Chapitre 2 ~ Ethan

Une fois de plus, j'ai fait ce rêve. Toujours ce même visage. Toujours ce même regard qui me hante presque chaque nuit. Tournant la tête sur le côté, je distingue le réveil indiqué l'heure. Cinq heures du matin en France, il devrait être vingt-trois heures à Miami. Je décide d'appeler ma sœur en espérant qu'elle n'est pas déjà endormie. Au bout de deux sonneries, elle décroche.

— Comment va mon frère adoré ? Mais attend, il est super tôt en France. Tu as encore fait ce cauchemar, n'est-ce pas ?

— On ne peut rien te cacher !

— Je sais ! Comment c'est là-bas ? Il faut vraiment que tu m'y emmènes un jour ! Allez, dit oui !

— On verra Cloé, tu sais que c'est compliqué et puis je ne suis pas ici en vacances et tu le sais !

— Oui, chef !

— Ne le prend pas mal... C'est pour nous que je fais tout ça. Tout se passe bien à la maison ? Louisa va bien ?

Elle m'assure que oui et je raccroche une fois rassuré, mais au bout d'une heure tout de même, le temps qu'elle me raconte sa journée et m'énumère ses achats de vêtements dans la dernière boutique qui vient d'ouvrir dans Lincoln Road, la rue la plus célèbre et animée de Miami Beach. Je lui indique au passage qu'elle ne devrait pas dépenser autant, mais je ne peux rien lui refuser.

Après un check-up de mes mails, un jogging au bord de la mer et une bonne douche, je m'aperçois qu'il me reste encore quelques heures avant ma prochaine réunion. Je décide d'aller à la Fnac prendre un livre pour Cloé et par la même occasion pour moi. L'ouverture monocorde des portes automatique du magasin me dévoile un monde fou à l'intérieur qui me donne envie de faire demi-tour, mais je me ravise, n'ayant sûrement plus le temps plus tard. Je déambule dans les allées sans trop savoir quoi prendre. Je distingue au loin une femme sublime marcher la tête baissée en slalomant les présentoirs tout en ne regardant pas devant elle. Comment peut-elle être aussi distraite et amusante en même temps ? Je continue de la regarder faire en m'inquiétant qu'elle puisse se prendre quelque chose et surtout se faire mal, mais elle s'arrête et s'empare d'un livre. Rassuré, je continue mon chemin et tombe sur un tas de romans qui pourraient plaire à Cloé. J'examine chaque écrit, lis avec attention les résumés, m'attardant sur l'un d'entre eux tout en marchant, m'imaginant la réaction de ma petite sœur. Quand brutalement, je percute quelqu'un. Désorienté au début, j'aperçois juste une silhouette, mais après quelques secondes, je reconnais cette femme qui vacillait tout à l'heure. Elle a l'air perdue, désemparée. Sans délai, je lui prends la main pour éviter qu'elle ne tombe.

La douceur de sa peau me fait frémir, mais elle ne me regarde toujours pas et cela m'inquiète. Levant finalement les yeux sur moi, elle m'examine de ses pupilles dilatées. Ce regard... Des images viennent percuter mon cerveau. Impossible, le choc a été plus brutal que je ne le pensais. Elle m'acquiesce que tout va bien quand je lui pose la question et j'essaye de ne pas éclater de rire quand elle me demande de la pincer. L'atmosphère autour de nous se rétrécit, je ne vois plus qu'elle et je n'ai absolument pas envie de lui lâcher la main. Malgré l'aisance surprenante de notre contact épidermique, elle se met à rougir et à bafouiller. Il faut vraiment qu'elle me pardonne, mais que puis-je faire pour cela ? On est dans un magasin de livres et non de fleurs. À part du papier et autres bricoles... Du papier ! Voici, l'idée ! Quand elle retire sa main trop brusquement à mon goût, cela me procure une sensation surprenante. Il faut que je réagisse et vite. Je lui demande de ne pas bouger et j'espère qu'elle le fera. D'un coup d'œil, je trouve un stand vendeur. Ma prochaine destination. D'un pas rapide, je m'y rends, apercevant au passage deux femmes me dévisager et faire les belles devant moi. Dommage pour vous les filles, vous n'êtes pas du tout mon style. Mais, alors pas du tout, trop vulgaire, trop sûr d'elle. Je les ignore. Arrivé devant le vendeur, je lui demande du papier et un crayon. Ayant certainement l'habitude, il me les tend sans broncher. Avant de commencer, je pose les yeux sur cette femme vérifié si elle n'avait pas disparu. Elle m'attend sagement, son téléphone à la main, le sourire aux lèvres. Quel con ! Belle comme elle est, elle doit sûrement avoir quelqu'un. Une hésitation me submerge quelques secondes avant de décider de le faire, mais une occasion comme celle-ci ne se représentera pas de sitôt !

Vu qu'il n'y a pas de fleurs, je décide d'en dessiner une. J'aimais beaucoup griffonner étant jeune, mais j'ai stoppé dans l'année de mes seize ans. Ma sœur, quant à elle, a toujours adoré lire. Dès qu'elle en termine un, j'ai le droit à un résumé détaillé. Je lui pique donc une citation appropriée pour les circonstances. Une fois le mot terminé, je me dirige vers elle pour le lui remettre. Dès qu'elle remarque ma présence, elle place son téléphone dans son sac et de sa petite main l'ouvre et commence à lire. Ses yeux s'ouvrent d'étonnement et son air stoïque me raidit de peur qu'elle n'apprécie pas. C'est avec un magnifique sourire qu'elle s'éclipse à son tour, s'installant sur le rebord d'une étagère, réfléchissant et commençant à écrire. Quelques minutes plus tard, elle revient d'un pas hésitant et tout se remet au ralenti. Il n'y a plus qu'elle. Encore une fois. Quand elle me tend le papier, elle se retourne et me souhaite une bonne journée. Quoi ? Non ! Le mot ne lui a pas plu ? Je ne lui plais pas... Non, elle a quelqu'un... Elle me montre du regard son bout de feuille et je comprends que je dois l'ouvrir et à ma plus grande joie, son numéro de téléphone y est noté. Un sourire idiot s'affiche immédiatement sur mon visage. Vu la foule, elle n'a pas pu aller bien loin et je la visualise dans la file d'attente. Je décide de lui envoyer un message pour vérifier si c'est le bon numéro. Toujours avec son sourire radieux, elle manipule son téléphone, mais aucune réponse de sa part. Je reste planté là, la regardant s'éloigner...

La vibration de mon téléphone me ramène de mes pensées lointaines. C'est elle ! C'est vraiment elle ! Attendant mon tour également à la caisse, je l'observe inlassablement. Une chose est sûre, c'est qu'elle ne regarde toujours pas où elle va ! Je tente de la prévenir par message, ne résistant pas de lui dire au passage que j'aimerais être le seul qu'elle bouscule. Elle ne relève pas cette dernière hypothèse, mais me promet de faire attention. Quand soudain, elle manque de peu de se faire rouler dessus ! Paniqué, j'essaye d'avancer pour la rejoindre, mais je suis bloqué par cet amas de personnes. Regardant toujours dans sa direction, je la vois discuter avec une femme et ça a l'air d'aller. Je ne sais pas si c'est mon état de panique ou un coup de chance qui fait ça, mais j'entends une caissière me demander de prendre place à sa caisse. Je me retrouve donc en tête de file. Réglant mes achats le plus rapidement possible, je sors du magasin en trombe ne l'apercevant plus. Où est Lilou ?

Dans un message, elle me rassure qu'elle est rentrée chez elle. Nous restons plusieurs heures à discuter et cela me plaît, j'attends toujours avec impatience ses réponses. On apprend à se connaître tout simplement. Avec regret, je lui avoue par la suite que j'habite Miami. Je n'ai pas envie de lui mentir. Si mon projet se concrétise, je serai en France bien plus souvent qu'avant. Peut-être y vivre ? Je n'y avais jamais pensé jusqu'à présent.

Heureusement, mon collaborateur n'a pas forcément remarqué toutes mes petites pauses passées sur mon téléphone, mais à son regard, il se questionne tout de même.

— Un problème Ethan ? Je te vois scotcher à ton téléphone !

— Non, Arthur, c'est juste... Euh... Désolé, c'est ma sœur !

— Je comprends mieux, vous êtes tellement soudés tous les deux et l'avoir laissé à Miami t'inquiète, n'est-ce pas ?

— Tout à fait ! Je n'aime pas la laisser seule. Elle est encore si immature parfois !

— Je m'inquiète aussi pour ma femme et mes enfants. Que dirais-tu de stopper cette réunion ? Je pense que l'on a bien avancé, on reprendra demain avec monsieur MacDowell. De toute manière, il nous manque des renseignements pour continuer. Profitons de cette fin de journée pour nous détendre. Qu'en dis-tu ?

— Tout à fait d'accord avec toi. Reposons-nous pour la longue réunion de demain !

J'avoue, j'ai menti, mais qu'à moitié. J'ai également eu des messages de ma sœur durant la journée. J'ai ma soirée de libre, peut-être que je pourrais inviter Lilou au restaurant ? C'est peut-être trop tôt ? Allez, je me lance ! Mon cœur bat la chamade quand je débute le message, mais je reçois entre-temps un de sa part qui me dit que ce soir une amie vient chez elle. Je ravale mon invitation...

Nous continuons à discuter malgré tout jusqu'à l'arrivée de son amie. Je décide de la laisser tranquille ce soir. Ce qui va être dur, car je prends un véritable plaisir à lui parler. Une femme intelligente, drôle et belle.

N'ayant pas envie de bouger ce soir, je décide de commander mon repas au room service de l'hôtel. En attendant, je peaufine mon dossier pour demain. J'y passe même toute la soirée. Minuit et toujours pas de nouvelles de Lilou, je me demande ce qu'elle peut faire, ce qu'elle peut dire, si elle a parlé de moi, si elle pense à moi. Je déraille et me surprends de penser cela, je n'ai jamais été amoureux de ma vie. Enfin si, une fois... J'ai l'impression d'être littéralement tombé sous son charme dès la première seconde. Je sais que je plais à la gent féminine, mais je me suis toujours concentré sur mon travail pour obtenir une vie décente pour ma sœur. La priorité, c'était elle.

Je pars me coucher tardivement, ne cessant de penser à Lilou. À peine les yeux fermés que je reçois un message. À l'affichage de son prénom, je souris comme un crétin.

*Jpense à toooii... Tu ve 1 cupcake ???*

La soirée entre filles a dû être bien arrosée. Je trouve malgré tout son message adorable. Un brin d'inquiétude m'envahit quand même, car elle a l'air d'avoir pas mal absorbé d'alcool. J'ai envie de lui répondre, mais il est tard, j'attendrai plutôt demain matin quand elle aura les idées claires. Je ne vais pas profiter de son état pour qu'elle me dise certaines choses qu'elle regretterait par la suite.

Je me rallonge serein et heureux. Quelle bonne idée que j'ai eu d'aller ce matin à la Fnac ! Repensant à cette journée riche en émotions, je m'endors en priant de la revoir...

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