Attention : cette histoire contient des scènes gores.

Vous ne les voyez pas ? C'est normal. Ils font partie de moi, ils sont moi, pourquoi les verriez-vous ?
Néanmoins je pose toujours la question, dans l'espoir que quelqu'un me dise un jour "Oui". Dans l'espoir qu'ils soient réels, et que je ne sois pas en train de délirer.

Ils ne parlent pas, n'entendent pas, ne ressentent rien. Ils se contentent d'apparaître, d'agir et de disparaître. Parfois ils m'adressent un bref regard avant de repartir.

Depuis que j'ai ouvert les yeux, je les vois. Ils étaient là lorsque je suis née, ils l'étaient aussi lorsque j'ai appris à parler, à marcher. Ils étaient présents lorsque je pleurais la perte de mes proches, lorsque je me faisais harceler au collège et au lycée. Ils n'ont jamais rien empêché, ils n'ont jamais arrêté la Mort de frapper ou les coups de pleuvoir.
Je leur en ai voulu, je les ai maudits, injuriés, quitte à ce que tout le monde me prenne pour une folle.

Mais ils sont capables de bien plus. J'ai rapidement mesuré l'étendue de leur pouvoir : autour de moi, les harceleurs avaient les yeux rougis par le manque de sommeil et restaient loin de moi, encore hantés par des cauchemars indescriptibles, mettant en scène des créatures n'ayant rien en commun avec la réalité et la logique de la nature. Les coups que je recevais étaient renvoyés au centuple aux responsables, lorsque leur vigilance était au plus bas. Les larmes que je versais creusaient de nouvelles voies, vers un avenir toujours plus incertain mais en phase avec moi-même.

Et plus ils agissaient, plus ils devenaient puissants, et donc plus j'avais de pouvoir.
À mon tour, je commençais à infliger différentes blessures, qu'elles soient physiques ou physiologiques.
Je brisais les rêves, instillais des peurs paralysantes, attirais les âmes les plus téméraires vers leur chute, en faisant miroiter des illusions pleines de promesses.

Avec le temps, je choisissais des victimes de plus en plus aléatoirement, et non plus pour satisfaire une vengeance personnelle.
Je sais que ce n'est pas juste, mais qui sait exactement appliquer la notion de justice ?
Je n'ai pas besoin d'avoir de bonnes raisons, pas même d'avoir de raisons, tout simplement.
Je le fais parce que je le peux.
Pas par plaisir, même si le spectacle de ces tortures m'apportr une certaine joie, mais avant tout parce que cette capacité m'a été donnée.

Et puis, je sais pertinemment que je mourrai bientôt. Je sais même comment.
Ce sont mes démons qui vont m'achever.

Ils m'entoureront de leurs ailes membraneuses et déchirées, pour ne me laisser aucune échappatoire. Mais je n'essaierai pas de fuir.

Ils se rapprocheront, m'oppressant par leur nombre et m'asphyxiant par la puanteur que dégage leurs gueules. Ils seront si près que je distinguerai les restes de cadavres, de bonheur et d'innocence coincés entre leurs crocs.
Chacune de ces créatures possède des centaines de têtes, qui enfonceront leurs nombreuses mâchoires dans la chair tendre de mes épaules, pour m'immobiliser.
Je les laisserai faire.

Avec leurs griffes tranchntes recouvertes de terre et de sang, elles m'infligeront des milliers de coupures,suffisamment profondes pour que le sang coule mais pas assez pour me tuer rapidement.
Elles me maintiendront au-dessus du sol, la tête baissée pour que je regarde le sang descendre jusqu'à mes pieds, puis tomber, pour former une flaque de plus en plus large, dans laquelle je pourrai contempler mon visage de plus en plus pâle.
Je ne les empêcherai pas de profiter de ce spectacle.

Le coup final sera porté par le plus chétif, le plus difforme de ces êtres. De sa griffe, il découpera ma peau de mon bas-ventre à mon cou, et écartera les pans pour laisser mes organes à découvert. Il laissera tomber mes entrailles à terre, cassera mes côtes pour s'emparer de mon cœur et le mangera face à moi.

Le temps que je passe de l'Autre Côté, les autres démons, se jetteront sur mon corps pour se repaître de ma chair. Il ne restera plus rien de moi, pas même des ossements ou des souvenirs.
Les vies futures me seront inaccessibles pour  l'éternité.

Je n'ai aucune raison de les empêcher de m'exécuter ainsi : ils ne font que réclamer leur dû, après m'avoir défendu et obéi durant toute ma vie.
Ils n'ont accepté de suivre mes directives qu'à partir du moment où je cherchais la souffrance. Ces créatures ne cherchent que ce qui leur rappelle leur contrée d'origine, lieu de douleur et de désespoir.

Elles ne viennent pas de l'Enfer. Elles existaient bien avant que le Diable ait été créé, et même avant que L'Univers ait décidé de le créer.

Les daemons sont les serviteurs du Chaos, et celui-ci les enverra bientôt en guerre contre l'humanité toute entière.