ; l'art des mages abscura ! Si Atina n'en est techniquement pas une, elle contrôle l'énergie des Limbes, un savoir proscrit à Ether. Cependant, le seul qui puisse venir à bout de menaces aussi puissantes... On m'a toujours dit que ceux qui manipulaient ces forces interdites étaient des monstres. Mais une fois leurs étranges pouvoirs mis en repos, ni Atina, avec sa personnalité chaleureuse, ni même Eïdo, en dépit de ses dispositions grincheuses, ne manifestent de traits monstrueux. Et jamais l'Aïrin n'aurait toléré à son bord des individus dangereux ou criminels !
La déchirure se referme lentement, ne laissant d'autres traces que des semences résiduelles. La conjuration commence déjà à se rapprocher de l'Agathos.
« On termine de nettoyer avant de rentrer », déclare Cipher d'un ton sérieux.
Je n'ai pas eu le temps de digérer ce que je viens de voir, mais ce n'est pas le moment. Un dernier sursaut d'adrénaline me permet de ne pas me montrer totalement inutile tandis que je supprime les ultimes restes de chaos dans un ciel redevenu pur et bleu.
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Et voilà, on en sait bien plus sur les missions de l'Agathos, cool ! ^^ Et sur les pouvoirs spécifiques d'Atina et d'Eïdo ! Mais on ne connaît pas tout ! XD
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