Reily

« Je te jure que c'est une très mauvaise idée.

- Tais-toi, Ezra. »

Il posa une main sur mon épaule.

« Non. Reily, je te laisserai pas faire une telle ânerie, OK ?

- Tu es obligé de m'écouter ! m'emportai-je. Je t'ai appelé, alors tu as le devoir de me servir et d'exécuter mes ordres, peu importe ce que tu en penses ! »

Il soupira et croisa les bras. Je continuai en silence d'allumer les bougies autour du cercle.

« Donne-moi la paire de ciseaux, lui ordonnai-je.

- Tu t'apprêtes à faire la pire erreur de ta vie... »

Il me tendit les ciseaux. Prenant une épaisse mèche de cheveux, je la coupai entièrement, juste sous le menton et la jetai au centre du cercle. Je fis ensuite courir l'une des lames sur mon bras, jusqu'à ce que du sang coule.

« Reily, tu peux encore t'arrê...

- Tais-toi ! », hurlai-je.

Je m'assis en tailleur, à même le sol.

« Kalybdelia. »

Un vent glacial parcourut la pièce, alors que la celle-ci était fermée pour ne laisser passer aucun courant d'air. La brise souleva mes cheveux, le froid mordant ma nuque.

« Kalybdelia. »

Je sentis la pièce trembler, et remerciai le Ciel (chose ironique) d'avoir poussé ma tante à sortir cette semaine. La salle commença à tourner autour de moi. Mon crâne me faisait alors atrocement souffrir. Mais il fallait que je prononce son nom une troisième fois.

« Kalybdelia. »

La pièce arrêta de tourner et de trembler. Le temps semblait suspendu autour de nous. Une lumière blanche m'aveugla. Les yeux clos, j'entendis cependant :

« Ah, mon cher, très cher frère ! Tu m'avais manqué, Ryzakelide ! »

Une voix de femme. Suivie rapidement par celle d'Ezra.

« Pas à moi, Kalybdelia. »

La voix éclata d'un rire cristallin. Une main se posa soudain sur ma tête. Surprise, j'ouvris les yeux.

La femme qui avait parlé avait de très longs cheveux rouges, lui descendant jusqu'au bas du dos. Ses yeux, d'un noir aussi pur que de l'onyx, me dévisageaient. Elle était entièrement nue. Son visage et son corps étaient d'une perfection inimaginable, tels ceux d'une statue grecque d'Aphrodite.

« Reily Grant, n'est-ce pas ? me demanda-t-elle de sa voix suave.

- Oui... oui. »

Elle sourit. Je n'avais jamais vu un sourire aussi beau et radieux.

« Cela te dérangerait-il d'aller me chercher des vêtements ? Comprends-tu, être dans le plus simple appareil face à une inconnue n'est pas convenable...

- Laisse, Reily. Kal, je vais y aller à sa place. Cette jeune fille a quelque chose à te demander. », lâcha amèrement Ezra.

Il sortit de la salle, laissant la porte légèrement entrebâillée. La démone s'assit à mes côtés, couvrant sa poitrine de son bras droit.

« Tu m'as appelée pour une raison particulière. »

Ce n'était pas une question, car elle en connaissait la réponse.

« Laquelle ? »

Je restai silencieuse un instant, avant de me décider.

« J'ai perdu un être cher. Je souhaite le retrouver. »

Kal rit. Son rire se répercuta dans la pièce.

« Et en retour ? Tu le sais, Reily, nous, démons, n'offrons rien sans avoir la garantie de recevoir quelque chose en retour.

- Tout ce que vous voudrez. », déclarai-je.

Elle plissa les yeux, réfléchissant certainement à ma proposition.

« Absolument tout ?

- Absolument tout. », acquiesçai-je.

La porte s'ouvrit sur Ezra, qui jeta un vieux short et un t-shirt élimé aux pieds de sa sœur. Elle les enfila. Même habillée avec les plus vieux vêtements de mon armoire, elle était splendide.

« Alors c'est d'accord. », décida-t-elle, un grand sourire aux lèvres.

Je clignai des yeux.

« Vraiment ?

- Oui. Mais... et bien... je ne te garantis pas l'issu de ce rituel.

- Ça m'importe peu. Qui ne tente rien n'a rien. »

Elle continua de sourire.

« J'aime cet état d'esprit. »

*

« Allons, Evy ! Arrête donc de tirer cette tête ! »

Les bras croisés, adossée contre un mur, Evy me foudroyait du regard depuis qu'elle était arrivée.

« Vu ce que tu m'as dit la dernière fois qu'on s'est parlées, j'ai bien le droit de la tirer.

- Tu m'en veux toujours ? »

Elle ricana.

« Rien de bien étonnant.

- Il faut que je m'excuse, c'est ça ? »

Elle planta ses yeux gris dans les miens.

« Ça me semble évident.

- Alors dans ce cas, je m'excuse. C'est bon, contente ?

- Vous venez ? »

Kal était assise en tailleur sur la moquette du salon, sa robe noire et ses cheveux rouges se détachant de la blancheur immaculée des meubles, du sol et du plafond. Nous prîmes place à côté d'elle, nous asseyant dans la même position. La démone nous tendit les mains, que nous saisîmes. Lorsque ma main et celle d'Evy se touchèrent, nous échangeâmes un regard.

« Prêtes ? nous demanda Kal.

- Oui. », répondîmes-nous en chœur.

Une décharge électrique extrêmement désagréable me parcourut le corps. Je grimaçai et me tournai vers l'instigatrice du rituel. Ses yeux étaient grands ouverts, et leurs pupilles étaient devenues d'un blanc laiteux. En me tournant vers Evy, je découvris que ses yeux avaient eu aussi pris une teinte blanche. Je devinai que les miens devaient l'être aussi, comme les leurs.

« Par les étincelles superbes de nos ancêtres, et les signes splendides des Ritzalide. »

Nous répétâmes inconsciemment les mots de Kal. Nous étions sous sa totale emprise.

« Que la vie soit redonnée...

- Que la vie soit redonnée...

- À cet être tant aimé.

- À cet être tant aimé. »

Mes oreilles se mirent à siffler. Durant un instant, je ne vis plus rien. Kal se mit à parler dans une langue étrangère, que je réussis pourtant à comprendre.

« Je vous en prie, Grand Maître. Cette jeune fille s'est engagée à nous aider. Elle y est obligée désormais. »

Une voix extrêmement grave lui répondit :

« Peut-on lui faire confiance ? A-t-elle vraiment besoin de revoir ce garçon ?

- Oui. »

J'avais recouvré la vue et venais de répondre. Ils se tournèrent vers moi. Celui que Kal avait appelé Grand Maître était immense. Il avait la peau sombre et tannée, comme du vieux cuir, et son visage était caché par un masque rouge. Il portait une longue toge d'un bleu éclatant, sur laquelle brillaient différentes constellations.

« Comment as-tu pu parler, misérable chose ?

- Parce que cette fille en a envie, Maître. Elle n'attend que cela. »

Le Maître donna une grande gifle à la démone qui retomba... je ne sais où. Nous n'étions plus dans le salon, mais dans une sorte d'immense désert blanc.

« Tais-toi donc, Kalybdelia. Je ne t'ai aucunement demandé de parler. C'est à elle que je pose la question. Alors ? Serais-tu prête à aider notre monde ? »

J'étais à la fois effrayée et émerveillée par cet homme - si l'on pouvait appeler ça un homme.

« Si c'est pour retrouver Edward, oui. Oui, je suis prête à tout. »

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