Ethan (1)

La cloche du midi n’avait pas encore sonné que j’entrais dans le bâtiment. Je poussais la grande porte centrale et fis un pas dans ce lieu qui m’était trop familier. La femme assise sur la droite releva la tête de son ordinateur et me salua :

« Bonjour Charles !

- Bonjour Mme. Dupuis, répondis-je en souriant.

- N’oublie pas qu’on ferme à 17 heures aujourd’hui, me prévint-elle.

- D’accord, merci. »

Je lui souris une dernière fois avant de pénétrer au cœur de la beauté. J’adorais cette bibliothèque. Elle se trouvait être la plus grande de la ville. Celle qui contenait tous les livres que l’on pouvait acheter en magasin ou sur Internet. Le personnel était aussi gentil avec ses clients fidèles, qu’avec les gens qui restaient là tout la journée, incapable de pouvoir réserver quoique ce soit. J’étais déjà allé dans les autres de ma commune, mais aucune ne me laissait m’asseoir pour dévorer des histoires en paix. Ils me demandaient de payer. Quels hypocrites !

Je fis alors quelques pas dans la caverne d’Ali Baba littéraire et aperçus mon rayon préféré : Romance. Plusieurs personnes s’étaient moquées de moi pour mes goûts vers le romantique et l’amour, mais c’étaient les livres qui me faisaient le plus voyager. A chaque lecture, mon cœur ne pouvait s’empêcher d’être rêveur. Avec cette catégorie de roman, je ne saurais définir un auteur. Beaucoup sont très talentueux. Je manquais souvent d’objectivité concernant leurs œuvres.

Ce jour-là, je décidais de finir mon roman que j’avais laissé exactement dans la même rangée, au même endroit, « Vint un chevalier »de Jude Deveraux, sorti en 1989. J’aimais beaucoup cette histoire. On nous raconte l’histoire d’une belle Américaine qui après s’être fait abandonné par son fiancé, rencontre un chevalier malheureusement condamné à mort. Je trouvais cette histoire d’amour touchante et elle m’emportait à l’époque des princes et princesses. Je saisis donc l’ouvrage et me dirigeais vers mon petit coin. J’avais pour habitude de m’installer près d’une étagère, par terre près d’une fenêtre. Peu de gens pouvaient me voir, et j’étais dans d’agréables conditions pour lire.

Pendant toute une heure, je ne quittais pas les yeux de ces lignes de mots. Je restais englouti au Moyen-Age, auprès de cette Américaine. Rien ne pouvait me déconcentrer. Parfois, je sentais, sans même lever la tête, que des personnes m’observaient, mais elles n’allaient jamais plus loin. J’arrivais à nager dans cet océan de fiction, notamment grâce au silence qui s’imposait dans la grande pièce. La bibliothèque est un lieu de silence, et rare étaient les fois où le bruit venait. Il n’était pas la bienvenue. 

Ce qui me fit finalement partir de mon monde inventif, c’était la présence constante d’une autre personne. Je pouvais sentir qu’il ne s’agissait pas d’un membre du personnel. Cette présence, je la connaissais sans vraiment savoir qui elle était. Elle me suivait chaque jour dans le bâtiment, comme si j’étais un monstre de foire. Cet autre humain ne me dérangeait pas autant que ça, mais il m’intriguait. J’avais l’impression que dans une pièce plongée dans le noir, il serait la lumière, me guidant vers la sortie.
Je décidais donc de fermer brusquement le livre, faisant sursauter la personne en face de moi, toujours inconnue. Je levais ainsi les yeux vers elle et croisais pour la première fois son regard à la fois intimidé, et surpris de me voir aussi vite quitter l’histoire. J’avais devant moi un jeune homme, qui devait être à peine plus âgé que moi, les yeux marron foncés, les cheveux châtains brossés au naturel. Il s’excusa aussitôt de m’avoir dérangé et s’accroupit près de moi tellement vite que le plancher qui se répandait dans tout l’immeuble grinça. Il m’offrit un sourire timide et me demanda alors ce que je lisais.

« Jude Deveraux, Vint un chevalier, répondis-je en observant ses traits de visage. Il ne me semblait pas être du genre bagarreur, ni même rebelle, mais plutôt quelqu’un de respectueux et gentil envers tous.

- Je connais cette auteure, elle a écrit « La Brute apprivoisée », sortie en 1998. Je te le conseille si tu es fan de romance, mais aussi de tromperie, dit-il en faisant un clin d’œil discret.

Je ne pus m’empêcher d’émettre un petit rire nerveux. Cela devait faire des mois que je n’avais pas rigolé. Et je dois avouer que ça m’a fait du bien. Le garçon me posa par la suite une question à laquelle je ne répondis pas. Il me demanda pourquoi j’étais là. Je restais muet par incompréhension et celui-ci reformula, en expliquant que cela faisait plusieurs semaines qu’il me voyait assis dans mon coin derrière la grand étagère à roman d’amour. Il en avait conclu que c’était mon genre préféré, mais il ne savait pas pour quelles raisons je lisais ici et non chez moi. Je me contentais de garder cet air abasourdi sur mon visage : cet inconnu me connaissait mieux que personne. Ironique, n’est-ce pas ?

- Que suis-je bête, ajouta-t-il, je ne me suis même pas présenté. Je m’appelle Ethan.

- Et moi Charles, répondis-je en faisant apparaître mes pommettes jusque-là inexistantes.

***

Je vous laisse lire la suite au chapitre suivant ^^
N'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé !

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