Chapitre 5 ~ Lilou
"Mon ouïe s'effrite et des bourdonnements dans mes oreilles surviennent. Enregistrant des cris étouffés, je perçois du sang, des flammes. J'entends mon prénom... C'est Yanis, mais je ne le vois pas. Tout est flou. Un homme s'installe près de moi, me parle, mais je ne comprends rien. Soudain, une explosion. Il se jette sur moi, me protégeant. Visualisant une masse, néanmoins pas son visage. L'épaisse fumée trouble ma vision, mais j'aperçois l'homme enlevé son tee-shirt. Épongeant ma blessure, il me tient la main. Elle est chaude et apaisante. Il me dit que tout ira bien, qu'il est là. Dès que les pompiers arrivent, il me lâche et disparaît. Je le cherche du regard, mais ne le trouve pas. Où est-il ? J'entends les secours affirmer que cet inconnu m'a sauvé la vie. J'ai envie de dormir, mes paupières sont lourdes. Quand j'ouvre ces dernières, je vois Ethan, un livre à la main me souriant au loin. Son regard s'assombrit et il me crie « Adieu Lilou », jetant dans les flammes mon pendentif qu'il tenait à la main et s'éloigne pour disparaître complètement. »
Je me réveille en hurlant. Ne sachant pas qu'ils étaient restés dormir ici, Missy et Yanis débarquent illico.
— Que se passe-t-il ? me demande Yanis très inquiet.
— Juste le même cauchemar, à part la fin... Ne t'inquiète pas !
Je vois discrètement Missy ranger le balai qu'elle avait dans les mains en cas d'attaque. Mon amie a réussi, malgré elle, à me faire décrocher un sourire. L'inspectant de plus près, je remarque qu'elle a les cheveux à la Jackson Five, le tee-shirt de travers et sur les épaules le gilet de Yanis. Je leur explique brièvement mon cauchemar. Quand je suis angoissée, je fais toujours le même, celui de l'accident et comme à chaque fois, je mélange tous mes ressentis dans mes rêves.
Après une bonne douche, on décide d'aller manger un morceau dans notre restaurant préféré Le Olly's. Un endroit cosy et simple. Les patrons sont un couple, Andy et Maria. Ce restaurant est leur vie, d'où le nom de ce dernier, qui n'est autre que le prénom de leur fille unique. Très sympathiques et accueillant, leurs plats sont délicieux. On s'y sent bien et on s'y rend au moins une fois par semaine depuis au moins deux ans, ayant pour le coup notre table attitrée. Nous dialoguons autour de nos pâtes carbonara, mais je n'ai pas d'appétit. Je devrai écouter mes amis et l'oublier...
***
Ayant terminé l'essai à temps, même en avance, Stan est aux anges et cette fois-ci pas grognon. Cela ne dure pas quand je lui annonce que je décide de prendre une semaine de congé. Yanis ayant entendu mon appel téléphonique, me propose de l'accompagner à Londres pour me changer les idées. Ce que j'accepte volontiers. Prête pour l'aventure londonienne. Toute excitée par ce voyage, je décide de commencer à préparer quelques affaires. Demain, j'aurai peu de temps, car je réserve ma soirée pour Marion. Il ne me restera que dimanche matin avant le départ dans l'après-midi.
Avant de tout fourrer dans mon sac et pour éviter tout oubli, je dresse un début de liste :
- Brosse à dents (indispensable)
- Trousse de toilette (obligatoire)
- Trousse de maquillage (inévitable, sinon les Londoniens vont fuir)
- Robe de soirée (je compte bien sortir, je suis en vacances après tout)
- Pyjama pilou (on va éviter...)
- Mon dernier livre acheté
Touchant sa couverture, des souvenirs me reviennent. Il doit être rentré à Miami à l'heure qu'il est et m'a déjà certainement effacé de sa mémoire.
***
Le lendemain midi, Marion passe me prendre pour aller faire les courses. La fête se déroulera chez moi, comme souvent. Marion vit en colocation avec son frère, ce qui est difficile et Missy a un dressing tellement gigantesque, qu'il prend la moitié de son appartement, donc peu de place pour circuler à son aise. Pendant le trajet pour se rendre au supermarché, je lui explique tout en détail. Ma rencontre avec Ethan et les derniers jours passés. Cela fait mal d'en parler, mais c'est nécessaire pour extérioriser.
Marion, du même âge que moi, est tellement calme comparé à Missy. On se fréquente depuis la Fac, une dizaine d'années environ. On s'est toujours bien entendu, c'est devenu ma confidente. Depuis quelques mois, elle est en couple et heureuse, mais on ne l'a voit plus beaucoup, car son homme est musicien et elle le suit pour ses concerts et tournées. La chance qu'elle a de pouvoir être auprès de lui, pouvoir voyager, apprécier d'autres paysages, embrasser d'autres cultures. C'est aussi une personne super organisée, les courses se font rapidement. À la caisse, on évoque l'absence de Missy, qui nous a arrangés. Pas que sa présence nous gêne, mais on aurait mis trois fois plus de temps, car elle aurait dragué tous les hommes qu'elle aurait trouvé charmants, passé des heures à s'acheter du maquillage et si par malheur on était passé par le coin kiosque, elle aurait épluché tous les magazines people pour dénicher le moindre potin. Nous rions à cœur joie toutes les deux imaginant la scène. Étant en avance, nous déposons les courses à l'appartement et décidons d'aller faire du shopping. J'ai vu une petite robe sympathique dans un magasin pas très loin de chez moi en passant tout à l'heure, elle sera parfaite pour ce soir. Sortant de la cabine, la robe enfilée, Marion me précise qu'elle me va à merveille. C'est décidé, je l'achète ! Retournant me changer, ravie, j'entends soudainement : Ethan, Ethan ! Viens ici, ne cours pas comme ça ! Mon cœur fait un bond, mais je comprends rapidement que c'est une maman qui appelle son petit garçon, mais rien que le fait d'entendre ce prénom, c'est comme un poids qui tombait sur mes épaules.
— Ma puce, tu comptes faire la fête ici ? Ce n'est pas que ce ne soit pas original, mais j'en connais une avec qui ce serait le bordel ! me dit Marion passant sa tête par le rideau de la cabine.
Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais resté scotcher un long moment face au miroir pensant à Ethan. Il faut que j'arrête de penser à lui. Je souris à Marion et tente de me reprendre.
— M'en parle pas, j'imagine que trop bien ! Allez, allons préparer notre repas ! rétorquai-je en essayant de dissimuler ma peine.
Nous sortons du magasin en tentant de ne pas oublier de passer chez le caviste prendre le vin. Soudain, une voix m'interpelle...
— Lilou ! Quelle coïncidence !
— Noa... ?
Il ne manquait plus que lui !
— Mais, bien sûr, une coïncidence ! dit froidement Marion.
Noa l'ignore comme toujours. Il reste me fixer, rictus aux lèvres.
— Salut Noa...
— Je t'ai envoyé un message l'autre jour. Je n'ai pas eu de réponse, je me suis inquiété. Tu vas bien ?
— Oui, c'est juste que... Que j'étais pas mal débordée avec le travail. Tu connais Stan !
— Oh oui ! Tu fais quoi ce soir ?
Je repère du coin de l'œil Marion soufflée et trépignée d'impatience. Elle répond à ma place.
— Elle n'est pas là, on a quelque chose de prévu ! Tu n'es pas invité ! D'ailleurs, on est en retard ! Salut NO-A !
Je savais qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, mais elle me surprend avec sa réponse si directe. Elle, d'ordinaire si calme et contrôlée...
Noa lui lance un regard furieux.
— Ce n'est pas à toi que je parle !
— Stop tous les deux ! m'écriai-je. Je ne suis pas disponible en effet.
— Dommage... J'ai dû laisser ma montre chez toi l'autre fois à la fête et je pensais venir la récupérer. J'aurai rapporté une bouteille par la même occasion.
— Pff ! siffla entre ses dents Marion qui n'arrive plus à se contrôler.
Voyant son agacement et son agressivité, je décide de clore la discussion.
— Une prochaine fois Noa, on se rappelle ! Bonne soirée !
Tirant Marion par le bras, j'ai cru pendant un instant que des crocs sortaient de sa bouche. Elle ne l'aime vraiment pas !
— Comment ça une prochaine fois ? Mais ce mec ne te mérite pas ! Qu'il se démerde avec sa montre ! J'aurai eu plus de muscles, je lui pétais la gueule sur place ! Non, mais, monsieur débarque la bouche en cœur, comme si rien n'était, tu parles !
— Oublions ça s'il te plaît, allons chercher le vin et puis la préparation des lasagnes nous attend ! expliquai-je, tentant désespérément de passer à autre chose.
— Il ne perd rien pour attendre !
Le choix des vins faits, nous rentrons à l'appartement. Marion s'occupe de la décoration de la table et moi de la préparation des lasagnes. Nous recevons un message de Missy qui s'ennuie au travail et qui a hâte de nous rejoindre. Je reçois également un message de Noa.
*J'étais content de te voir tout à l'heure. J'espère que l'on se verra très vite... Bonne soirée*
Mes vieux travers reviennent. Cet homme a un pouvoir sur moi que je n'aime absolument pas. Depuis que je l'ai rencontrée, il y a quelques mois, je ne cesse de penser à lui. Nous ne sommes restés ensemble que peu de temps, mais cela a suffi pour que je plonge dans une sorte d'assuétude destructive. Un coup, il vient. Un coup, il part. Je sais pertinemment qu'il n'est pas fait pour moi et qu'il me fait du mal, mais je n'ai pas encore réussi à m'échapper de son emprise, certainement due au fait que je me sente désespérément seule.
*Cela m'a fait plaisir de te revoir aussi. Je pars une semaine à Londres avec Yanis, on se voit à mon retour ? Bonne soirée à toi aussi*
Surpris et déçu que je parte, il me souhaite quand même un bon voyage.
Deux petites heures après, tout est prêt. Missy et Yanis ne sont pas encore arrivés, Marion en profite pour me raconter les moments passés avec son homme et de combien cela l'énerve de voir ses groupies s'agglutiner après les concerts.
La sonnette d'entrée retentit et la porte s'ouvre.
— Mes copines ! s'écrit Missy en nous sautant dans les bras comme si elle ne nous avait pas vus depuis des mois.
— Elle a été intenable dans la voiture ! Servez-lui vite un verre ! se marre Yanis.
— Mais, avant ça... dit Missy. Regardez-moi ce magnifique relooking !
Fière d'elle, elle nous montre son chef d'œuvre et j'admets qu'elle a fait un fabuleux travail. Yanis, vêtu d'un smoking italien noir, d'une chemise blanche serti d'une cravate fine et même d'une nouvelle coupe de cheveux. Impressionnant, il est canon. Le pauvre se met à rougir, à force que trois femmes le regardent en détail. Dans un regard complice, Missy et lui s'avancent dans le salon. J'ai dû manquer un épisode...
La soirée bat son plein. On en pleure même de rire. Les bouteilles défilent et les lasagnes sont englouties. Missy nous raconte les frasques de sa collègue de bureau et remet sur le tapis sa folle attitude avec son collègue homosexuel. Yanis, quant à lui nous raconte des blagues plus drôles les unes que les autres. Pour ma part, je me prends les pieds dans le tapis et m'étale de tout mon long, provoquant un fou rire général. Marion, toujours aussi calme, essaye de contrôler le tout. J'aime mes amis, avec eux j'ai toujours le sourire.
Étant fatigués, on décide d'aller dormir. Demain, je pars pour Londres et ma valise n'est pas terminée.
***
Je passe la nuit rêvant d'Ethan. Un doux rêve stoppé net lorsque dans celui-ci apparaît Noa. Pour m'éclaircir les idées, je décide de prendre une douche, mais aucun effet, ce rêve m'a complètement déstabilisée.
J'essaie tant bien que mal de faire mon sac en essayant de ne rien oublier.
— Alors, prête ? s'exclame Yanis.
— Presque ! Par contre, impossible de retrouver le chargeur de mon téléphone. Tu peux m'aider à le chercher s'il te plaît ?
— À vos ordres, capitaine ! sourit-il.
Ayant Missy au téléphone, je lui rappelle qu'elle n'oublie pas de passer à mon appartement pour nourrir Albert, mon poisson rouge. Son prénom a été déniché lors d'une soirée quelque peu arrosée avec Missy. Ce soir-là, on s'était loué un film, dont un des personnages, s'appelant Albert, ressemblait étrangement à un poisson avec ses gros yeux globuleux, d'où le pseudonyme. Un compagnon bien résistant, car il a quelques péripéties à son actif. Une fois, voulant changer son eau, le bocal m'avait échappé des mains et le pauvre avait glissé sous mon réfrigérateur, mission commando pour le récupérer. Un autre jour, gardant le chat de Marion, il se fut de peu qu'il l'avale. Sans compter la fois où Missy avait décidé de lui servir du vin blanc : Allez Albert, trinque avec nous pour une fois ! Heureusement qu'un poisson ne parle pas, car il pourrait en raconter des anecdotes ! Je lui remémore également de prendre mon courrier, car j'attends des papiers importants pour une nouvelle traduction qui devrait arriver dans la semaine. J'ai pourtant demandé à Stan de les prendre le temps que je revienne de Londres, mais grincheux a refait surface.
« Et, puis, quoi encore ? Madame veut une prime avec ceci ? Je te signale qu'il y en a qui bossent, contrairement à certaines personnes qui partent en VACANCES ! Je n'aurais pas le temps ! Tu sais bien que j'ai des réunions importantes cette semaine-là ! Va faire ta folle à Londres avant que je change d'avis, mais je veux te voir lundi prochain à 9h00 avec les papiers ! Signé, ton patron qui espère que son employée folledingue ne se cassera pas une jambe là-bas ! »
« Prime, ce mot m'intéresse... On en reparlera ! Excusez-moi, MO-sieur le président des grincheux de vous déranger ! Je te promets de t'envoyer des photos des différents cocktails que je boirais ! Signé, ta folledingue qui promet de ne pas danser un rock acrobatique avec des talons de 12 cm ! »
Chose surprenante, Missy veut parler à Yanis, je m'éclipse donc continuer mon sac, tout en gardant une oreille traînée...
— Oui... Ce n'est pas grave... Non, ne t'inquiète pas... Garde-le en attendant... Oui, dans une semaine... Ok... Ah... Toi aussi, bye.
À vrai dire, je n'ai pas tout compris à la conversation ! Subitement, Yanis me rejoint brandissant quelque chose, le bras en l'air.
— Ce n'est pas ça que tu cherches ?
— Mon chargeur ! Où était-il ?
— Bizarrement, dans le frigo...
— Sérieux ? Alors, là...
— Tu n'en manques pas une toi ! explose-t-il de rire.
***
Je ne tiens plus en place sur le trajet qui nous mène à l'aéroport, chahutant et chantant dans la voiture. Yanis était à deux doigts de me jeter par la fenêtre. Prenant place dans l'avion, j'ai fait en sorte d'avoir un siège près de lui, n'étant pas rassuré dans ses oiseaux de métal.
Je me détends et commence à rêvasser en regardant les nuages...
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