Chapitre 3 ~ Lilou

En entendant le réveil sonner à dix heures, j'ouvre les yeux la bouche pâteuse. Je me tourne et des brides de mon rêve me reviennent. Oh, my god ! J'ai dû boire plus que je ne l'imaginais...

Ethan vêtu d'un drap blanc façon Rome antique, monté sur un cheval blanc tient un cupcake dans une main et de l'autre un verre de blanc. La personne qui le sert n'est autre que mon facteur vêtu d'un pyjama pilou et monté sur des livres pour être à la hauteur d'Ethan. Missy débarque en bus et me crie qu'Ethan est gay. Une fumée de cigarette me couvre le visage et Noa me chuchote à l'oreille vient avec moi...

Merde ! J'arrête de boire ! Je secoue vivement la tête et décide de me lever. Une petite lumière clignotante m'indique que j'ai reçu un nouveau message.

*J'espère que tu n'as pas oublié notre RDV de ce midi ?*

Re merde ! J'avais complètement zappé Yanis !

*12h30 comme prévu. Hâte de te revoir !*

Yanis est un ami d'enfance. Un homme de trente-trois ans formidable, gentil et éperdument amoureux de Missy. Je l'ai su dès le début, ça a été le coup de foudre pour lui. Depuis six mois maintenant, il est parti travailler à Londres, du coup on ne le voit pas souvent ces derniers temps. Un mal pour un bien. C'est mieux pour lui, cela lui permet de changer d'air et de l'oublier. Je devrais peut-être l'oublier aussi. Pas de nouvelles depuis que je lui ai dit que Missy arrivait. Pour me changer les idées, je recherche une chaîne musicale sur ma télévision, augmente le volume et me prépare tout en dansant sur le dernier tube à la mode. Après deux mois d'absence, je vais enfin revoir mon meilleur ami. Quelques pas de danse plus tard et ma brosse à dents dans la bouche, me servant pour l'occasion de micro, mon téléphone émet un son indiquant un message. Ethan... Mon cœur bat... Étrangement...

*Bonjour Lilou, pas trop mal à la tête ce matin ? Je pense que vous avez mangé tous les cupcakes. Mais, merci pour ta proposition de cette nuit*

Quelle proposition ? Je manque de m'étouffer avec le dentifrice plein la bouche. À une vitesse grand V, je fais défiler les messages envoyés... Mais, non ! Les portables devraient s'enfuir en courant dès que le taux d'alcoolémie augmente ! Aucun souvenir de cet envoi...

*Excuse-moi pour ce message... C'était du n'importe quoi...*

*J'ai trouvé cela plutôt marrant. J'ai pensé à toi aussi... Veux-tu dîner avec moi ce soir ?*

Une multitude de papillons multicolores se forment dans mon ventre. Vivement ce soir...

***

Arrivée au point de rendez-vous, je ne repère pas Yanis. Pourtant, je suis à l'heure et lui jamais en retard. Je commence à m'inquiéter et sors mon portable pour le joindre. Subitement, des mains se placent devant mes yeux. C'est qui ? Bien évidemment, je sais que c'est lui. Heureuse, je lui saute dans les bras. Sachant que j'adore ça, il me tend un énorme bouquet de fleurs. Je discerne dans ces yeux une certaine fierté de son geste. Je suis enchantée de revoir mon meilleur ami. On s'installe sur une table à l'extérieur et commandons notre repas, sans apéro pour moi, j'ai assez donné hier soir. Yanis commence à me parler de son travail qui lui plaît énormément et ses nouveaux amis qu'il aimerait me présenter. Je le sens épanoui et cela fait plaisir à voir. Ce sera de courte durée quand j'évoque ma soirée d'hier avec Missy. Un voile de tristesse se dessine dans ses yeux. Il ne l'a pas oublié... Je me décerne la médaille de l'amie la plus nulle au monde !

- Tu sais Yanis, je l'ai toujours su que tu l'aimais. Pour une raison étrange, je n'en ai jamais parlé avec toi. Arrête de te faire du mal...

- C'est plus fort que moi Lilou, je l'ai dans la peau et pourtant, j'ai essayé des millions de fois de passer à autre chose, mais sans succès. Je l'aime... déclare-t-il les larmes aux yeux.

Je lui prends la main, les larmes coulant à mon tour.

- Je n'aime pas te voir dans cet état. Tu mérites tellement d'être heureux. Tu peux compter sur moi, tu le sais ?

- Bien sûr que oui. Allez, changeons de sujet ! Avant que je n'oublie... Tadam !

Il me sort une petite boîte. Un écrin entouré d'un ruban. Étonnée, je l'ouvre et j'éclate en sanglots en découvrant mon pendentif. Celui appartenant à ma grand-mère. Elle me l'a légué juste avant de décéder. C'est un trèfle à quatre-feuilles entouré d'un cœur en argent et d'une clé. Un porte-bonheur. Je ne l'ai presque jamais quitté depuis mes dix-huit ans.

Dans l'année de mes dix-neuf ans, j'ai eu un grave accident de voiture alors que j'étais parti en Road Trip avec Yanis. Il s'en est toujours voulu, car c'était lui qui était au volant. Pourtant, rien n'était de sa faute, on nous avait coupé la route. Malgré tout, on s'en est tiré presque indemne grâce à l'aide de personnes autour de nous. Cet événement est flou. Je vois des flammes, des gens affolés, criés dans tous les sens, un jeune homme accroupi au-dessus de moi enlevant son tee-shirt pour éponger ma plaie et s'en servir pour me le placer sous ma tête. Je vois une forme confuse, un homme me caresser le front et me dire que les secours vont arriver. Je vois Yanis allongé plus loin, criant mon nom, mais je m'étais évanouie. C'est ce jour-là que j'ai perdu une partie de mon pendentif. La clé.

Yanis me l'avait pris la dernière fois qu'il était venu en France pour le rapporter à Londres, car il connaît un type là-bas qui répare les bijoux de valeur, un homme de confiance et professionnel. En perdant la clé, un trou s'était formé sur le côté et j'ai toujours eu peur de le perdre ou qu'il se casse encore plus. Je m'étais renseigné pour le faire réparer, mais on me demandait à chaque fois une somme hors de prix. Yanis me prétend qu'il n'a pratiquement rien payé, mais j'ai des doutes. On en reparlera plus tard, pour le moment je me lève de ma chaise et l'embrasse tendrement sur le front, un sourire jusqu'aux oreilles.

Le repas se déroule avec quelques fous rires. Il me raconte ses soirées londoniennes et moi des miennes en évitant à tout prix de parler de Missy. Je lui révèle également ma rencontre avec Ethan. Cette incroyable collision qui m'a tant bouleversé, évoquant mon dîner avec lui le soir même. Bienveillant, il me met quand même en garde faisant ressurgir son côté protecteur. Yanis est bien plus qu'un ami, c'est un frère, mon confident. Pour avoir un avis masculin, je lui demande ce que je pourrai bien porter comme tenue ce soir, tout en sachant que ça reste un homme. Il me propose une combinaison de ski. J'esclaffe de rire. Le mieux serait que je demande l'avis à Marion, la plus sage d'entre nous, car Missy, la connaissant me dira : ma belle sort le grand jeu, robe sexy et talons hauts. Hors de question pour un premier rendez-vous.

Le repas terminé, nous repartons chacun de notre côté se promettant de se revoir dans le week-end. Arrivée chez moi, je consulte ma boîte mail et aperçois la présence d'un de mon patron.

« Je sais qu'à 35 ans, on commence à se faire vieille, mais pourrais-tu accélérer le pas sur la traduction de l'essai ? Il me le faut pour lundi sans faute ! Signé, ton patron pas très content, qui ne va pas tarder à venir te botter le derrière si je n'ai pas de nouvelles ! »

Je vous présente Stan alias monsieur grincheux. Toujours à ronchonner, mais adorable quand on le connaît bien. Son humour décalé est à prendre au second degré. Je me souviendrai toujours de la première fois que je l'ai rencontré. J'étais tellement angoissée ce jour-là, car je voulais absolument ce travail. J'avais déjà entendu parler de sa réputation, un excellent professionnel, mais avec un sale caractère, difficile d'être embauché dans sa boîte. Arrivée dans son bureau, il était d'une humeur de chien. Ça commençait bien ! Je lui avais exposé mes motivations pour le poste, le voyant toujours à bougonner devant moi et ne m'écoutant même pas. Je commençais, moi aussi, à bouillir de ce manque d'intérêt et de respect, mais je me contrôlais. Jusqu'au moment où, décrochant son téléphone, il m'avait laissé seule en plein monologue. Quand il avait raccroché, il m'avait dit d'un air détaché : Vous avez fini ? D'un bond, je m'étais levé de ma chaise : Oui, monsieur grincheux, j'ai fini et vous ? Vous trouverez peut-être quelqu'un quand vous serez moins con ! Furieuse, j'étais sortie du bureau en claquant la porte sous les yeux ébahis de la secrétaire. Arrivée dehors, j'avais allumé une cigarette et commençais à me détendre, assise sur une marche en attendant de reprendre mes esprits. Une voix derrière moi m'avait interpellée : Le con s'excuse. Vous commencez lundi à neuf heures, ne soyez pas en retard ! Mon honnêteté et mon franc-parler sont sortis du lot pour le poste. Aujourd'hui, cela va faire dix ans que je travaille pour lui. J'ai su plus tard que le jour de mon embauche, il avait perdu la garde de sa fille par des manipulations de son ex-femme et qu'elle quittait la France pour s'installer au Canada.

« Cher patron adoré ! Merci, je vais bien, c'est tellement gentil de le demander ! On parle de ton âge avancé maintenant ou on attend ? Ne t'inquiète pas, la traduction est bien avancée, je te promets que lundi, ce sera prêt. Signée, ta plus dévouée employée et si tu passes dans le coin passe plutôt boire une bière au lieu de grogner ! »

***

Quinze heures tapantes et j'ai une folle envie d'envoyer un message à Ethan, mais je sais qu'il est actuellement en réunion. Avant de me remettre au travail et m'attaquer à la suite de la traduction de l'essai en cours, je profite d'appeler Marion.

- Coucou Lilou. Comment vas-tu ? Tu as survécu à madame tornade hier soir ?

- Tout va bien, un peu fatiguée malgré tout. Missy est restée plutôt calme pour une fois, déclarais-je moqueuse. C'est quand que l'on se voit ?

- Ce week-end, si vous êtes dispo ?

- Parfait ! Au fait, j'ai besoin de ton avis. Pour un premier rendez-vous, tu t'habillerais comment ?

- Crache tout de suite le morceau, cachottière !

- Pour faire court, j'ai rencontré quelqu'un hier et il m'a proposé de dîner avec lui ce soir...

- Sérieux ? Mais, c'est super ! De mon point de vue, je la jouerai sobre. Ni trop sexy, ni trop soft, entre les deux quoi !

- Ça m'aide vachement !

- Évite les jeans/baskets et les robes trop sexy. Au deuxième rencard, tu pourras te lâcher ! rigole-t-elle. Je te verrai bien avec ta robe bleu foncé, elle te va à ravir et serait parfaite pour l'occasion !

- Merci Marion. On se rappelle plus tard, car j'ai mon essai à terminer au plus vite, sinon Stan va me faire une syncope !

- Monsieur grincheux le retour ! Bon courage, à plus tard et bonne soirée !

Après une bonne partie de l'après-midi passé sur mon essai, je décide d'aller me préparer pour ce soir. Je sors ma robe de l'armoire, vérifie qu'elle est bien repassée, la pose sur mon lit et sautille sur place comme une gamine en chantonnant à tue-tête. Mon portable clignote.

*On pense à toi ! Chope-le et le laisse plus partir ! Missy et Yanis*

Ils sont ensemble, pauvre Yanis... J'espère qu'il ne souffre pas trop de l'indifférence de Missy.

Un son retentit.

*Je me suis trompé, j'ai cru que... Je prends l'avion pour Miami dans dix minutes. Adieu Lilou... Ethan*

Je perds l'équilibre m'appuyant sur mon évier pour éviter de tomber, tentant de reprendre mes esprits, en relisant pour la dixième fois son message.

*Je ne comprends pas ! Que se passe-t-il ? Ethan, explique-moi...*

J'ai beau fixer mon téléphone, mais je n'ai aucune réponse de sa part. Mon esprit tourne dans tous les sens. J'appelle immédiatement Missy en pleurs. Me soutenant le temps du trajet, ils arrivent dix minutes plus tard. Depuis le message d'Ethan, je n'ai pas bougé de ma salle de bains, assise parterre sur le carrelage. J'ai si froid. Yanis m'enveloppe de mon peignoir et me porte jusqu'au canapé. Je me faisais une telle joie de le revoir.

Lilou, tu n'es pas faite pour le bonheur... Cette phrase tourne en boucle dans ma tête. Mes deux amis essayent tant bien que mal de me remonter le moral en me câlinant et me parlant. J'entends leurs voix, mais mon esprit est ailleurs. Je me suis finalement endormie d'épuisement.

Même pas commencé, déjà fini...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top