Chap 12


Le réveil est dur. Nous nous sommes endormis dans un bunker, proche d'une forêt de bois pourris depuis des décennies, sur le béton froid.

Afin de maintenir Lili au chaud, nous avons dû la mettre sur nous afin qu'elle ne soit pas en contact avec le sol et que le froid ne remonte pas dans ses os, un poids léger plus lourd que le monde sur nos épaules.

Tout le monde est réveillé, et constater notre état ne fait que plus me faire culpabiliser de vivre une autre vie, extraordinaire, dans un autre monde. C'est terrible ce sentiment d'être illégitime envers eux. De le leur cacher. De ne pas leur offrir, ce rêve incroyable. Pourquoi j'ai été choisi à leur place ? J'aurais tellement donné pour qu'ils la prennent.

Les yeux sombres, cernés de noir. La peau faisaient apparaître nos os. Les lèvres bleues gercées. Les membres tremblants. Voilà notre état depuis plus d'une semaine. Sans foyer, à retrouver à la fin de la journée. Sans destination. Errant seuls. Survivant seuls. Aucune âme qui vive. De plus en plus loin du dôme, sur des terres inhabitées, détruites, inexistantes. Invisibles sur les cartes.

Je me sens terriblement coupable de ne pas savoir quoi leur dire, quoi faire, pour amoindrir leur souffrance. Pour leur redonner le sourire, l'insouciance, l'espoir d'un enfant, disparus, depuis notre départ, sous les couches de vêtement et de gel qui couvre nos corps.

Je me sens responsable d'eux, j'aimerais pouvoir leur offrir un toit, les nourrir à leur faim, leur donner de quoi se couvrir quand il pleut, quand il fait froid.

Je me sens impuissant face à cette situation. Attendant la suite, sans pouvoir rien faire.

- Et maintenant ? demande d'une voix presque inaudible, Kylie.

Je ne sais pas. Je suis désolé. Continuons de marcher jusqu'à ce qu'on trouve ce que l'on cherche.

- Et que cherche-t-on, Alex ? demande Ana.

Dans un silence pesant, nous scrutons le visage des uns et autres. Ne sachant quoi répondre, quoi faire.

Que peut-il nous arriver de pire ?

Les sacs dans les mains, Lili sur le dos et le ventre vide, nous marchons sur le sentier gelé. À plusieurs reprises, nous manquons de tomber à cause du verglas.

La seule touche féerique, c'est cette petite tombée de flocons, qui tourbillonnent autour de nous. Les enfants n'y prêtent même plus attention. Marchant la tête baissée, regardant leurs pieds. Un pas devant l'autre. Cette neige, qui a l'air si belle, est en réalité, cruelle. Elle se transformera bientôt en tempête et nous empêchera d'avancer. Ils le savent, ils ne se font plus d'illusions.

Alors on marche

On marche

On marche

Encore

Encore

Un pas

Puis un autre

Le soleil est à son pic lorsque nous apercevons, au loin des vieux bâtiments. Une ville.

Au départ, j'ai cru que c'était un mirage, un rêve, mais tout le monde voit comme moi : une issue.

Revigorés, les pieds dans la poudreuse, nous avançons plus vite, puisant dans les dernières forces qu'il nous reste.

Morts de fatigue, nous arrivons enfin à l'entrée de la ville, au coucher du soleil.

Un silence mortel règne et seul le son de nos essoufflements et du vent viennent le troubler.

Nous entamons nos recherches. Les maisons sont presque toutes détruites. Peu d'abris sont assez grands pour tous nous accueillir. La ville est immense et vide. Quelques animaux sauvages se promènent sur les routes de goudron craquelés.

Il n'y a pas d'âme qui vive ici.

Nous optons finalement pour un ancien supermarché, aux vitres totalement brisées. Plutôt grand, il possède deux étages et n'a plus de toits.

Nous déambulons en cherchant un magasin parmi les dizaines le long de l'allée, qui pourraient nous convenir.

Anastasia finit par en trouver un, plutôt bien conservé et nous décidons d'y passer la nuit. Ses étalages sont par terre ne contenant que des produits datant du siècle dernier, immangeable. Mais nous nous installons dans le local arrière déjà, bien plus grand que le bunker et dont le sol ainsi que les murs sont vraiment bien isolés, peu gâtés par rapport au supermarché.

On essaie de faire entrer le moins de neige possible à l'intérieur et on referme la porte sur notre nouveau nid.

Nous soufflons quelques instants et le Trio se met rapidement en tête de nous trouver quoi manger. On a beau essayer de les en empêcher, ils ne fléchissent pas.

Finalement, on leur donne notre accord en leur recommandant d'être prudents.

Nous attendons patiemment leur retour en déballant nos affaires.

Brusquement, ils arrivent en courant à la porte, un sac dans les mains et un sourire plaqué sur leurs lèvres craquelées, euphoriques.

- On a trouvé de quoi manger et se couvrir ! crie d'une voix éraillée, Rachel.

Nous nous regardons avec Anna et Fred, n'en croyant pas nos yeux.

Ils nous tendent l'immense sac et tous se jettent dessus, impatient de découvrir leurs trouvailles.

Quatre sacs de couchages et quatre couvertures épaisses décolorés. Une bonbonne de gaz et miracle, trois paquets de gâteaux secs et légèrement moisis, qui n'ont pas l'air très vieux. Plutôt étrange.....

Ana et moi, nous regardons, suspicieux. Comment est-il possible qu'il y ait exactement ce dont nous avons besoin dans un si bon état ?

Tout le monde s'empresse de tout sortir et nous enlevons le gros de nos vêtements à fin de le faire sécher, ainsi que nos chaussures.

Ana allume la bonbonne de gaz à l'extérieur afin de ne pas remplir de gaz le local qui ne possède qu'un trou de la taille d'une main à côté du plafond.

Nous faisons chauffer de la neige en la filtrant avec le dernier filtre à café qu'il nous reste, et de coupons les petits bouts moisis des gâteaux. Tout le monde reçoit son bol d'eau chaude et ses trois gâteaux, tous sauf Anastasia et moi, n'ayant pas suffisamment de gâteaux.

Seulement moi, je mange la nuit, et même si, au matin, rien ne reste, c'est un gros réconfort, alors pour Anna ? Comment fait-elle ?

En voyant de nouveau l'espoir s'inscrire sur les visages de tout le monde, l'idée que cela soit étrange disparaît rapidement laissant place au soulagement de nous voir garantir une chance de s'en sortir encore pendant un temps.

Alors que la nuit se lève, nous nous répartissons dans les sacs, le cœur en joie et le ventre bien plus rempli que ces derniers jours.

Rachel, Zach et Carl dorment dans le même sac, inséparables. Ben et Leslie en partagent un aussi. Anastasia en a un avec Lili, afin de la veiller pendant son sommeil, et moi, je dors avec Fred. Nous rajoutons les couvertures et nous couchons, épuisés par les efforts de la journée.

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