Chap 10

Je me réveille en sursaut, et le bruit qui a dû me tirer du sommeil, recommence.

Le grondement des roues d'un camion, le cliquetis des bâches aux embouts métalliques, de plus en plus proche.

Merde.

Je me lève précipitamment et pars réveiller Fred et Anastasia. Ils se rendent vite compte de la situation et à trois, nous réveillons la maisonnée, en faisant le moins de bruit possible.

Chacun récupère ses affaires, habitué, et la maison paraît bientôt abandonnée.

Nous descendons sans un mot, jusqu'à la cave sous l'escalier, les bras chargés de sacs, bien cachés.

Peu de chance qu'ILS nous trouvent.

Tout le monde sait ce qu'il a à faire. Je tiens Lili dans mes bras dans les couvertures. Rapidement, nous nous installons, le plus confortablement possible, dans cet endroit exigu.

Alors que les énormes roues des camions chargés de soldats et les lumières, se trouvent juste à côté de la porte, nous fermons tout doucement le loquet de la cave.

Entassé dans le noir, personne n'ose respirer. Cette cave à bien heureusement, une bouche d'aération qui nous permet de savoir ce qu'il se passe dehors et de respirer convenablement, mais s'ils ont amenés des détecteurs de chaleur, c'est foutu pour nous...

Les minutes s'écoulent lentement alors que les pas résonnent au-dessus de notre tête. Les fuseaux de lumière des torches nous parviennent par l'aération. Des voix hurlent des ordres. Une plus distincte que les autres, nous permet de savoir ce qu'ils font ici :

- Des sans-abris des Usines ont prétendu avoir entendu des cris provenant de cette maison. Nous avons vérifié le passif de cette ruine, et personne ne vit ici depuis plus de 70 ans. On pense que des sans-abris y ont élu domicile, sans le déclarer à l'Armée, ils fraudent, explique la voix à ses conjoints.

Ils entrent et fouillent tous les recoins de la maison, leurs pas résonnent au-dessus de notre tête. Les minutes s'écoulent lentement. Chaque secondes est plus longue que la précédente. La pression nous étouffe.

- Il n'y a personne. Ils ont dû partir depuis le temps, ils n'ont pas dû aller très loin. On va les coincer, dit une autre voix.

Ils courent alors vers le véhicule et s'en vont.

Lorsque le bruit ne nous parvient plus, je soupire, et fronce les sourcils en me pinçant le haut du nez :

- Nous avons encore une fois eu beaucoup de chance ! Heureusement que ce n'étaient pas les mêmes que la dernière fois. Ils nous auraient trouvés, à coup sûr.

Je débarre la porte et l'ouvre, laissant un peu de lumière et d'air se réfugier dans la cave.

- Nous allons devoir déménager ? demande d'une voix blanche Fred.

Je le regarde, désolé, et il comprend sans même que je dise :

- À vrai dire, nous n'avons pas vraiment le choix. Nous partirons demain, à l'aube. Le temps qu'ils lisent les autres rapports d'intervention dans cette maison et qu'ils se rendent compte du subterfuge, nous serons loin. Préparez vos bagages et allez vous coucher. Nous avons une longue route demain.

Les enfants prennent leurs couvertures, la tête basse, et Anastasia vient me voir :

- Tu es sûr de ce que tu fais ? N'oublie pas que nous sommes à quelques jours de l'hiver, et puis, nous avons Lili...

- Nous n'avons pas le temps Ana, réveille toi ! Ils ne sont pas stupides, ils vont vite comprendre que quelque chose cloche et ils ne vont pas attendre le printemps pour venir les emmener dans les Usines de force ! lui dis-je en montrant d'un signe, les enfants.

Elle baisse la tête sachant que j'ai vu juste. Je me radoucis, et d'une voix plus calme continue :

- Il leur faut encore un peu de temps. Ils sont trop jeunes encore, regarde où ça nous a amené...

- Très bien, à demain.

Elle repart dans sa couche et je soupire longuement.

- Tout va trop vite. Beaucoup trop vite, je murmure pensif.

Ce fut ma dernière nuit dans la maisonnée.

Les premiers rayons du soleil se bataillent sur mon visage. Je me lève, angoissé, et réveille tout le monde. C'est avec le cœur lourd, que tout le monde se prépare. Dans les mains de chacun, des sacs, contenant les restes de notre vie.

J'ai passé une couverture sur une épaule et fait un nœud avec les deux bouts afin de pouvoir porter Lili sur le dos. Je ne devrai pas être capable de la porter, mais elle est si maigre et légère.... Elle paraît si fragile. Au moindre de ses souffles, j'ai peur que son corps ne se brise.

Un silence pesant règne.

Avant de fermer la porte, nous nous arrêtons tous, un instant, pour regarder les derniers vestiges de nos souvenirs. Les plus affectés étant ceux dont c'est leur premier foyer, comme Fred, qui, le regard abattu, résiste difficilement à ses larmes.

Nos pleurs et nos rires résonnent encore dans les murs. Le sol a enregistré nos pas, nos courses, nos maladresses. Les portes, nos disputes, nos amours. L'unique fenêtre, nos rêves juvéniles, nos espoirs.

Refermer cette porte, c'est une véritable épreuve. Tourner la page d'un chapitre, se tourner vers le monde extérieur. Mais c'est plus que nécessaire.

Anastasia tente d'enlacer Fred pour le réconforter, mais celui-ci se détache d'elle furieusement et avance d'un pas décidé sur la route.

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